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« Chère université… »

Un « cynisme envers la jeunesse qui est inacceptable ». Ce sont les fédérations de professeurs qui l’affirment en chœur alors que la première tentative de négociation vient d’échouer. Le Québec écrit une page de son histoire avec le plus vaste mouvement étudiant que la province canadienne ait porté. Jusqu’à 200 000 personnes ont défilé pour dire leur opposition aux plans du gouvernement libéral de Jean Charest, qui a décrété une hausse des droits de scolarité de 75 % en cinq ans, soit 1 625 $ CA de plus à débourser pour un étudiant qui s’inscrit à temps plein à l’université.

Juste part ?

Le gouvernement reste inflexible sur le fond du sujet. Ses calculs sont simples, il s’agit que chacun fasse sa « juste part » dans le financement des études, les étudiants au même titre que les contribuables, répétant à l’envi que « le plus gros de l’effort sera fait par la classe moyenne ». Douze semaines plus tard, la colère de tous les milieux scolaires, y compris les professeurs qui, pour certains, se sont vus forcés de reprendre les cours sur décision de justice, a conduit le gouvernement à faire des concessions. Il propose désormais d’étaler la hausse sur sept ans et de mettre en place un comité chargé d’identifier les dépenses superflues dans les universités. Chaque dollar économisé viendrait alléger les autres frais obligatoires. Mais l’augmentation ne varie pas.

barrière financière

Le débat peut se résumer en un mot : accessibilité. Étudier au Québec coute dix fois plus cher qu’en France, mais cela reste les tarifs les moins élevés du Canada. Pour que la barrière financière ne soit pas infranchissable, le gouvernement prévoit de bonifier le système de bourses pour les plus modestes, et le système de prêts pour les autres, qui cumulent déjà une dette moyenne de 15 000 $.

« On voit se développer une forme de rapport clientéliste dans la relation entre l’étudiant et le professeur », déplore Jean Trudelle. Le président de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec se prononce pour la gratuité de toutes les études postsecondaires et réclame un financement qui passerait notamment par une meilleure progressivité de l’impôt sur le revenu. Davantage de tranches qui conduiraient, par exemple, le médecin à financer son diplôme à postériori, à un niveau plus élevé que l’infirmière, qui gagne moins bien sa vie au terme de ses études. Car une majorité des étudiants travaille déjà à temps partiel, voire à temps plein, parallèlement aux cours. « Cela nuit à l’apprentissage, constate Max Roy, président de la fédération québécoise des professeures et professeurs d’université. Sans généraliser, on a affaire à des étudiants plus faibles, d’autres qui ne se présentent pas aux cours. »

Le poids des contraintes économiques

Ce sont les milieux défavorisés qui seraient les plus touchés, qu’il s’agisse d’accès aux études supérieures, de persévérance ou de performance. Bien que la recherche ne prouve pas qu’une augmentation des droits de scolarité ait un impact sur les décisions d’intégrer l’université ou sur la réussite, elle identifie toutefois trois principaux facteurs qui affecteraient la réussite postsecondaire des plus démunis : le faible revenu familial, l’aide gouvernementale mal adaptée et la nécessité de travailler pendant ses études.

Marjorie Vidal
Doctorante en administration et fondements de l’éducation, université de Montréal

Mathieu Prost
Journaliste


Pour suivre l’actualité du conflit, voir le site de la fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) : www.feuq.qc.ca