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Pour les critiques de l’école française qui, comme moi, la croient trop négative et décourageante dans l’ensemble, la cérémonie qui a eu lieu le 12 juillet dans les locaux du ministère de l’Éducation nationale était plutôt réconfortante. Devant les caméras de la télévision nationale, le ministre Luc Chatel a remis une médaille aux jeunes Français qui ont eu 20 sur 20, ou plus, au baccalauréat. « C’est très important que l’école de la République soit capable de récompenser l’excellence, le mérite, l’effort », constata-t-il.

Il a raison. Pourtant, en regardant de plus près cette cérémonie joyeuse, une chose m’a surpris : le nombre de ces bacheliers « petits génies » : trente-huit. Sur les 654 548 candidats qui ont passé leur bac cette année, cela fait un taux de 0,0058 %. Un ratio tellement petit que statistiquement insignifiant.

Ce sont trente-huit exceptions qui confirment la règle d’une avarice notationnelle très française. En Angleterre, 27 % des élèves qui passent l’équivalent du bac, les A Levels, reçoivent la note A et 8 % reçoivent la note plus élevée de A*. En Allemagne, 29 % des élèves réussissent la Abitur avec une note de 1, la plus élevée.

Le bac n’est plus une épreuve pour une petite élite, même si cela reste une idée reçue en France, mais il est devenu de facto le socle de formation inéluctable pour tous. Pourquoi ne pas encourager la réussite d’un plus grand nombre, y compris avec un système de notation plus incitante ? La France n’a jamais atteint l’objectif établi par Jean-Pierre Chevènement en 1985 d’amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du bac ; le chiffre stagne depuis des années autour de 70 %. Parmi les pays voisins, par contre, beaucoup sont au-dessus de 80 %, y compris l’Allemagne (97 %), l’Italie (85 %), la Grande Bretagne (91 %) et la Suisse (90 %).

Il y a un lien fort entre ces deux idées. Afin d’atteindre un taux de réussite plus ambitieux, il faudrait revoir le contenu des programmes, mais aussi la façon dont ils sont enseignés et surtout notés. Aider et encourager au lieu de casser et sélectionner, voici un nouveau mantra pour l’école.

Le temps est venu de récompenser l’excellence, le mérite et l’effort d’un plus grand nombre en France. Avec le système des mentions au bac, on est déjà à mi-chemin, mais la notation reste trop aléatoire et totalement illisible pour les universités hors de la France. Donc ma proposition : changer le barème. Au lieu de noter le bac sur 20, on donnerait une lettre. Toutes les copies au-dessus de 16, donc l’actuel niveau mention très bien, seront désormais notées par un A. Entre 14 et 16, B. Entre 12 et 14, C. Entre 10 et 12, D, et en dessous, F pour défaillant. À l’instar des Britanniques, on pourrait même envisager une note A* pour une note au-dessus de 18.

Le résultat serait une incitation plus forte d’exceller pour les autres 99,9942 % des candidats qui n’ont pas été reçus par M. le ministre, et un schéma plus simple et lisible pour tout le monde.

Peter Gumbel
Directeur du centre des Amériques de Sciences Po
Auteur de On achève bien les écoliers (Grasset, 2010)