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À deux pas de l’école, des entreprises

Très souvent (trop !) la mission du CLEE (voir encadré) dans un établissement consiste à recenser à la fin de l’année toutes les actions qui ont permis un lien avec les entreprises. Encore aujourd’hui, pour certains enseignants de collège ou de lycée, il n’y a pas vraiment d’utilité à favoriser cette relation, et le fait d’y contribuer peut même, dans certains cas, être jugé suspect, l’école n’étant pas là, selon eux, pour faire le lit du monde économique dans lequel baignent tous nos élèves et leurs parents, et dont ils seront demain la relève. Les CLEE ont pourtant leurs habitués, investis dans un module de découverte professionnelle, dans un EPI (enseignement pratique interdisciplinaire) en lien avec le monde économique et l’orientation. Ils y trouvent souvent des dispositifs pépites et travaillent ainsi le parcours avenir, qui consiste à la fois à mieux comprendre le monde économique, la diversité des métiers et des formations tout en développant son sens de l’engagement et de l’initiative afin d’élaborer son projet d’orientation. Les supports utilisés changent souvent de ce qui se fait en classe, avec les CLEE s’ouvrent les portes d’entreprises, de projets et concours valorisants où les élèves s’engagent réellement.

Se former

À mon arrivée dans le lycée en 2016, un emploi aidé assurait la coordination du CLEE vingt heures par semaine. Des projets se répétaient d’année en année avec un réel succès, mais sans qu’ils soient connus en dehors du cercle de ses initiateurs. J’ai entrepris de fédérer une petite équipe de collègues chefs d’établissement volontaires des deux bassins pédagogiques, à laquelle se sont joints des directeurs de CIO (centre d’information et d’orientation), des enseignants et un directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques. La première année, nous avons fait un état des lieux des stages d’observation en milieu professionnel en 3e, pour aider à mutualiser les outils et surtout définir un rôle au CLEE partagé avec les équipes de collège. Rapidement, nous avons senti la nécessité de former des référents école-entreprise, un par collège. Le CLEE pouvait réunir ces référents une à deux fois par an et essayer de répondre aux attentes de l’équipe qu’ils représentent. Là encore, l’ambition d’être utiles et opérationnels nous a guidés : permettre à un enseignant de chacun des collèges du département de mieux appréhender le contexte économique gersois avec l’aide des partenaires issus du monde économique, mutualiser les outils de recherche et de préparation du stage mais aussi les outils d’exploitation, et enfin fabriquer un questionnaire qui permette un bilan annuel régulier de ce temps fort du parcours avenir, tout en constituant une banque de stages.

Partager pour lever les freins

L’ensemble des ressources produites a alimenté un Padlet qui a été mis en partage à tous les établissements. Le repas préparé par des élèves de la section hôtelière du lycée professionnel qui nous accueillait, la présence de la directrice académique, le format participatif de la journée ont fait qu’au-delà du fond, la forme soit libre et permette de faire remonter les besoins du terrain. Nous avons recensé les désirs de nos référents pour une deuxième formation. Chacun des acteurs est rentré dans son établissement avec des ressources partagées le jour même, sur l’idée du « copirate », qui est l’inverse du copyright : j’ai fabriqué cela dans mon coin, je te le donne si ça t’est utile, tu peux même l’améliorer et me le faire passer.

Au-delà de la banque de stages qui est née, de la relation de confiance qui s’est construite entre les différents acteurs, le questionnaire a permis de faire un bilan qualitatif du stage de découverte en 3e. Nous en connaissons les points forts : peu d’élèves ont eu des difficultés à en trouver, les élèves se sentent bien accueillis, ils jugent ce stage utile et souhaitent même, pour deux tiers d’entre eux, renouveler l’expérience si cela est possible. Et également les difficultés : 90 % des élèves trouvent leur stage dans leur environnement familial et seulement 6 % d’entre eux bénéficient du transport scolaire. La question de la mobilité est un véritable frein à leur objectif de découverte, c’est donc une priorité à travailler cette année sur le plan départemental. Le CLEE mènera ce travail plus politique avec l’aide du directeur académique. Notre idéal serait que la région nous accompagne dans une opération, pour permettre la prise en charge du transport dans les mêmes conditions mais sur d’autres circuits lors des semaines de stage, afin de faciliter la mobilité.

Si proche et si peu connu

Pour la deuxième année de développement professionnel des référents école-entreprise, nous avons établi un programme en cohérence avec les attendus et besoins des équipes, exprimés lors du premier temps de formation. Cette année, la formation permettra de visiter une ou deux entreprises emblématiques de l’économie gersoise. Autour de priorités, mieux appréhender le fonctionnement d’une entreprise et ses métiers (et les parcours de formation induits) pour mieux préparer les élèves au stage et, demain, aller plus loin en permettant à chaque référent de poursuivre par une immersion personnelle en entreprise. En effet aujourd’hui, de tels dispositifs existent mais ne sont pas toujours mis en œuvre, particulièrement en zone rurale. Il est facile de visiter l’aérospatiale toulousaine, mais bien plus difficile d’entrer dans des entreprises de l’agroalimentaire (premier employeur de la région), et il y a des fleurons industriels dans notre département. Après la visite, des actions de préparation du stage ou d’immersion seront présentées, elles existent déjà dans un établissement et peuvent être inspirantes. Nous mélangerons les acteurs du monde économique avec les référents, afin de faciliter les relations et la mise en œuvre de projets. Et nous permettrons à différents exemples de projets qui facilitent la relation au monde économique d’être présentés, les minientreprises de l’association Entreprendre pour Apprendre, par exemple, qui permettent durant un an à des élèves de vivre une expérience d’engagement, de découverte et de créativité. Chacun repartira avec un projet de lien école-entreprise qu’il pourra mettre en œuvre dans son établissement.

Après deux ans et demi à chercher à se connecter, à s’apprivoiser, nous voilà un peu moins loin du monde économique, un peu liés, rabibochés. Chacun comprend mieux l’autre, sait ce qu’il peut attendre et ose demander. Les sollicitations ne sont pas nouvelles, elles n’ont pas été multipliées par deux, mais il est certain qu’elles trouvent un meilleur écho. Les acteurs du CLEE en savent davantage sur la richesse et la diversité du tissu économique gersois et, dans le cadre de cette petite organisation apprenante, des enseignants vont même aller en entreprise « pour voir ». Tisser des liens en territoire rural avec l’environnement économique est une histoire collective et pédagogiquement constructive.

Benjamin Paul
Proviseur du lycée Le Garros à Auch et animateur du CLEE du Gers

 

Le comité local école entreprise, ou CLEE

 

« Les CLEE sont des espaces d’échanges et de ressources entre le monde de l’entreprise et celui de l’école, sur les données liées à la relation formation emploi. Ils constituent une force de proposition et d’action au plus près des acteurs locaux », dit la définition officielle. Concrètement, il y a sur le plan national un CLEE par bassin d’emploi, dix-sept par exemple pour l’académie de Toulouse, un seul pour le Gers. Les établissements supports choisis offrent des formations qui leur permettent d’avoir un lien privilégié avec le monde économique.