Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !
,

Travailler sur la recherche documentaire en CAP

L’auteure apprécie cet entrainement à l’éducation à l’information en histoire-géographie dans les nouvelles épreuves de CAP en contrôle en cours de formation, car il permet de travailler en profondeur la recherche documentaire et la sélection d’informations pertinentes.

Chaque élève choisit une séquence d’histoire ou de géographie, un sous-thème sur cette séquence, et il cherche une problématique qui permette de restreindre et d’explorer cette thématique. Beaucoup ont exprimé leur scepticisme lors de la présentation de l’épreuve en 2003 : comment des élèves de CAP allaient-ils pouvoir trouver des problématiques ? C’était sous-estimer nos élèves et le fait qu’ils pouvaient utiliser les conseils de leur professeur pour trouver, par approximations successives, de véritables problématiques, à quelques exceptions près. D’abord, une question qu’ils se posaient pour arriver peu à peu à deux concepts en tension ouvrant sur un débat.

s’engager dans une démarche de recherche

Ensuite, ils doivent chercher trois ou quatre documents de natures différentes répondant à cette problématique de façon contradictoire. Ils soutiennent leur dossier à l’oral, en expliquant en introduction pourquoi ils ont choisi ce sujet, en présentant leur problématique et leur plan. Ils concluent en disant comment, dans l’état actuel de leur réflexion, ils répondraient à la problématique et ce qu’ils ont conscience d’avoir appris en préparant ce dossier. Parmi les compétences acquises, on trouve bien sûr la recherche raisonnée de documents sur support papier ou numérique, même si la plupart des élèves préfèrent chercher sur internet.

Ils vont devoir apprendre à poser une requête assez précise pour limiter les ressources à explorer, ce qui les oblige à cerner de près leur questionnement et à recourir à un vocabulaire rigoureux. Ils vont apprendre à décider si une source est assez fiable ou non, et ce n’est pas une mince affaire : repérer les extensions des URL, les auteurs, leur parcours, les références, les titres universitaires, les recherches publiées et validées par les pairs, croiser les sources au moins deux fois, écarter les canulars, les articles non fondés, les sites trop légers, vérifier qui a écrit tel article Wikipédia, etc. Au bout du compte, prendre conscience qu’on n’est jamais vraiment certain de ses sources, mais qu’on peut acquérir l’habitude de placer le curseur entre le moins fiable et le plus fiable en décidant qu’à partir d’un certain degré de fiabilité, on prend un risque calculé. Ils seront amenés, à l’oral, à justifier la fiabilité d’un des trois documents présentés. Leur capacité à raisonner sera ainsi évaluée par les examinateurs. On est parfois sur la corde raide, on peut être titulaire d’un doctorat d’État et s’appeler Robert Faurisson, des statistiques gouvernementales peuvent présenter de sérieux biais de lecture, même les journaux les plus sérieux sont tombés dans le panneau du charnier de Timișoara qui est resté associé aux manipulations dont les médias sont toujours susceptibles d’être à la fois les dupes et les relais.

adopter une posture critique

Les candidats peuvent aussi bien présenter des cartes, schémas, tableaux de chiffres tirés de l’infographie foisonnante sur le net ou dans les journaux, des textes, des photographies, des dessins d’actualité, des extraits de films. Ils vont devoir vérifier les sources de leurs sources : où ce journal est-il allé chercher ce graphique ? Ils se rendent compte avec étonnement que les journaux, pour la plupart, n’ont pas les moyens de produire eux-mêmes ces documents. Ils vont découvrir que tous les journaux et tous les sites ne précisent pas clairement leurs sources, que les journaux sérieux puisent leurs chiffres auprès de l’Insee, leurs cartes auprès de l’atelier de cartographie de Sciences-Po, les photographies des fonds des agences de presse, etc. Peu à peu ils se familiarisent avec les circuits complexes de l’information et réalisent combien cette complexité peut entrainer de fragilités. Ils vont comprendre que connaitre la source permet non seulement d’en apprécier la qualité, mais aussi d’aller vérifier les informations.

Ils se prennent vite au jeu, mènent volontiers l’enquête et se montrent très fiers d’être en mesure de justifier le degré de fiabilité d’un document durant l’oral. Tout n’est pas acquis à travers cet exercice exigeant, mais déjà, ces jeunes sont amenés à adopter face aux médias une posture active et critique et à chercher ce qui se cache dans les coulisses de l’information et de la presse.

Nicole Bouin
Professeure de lettres-histoire en lycée professionnel à Lyon à la retraite – Formatrice (Rhône)