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Au-delà de la lecture, chercher le sens de l’écrit

Lors de la Semaine de la presse et des médias, l’auteure profite du kiosque offert pour faire réfléchir ses élèves de CE1-CE2 sur l’écrit et ses fonctions au moyen de différents journaux.

J’enseigne en CE1-CE2, dans une école de campagne du Lot. Dans les familles de mes élèves, la presse est très rare. Le journal connu des enfants correspond encore à l’image d’Épinal suivante : le grand-père lit le quotidien local et la grand-mère le recycle en y jetant les épluchures de légumes. Le journal, quand il n’arrive pas dans la boite aux lettres en abonnement, c’est celui qu’on achète à la supérette ou à la boulangerie du coin, avec quatre pauvres titres disponibles sur le tourniquet. Mes élèves savent dire aisément que le journal sert à faire des mots croisés, à savoir qui est mort, comment a eu lieu tel accident et quel temps il fera le lendemain.

Mon rôle d’enseignante consiste à faire réfléchir les élèves sur les fonctions de l’écrit adressé.

C’est pourquoi, depuis de nombreuses années, je cherche à dépasser leurs représentations sur une presse d’un autre âge et j’inscris mon école à la Semaine de la presse et des médias. Grâce à l’action du Clemi (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information), chaque année, les enseignants peuvent recevoir un kiosque à journaux gratuits permettant de toucher, feuilleter, lire différents journaux et magazines français. C’est l’occasion que j’ai choisie pour faire découvrir des fonctions de l’écrit, la cible de tout article, et favoriser la rencontre avec un journaliste, pour les aider à se projeter « quand on sera grand ».

Dépasser les clichés, comprendre que les médias sont partout et que l’information est un savoir est mon leitmotiv toute l’année. Aujourd’hui, à l’heure d’internet, la connaissance n’est pas enfermée dans les livres et dans l’école. Elle est partout. Savoir ce que l’on cherche et comment le trouver est donc une priorité. Comprendre les mots clés de sa recherche, formuler une demande, décrypter l’implicite, etc., voilà notre nouveau chantier.

Du Feuilletage aux tweets

À 7 ans, quand arrive une dizaine de magazines sur sa table d’écolier, on a tout de suite envie de toucher, feuilleter et même de lire, puisque c’est une de nos victoires les plus récentes. Ce temps de découverte, de feuilletage suscite l’échange spontané, des discussions complices autour d’écrits, d’images ou de dessins insolites. J’apprécie ce moment important où les enfants de cours élémentaire se sentent faire partie du monde des grands.

Ils reconnaissent certains titres.

Ils découvrent les informations de la couverture ou de la une et apprennent à en inférer le contenu.

L’étape suivante est celle des classements : par âge cible, par périodicité de la parution, par centre d’intérêt pour l’essentiel.

C’est alors que les pépites fusent. Il s’agit de ces remarques, ces hypothèses que font les enfants au contact d’un média.

Cette année, tout un débat a émergé sur la cible genrée des magazines. Autant il leur a été difficile de se projeter dans la lecture d’un journal papier, autant les clichés sur les magazines sportifs pour les hommes et de mode pour les femmes les ont choqués.

Quelques tweets envoyés à l’occasion de la #spme2016 : « On travaille sur les titres des journaux et leur public cible. On voit que la société change plus vite que la presse ! », « les quotidiens en papier, ce sont les grands-parents qui les lisent. Mon père lit plutôt sur sa tablette », « pourquoi à L’Équipe ou à France Football il n’y a presque pas de photos de filles ? Elles font aussi du sport, c’est pas juste ! », « pourquoi ce journal Femme Actuelle s’appelle comme ça ? C’est aussi pour les hommes les recettes, les voyages et les jeux, non ? »

Accueillir un journaliste

Chaque année, je m’efforce de trouver un intervenant différent, puisque mes élèves restent au moins deux ans dans ma classe. Ainsi avons-nous reçu le rédacteur en chef de La Vie Quercynoise, un hebdomadaire local. Il avait montré sa carte de presse et parlé de la connivence nécessaire entre journalistes et gendarmerie pour informer les gens, sans pour autant nuire aux enquêtes policières.

L’an dernier, c’est un reporter de terrain de La Dépêche du Midi qui a passé une matinée avec nous. Il nous avait longuement décrit la conférence de presse du matin. Cette année, c’est Romain, un envoyé spécial caméraman, qui est venu nous parler d’un métier journalistique plus calme pour sa webTV Media46. Il n’est pas dans l’urgence du terrain ; il filme des évènements culturels prévus par les associations lotoises, essentiellement en Midi-Pyrénées. Mes intervieweurs en herbe, aguerris par ces rencontres, ont longuement interrogé le garçon sur ses conditions de travail, ses frais de déplacement, la durée de travail sur une journée. Ils avaient été échaudés par la dure journée type du rédacteur en chef, dont le téléphone sonne sans cesse. La question de la durée des vidéos les a questionnés. Comment choisir ce qu’il faut garder d’un rush de plusieurs heures dans une vidéo d’un format type de trois minutes ? Le temps du montage, du choix des coupes, invisible au moment du visionnage, a permis d’éclairer cette partie cachée du métier. Ensuite, Romain a réalisé un film dans notre classe. Il nous montrera le travail définitif en fin d’année.

Carole Gomez-Gauthié
professeure des écoles adjointe à Cahors (Lot), doctorante en sciences de l’éducation à l’UT2J

DISPOSITIF

La semaine la presse et des médias à l’école
Durant une semaine, les médias sont à l’honneur dans les classes. En s’inscrivant à l’avance, au mois de janvier, chaque enseignant peut recevoir des documents et un kiosque de journaux (à choisir) gratuitement. L’édition 2017 aura lieu du 20 au 25 mars. Elle a pour thème « D’où vient l’info ? » sur les sessions 2017 et 2018. Cela répond à l’ensemble des enjeux liés à l’éducation aux médias et à l’information (ÉMI). Elle permet aux élèves d’aborder la question de la provenance et de la diffusion des informations en s’interrogeant, notamment, sur la validité des sources. Une occasion également pour eux d’appréhender le métier de journaliste et d’être sensibilisés à la responsabilité de publication et au partage de contenus en ligne. Informations sur le site du Clemi : www.clemi.fr