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Les consignes : pas si simple de rester dans le complexe !

Lorsqu’on se prépare à devenir enseignant, on n’a pas toujours le temps ou la disponibilité d’esprit pour réfléchir à des questions généralistes de pédagogie. Jean-Michel Zakhartchouk intervenait sur la question des consignes, le 15 décembre 2016, devant des étudiants, futurs enseignants de primaire, à Leuze-en-Hainaut, en Belgique. Voici les réflexions qu’en ont retirées deux étudiantes présentes à cette conférence.

Le 15 décembre dernier, nous avons eu l’occasion de rencontrer Jean-Michel Zakhartchouk, enseignant, pédagogue et auteur d’ouvrages, lors d’une conférence sur les consignes. Son expérience est impressionnante : il a d’abord été professeur dans un collège en zone d’éducation prioritaire, ensuite il s’est occupé de la formation d’enseignants à Amiens. Il est également membre de la rédaction des Cahiers pédagogiques.

Ce spécialiste nous a fait remarquer que les consignes ne sont pas seulement scolaires, mais que nous pouvons en retrouver dans la vie quotidienne sous forme de recettes de cuisine, d’itinéraires à suivre, etc. Mais il a attiré notre attention sur le fait que les consignes scolaires avaient leur spécificité. En effet, à l’école, les consignes visent l’apprentissage, tandis que les consignes de la vie courante tendent à faire agir, mais pas forcément à faire apprendre. Il faut donc être conscient de cette distinction pour le faire remarquer aux élèves !

Nous avons poursuivi cette séance par un brainstorming sur ce que représente, pour nous, une bonne consigne. Nous connaissions quand même certains principes, mais pas tout ! Monsieur Zakhartchouk nous a alors proposé une deuxième activité. Nous devions lire une phrase contenant deux fois le même mot : « L’oiseau sur la la branche. » Nous avons été stupéfaits de constater que la plupart des personnes présentes (dont nous-mêmes !) ont lu « l’oiseau sur la branche ». À travers cet exemple marquant, nous avons pu constater que le cerveau adapte ce qu’il voit pour se raccrocher à ce qu’il connait. Nous en avons retenu que nous avons donc tendance à ne pas forcément lire ce qui est écrit, mais que nous lisons ce que nous nous représentons dans notre tête. Ceci nous prouve qu’il est nécessaire de pratiquer plusieurs lectures de consignes tout en analysant chaque mot de celles-ci et d’amener les élèves à fixer leur attention sur ce qui est important. En fait, de nombreux éléments d’une consigne peuvent distraire les élèves du but auquel on souhaite les faire arriver.

Au départ, une bonne consigne devait être, pour nous, formulée de manière précise, claire et courte. Elle devait, selon nous, également contenir des verbes d’action et permettre de mettre directement les élèves au travail.

Suite à cette conférence, nous pouvons établir une liste, non exhaustive, de conseils selon deux critères : ce que nous pouvons mettre en œuvre dès aujourd’hui lors de nos stages et ce que nous pourrons mettre en œuvre lorsque nous serons constamment sur le terrain, en tant que véritables enseignants.

Conseils pour les consignes

Lors de nos stages, nous allons essayer de formuler des consignes identiques pour tous, afin de ne pas les simplifier excessivement pour certains élèves en difficultés. Nous allons tenter de ne pas être trop précis avec des détails qui risqueraient de perdre les apprenants et en évitant toute négation. En effet, comme souligné par M. Zakhartchouk, la décomposition à l’excès de la consigne sature la mémoire à court terme. Néanmoins, donner plusieurs consignes dans une même phrase provoque le même phénomène. Il faut donc trouver le juste milieu ! Et ce n’est pas forcément évident.

Nous allons également suivre son conseil d’éviter d’utiliser l’infinitif, car cela a tendance à dépersonnaliser. Nous avons aussi retenu qu’il était important de fournir les informations au compte-goutte, pour éviter que l’élève soit obligé de comprendre la totalité de ce qu’il doit faire avant de commencer son travail. Il faut donc renoncer à l’idée que l’élève comprenne tout, tout de suite. En effet, certains apprenants ont besoin de faire pour comprendre et pas toujours d’avoir tout compris avant de faire ; d’où l’intérêt de varier les activités.

En revanche, nous pouvons aider l’élève à surmonter ses difficultés de vocabulaire, autant au niveau des mots faciles qu’au niveau des mots difficiles. Ils peuvent également rencontrer des difficultés de syntaxe auxquelles nous pouvons tenter de remédier en utilisant des termes, certes techniques, mais qui sont préférables aux termes flous. Il nous semble important de percevoir nous-mêmes les différentes significations d’un mot selon le cours enseigné mais, surtout, de le faire remarquer aux élèves. Par exemple, une racine est vue différemment par les scientifiques (racine d’un arbre) et par les mathématiciens (racine carrée). Ou encore, un sommet (de montagne) en géographie n’a pas le même sens que le sommet (d’une figure) en mathématiques. Tous ces réflexes vont nous aider à favoriser une meilleure compréhension des consignes de la part des élèves, tant à l’oral que lors de la lecture de celles-ci.

Laisser du temps

De plus, il est indispensable de laisser aux élèves le temps de s’approprier les consignes. Cependant, il est conseillé d’éviter de retarder la mise au travail des élèves, mais de profiter de celle-ci afin qu’ils puissent faire émerger leurs questions. Vis-à-vis de ces dernières, il est préférable de ne pas intervenir directement, mais plutôt d’attendre une dizaine de minutes en leur disant « Essayez d’abord, vous aurez l’occasion de me poser des questions dans dix minutes. » Nous avons également retenu l’idée facilement applicable qu’il est pertinent de leur renvoyer la question en leur demandant : « Qu’est-ce que tu en penses ? » Cette dernière idée permet aux élèves d’apprendre à devenir autonomes et à développer leur propre recherche. Enfin, pour éviter toute distraction des élèves, il vaut mieux ne pas donner de consignes en fin de cours, car elles risquent de passer inaperçues. Pourtant, bon nombre de fois, nous sommes surprises par la sonnerie des cours en classe et ajoutons toujours des consignes, alors que l’on sait ne plus être écoutées par tous les élèves.

D’autres précieux conseils nous ont également été transmis. Nous envisageons de les mettre déjà en pratique, mais nous n’en verrons sans doute les répercussions qu’à plus long terme. Nous tenterons, à travers notre expérience future, de développer ces différents aspects qui nous semblent, certes, difficiles, mais primordiaux !

Afin de devenir un bon pédagogue, il est indispensable de tenter d’habituer l’élève à se passer de nous. Pour cela, il faut le guider pour l’aider à anticiper, plutôt que de le faire à sa place. Or, nous avons parfois tendance à donner trop de guidage. Cette habitude peut provoquer le fait que l’élève reste dépendant de ce guidage, il faut qu’il soit à la fois de plus en plus autonome, sans être complètement livré à lui-même. Pour cela, il convient de diminuer la peur de la difficulté et non de supprimer la difficulté elle-même. Ceci passe par le fait de rassurer les apprenants concernant le statut de l’erreur, « Bravo ! Tu t’es trompé ! », comme dit notre pédagogue.

Encourager pour rendre les élèves autonomes

D’ailleurs, il est plus encourageant de dire « c’est difficile, vous allez certainement commettre des erreurs, mais je sais que vous êtes capables d’y arriver » que de dire « c’est facile ». Cette dernière phrase pourrait entrainer un sentiment de découragement auprès des élèves en difficultés. De nombreux élèves ont tendance à attendre que le professeur fasse à leur place et à abandonner lorsqu’ils n’y arrivent pas. Pour les aider à se détacher de plus en plus du professeur, on peut utiliser la technique qui consiste à noter les noms des élèves ayant des questions, mais à ne pas y répondre directement, et leur demander par la suite s’ils ont encore une question ou s’ils ont été capables d’y répondre seuls.

Pour aider les élèves à dépasser leurs difficultés, il faut les inciter à mobiliser les savoirs qu’ils ont déjà acquis, plutôt que de leur dire ce qu’ils doivent mobiliser pour y arriver, toujours en lien avec le fait de les rendre autonomes. De plus, l’élève qui visualise et anticipe ce qu’il doit faire aura plus de facilités à accomplir les tâches qui lui sont demandées et à apprendre. La métaphore utilisée par monsieur Zakhartchouk du skieur qui voit sa course avant de l’avoir faite illustre bien cette idée. Il faut également les entrainer à avoir des réflexes lors de la lecture de consignes. On peut leur donner les outils qui vont leur permettre d’avancer, mais on ne doit surtout pas tout faire à leur place. Un élément clé souligné lors de la conférence est aussi de privilégier la justification dans les consignes et de ne pas uniquement s’attarder sur une réponse finale. Cet aspect, nous le développons au quotidien lors de nos stages, mais devrons encore développer ce réflexe lors de notre pratique future : l’important n’est pas forcément la réponse, mais pourquoi et comment nous y sommes arrivés.

De tout cela, nous concluons qu’il n’est pas indiqué de faire un travail « sur les consignes pour les consignes » et de les isoler du reste des apprentissages, parce que c’est un travail qui se fait au quotidien à travers toutes les disciplines. Nous retenons aussi que, derrière ce qui semble un détail au sein de la méthodologie visant à enseigner, se cachent une multitude de principes pédagogiques fondamentaux tels que l’autonomie, l’aide des élèves en difficultés et le fait de ne pas avoir peur de ce qui est complexe avec les élèves pour les mettre réellement dans des conditions d’apprentissage.

Annouck Wibaut et Justine Guilbert
Étudiantes en deuxième année de formation à l’enseignement secondaire inférieur en mathématiques à la Haute École Louvain-en-Hainaut (HELHa), École normale de Leuze-en-Hainaut, Belgique
Texte références:

Jean-Michel Zakhartchouk, Comprendre les énoncés et consignes. Un point fort du socle commun, Canopé, collection Agir, 2016.

« Attention aux consignes ! », n° 483 des Cahiers pédagogiques, coordonné par Jean-Michel Zakhartchouk, septembre 2010 (uniquement en PDF).

 

Texte références

Jean-Michel Zakhartchouk, Comprendre les énoncés et consignes. Un point fort du socle commun, Canopé, collection Agir, 2016.

« Attention aux consignes ! », n° 483 des Cahiers pédagogiques, coordonné par Jean-Michel Zakhartchouk, septembre 2010 (uniquement en PDF).

http://eduscol.education.fr/experitheque/fiches/fiche11984.pdf