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Sidération dans la planète éducation. Quelques inquiétudes, et quelques infos ratées de la semaine dernière.
Le Café pédagogique propose deux textes.
L’Ecole entre Fillon et Le Pen. “Après un Forum des enseignants innovants particulièrement réussi, l’annonce de la victoire de F Fillon à la primaire de la droite est un triste réveil. Voilà que se dresse la perspective d’un second tour des présidentielles où il faudrait choisir entre F Fillon et M Le Pen. Pour l’Ecole et pour les enseignants, après la Refondation, c’est la perspective du Grand Recul.”
La chronique de Véronique Soulé : " Les projets de Fillon sur l’école me terrorisent ". “Au Forum des enseignants innovants des 25 et 26 novembre, j’ai interrogé des participants sur une victoire à la présidentielle d’Alain Juppé ou de François Fillon, à la veille du second tour de la primaire de la droite et du centre. Les réponses furent entre angoisse et (lourde) incertitude."
Sur un tout autre thème, Les formateurs au numérique du premier degré se sentent "oubliés" par l’Education nationale... Alors qu’ils sont essentiels pour faire entrer les TICE à l’école. "Christian Stracka, formateur au numérique du premier degré (FTICE 1D), préside l’AFT-RN, l’association des formateurs TICE. Elle demande une « reconnaissance » pour ce métier « oublié »."
Heureusement, deux textes nous proposent un peu de distance avec cette actualité.
Le texte de Bruno Magliulo tombe à pic. Pour lui, il faut Donner du sens aux changements survenant dans le système éducatif. Tout en sachant que “... la question nous semble moins être celle de la capacité du système éducatif à produire des réformes, que de savoir si, en bout des chaînes administrative et pédagogique, les réformes que l’on décide si fréquemment ont de réelles chances d’entrer en application et de produire les effets attendus.”
Et puis dans The Conversation, Marie Duru-Bellat nous indique Comment lire la prochaine enquête PISA ? “Une fois de plus, la publication en décembre des résultats de la dernière enquête PISA va faire couler, n’en doutons pas, beaucoup d’encre, tout particulièrement dans un contexte de précampagne où les questions d’éducation ne devraient pas être ignorées.”
Mooc : après la révolution, l’âge de raison. “Quand ils ont débarqué en France, en 2012-2013, les Mooc (Massive open online courses) ont suscité un profond enthousiasme des universités et des écoles qui y voyaient l’occasion d’étendre leur rayonnement en touchant des publics bien plus larges que leurs traditionnelles cohortes d’étudiants, notamment sur le continent africain. Les Mooc étaient présentés comme une révolution sans précédent, qui allait enfin démocratiser l’accès aux connaissances.”
L’apprentissage, l’un des secrets du plein-emploi en Allemagne. “En France, le taux de chômage des jeunes actifs pointe à 23,9 % quand il s’est replié à 6,8 % en Allemagne, selon les dernières données d’Eurostat. L’explication de cet écart de quasiment un à quatre est très simple. Outre-Rhin, le système éducatif est à tous les niveaux obsédé par l’intégration professionnelle, où l’apprentissage reste la voie royale de la formation initiale empruntée par quelque 1,4 million de jeunes, contre 480.000 en France (en incluant les contrats de professionnalisation).”
Apprentissage, retraites... Les réformes prioritaires de Juppé au début de sa présidence. Et notamment : “Enfin, la troisième grande réforme concernerait l’apprentissage, afin de faciliter l’accès des jeunes à l’emploi. Alain Juppé parle de lancer un "plan audacieux", sans détailler davantage, et affirme sa volonté de faire "sauter les verrous de l’apprentissage", réformant notamment la taxe d’apprentissage. Pour appuyer son propos, Alain Juppé cite des chiffres. 24% des jeunes en France sont au chômage, contre 7% en Allemagne.”
Justement les Echos rappellent : Apprentissage : les entrées en contrat ne décollent pas malgré les nouvelles aides. “L’apprentissage en France ? Une priorité politique sans cesse réaffirmée, des aides financières importantes, mais pour un résultat qui laisse à désirer. Le nombre de nouveaux contrats a fait du surplace en septembre : 63.955 exactement, soit à peine 111 de plus que l’année dernière à pareille époque. Un résultat décevant pour un mois qui, rentrée scolaire oblige, est censé être, avec octobre, le plus important en la matière.”
François Fillon replace l’enseignement de l’histoire de France au cœur du débat. “Nous devons empêcher que notre pays ne se défasse, pour cela il faut se battre pour défendre notre histoire car un pays qui n’a plus de racines n’a plus d’avenir…” Ah le principe de filiation !
Adrien Sénécat dans Les Décodeurs du Monde réagit : Les exagérations de François Fillon sur les programmes d’histoire à l’école.
Primaire à droite : Fillon et l’enseignement de l’histoire, une vieille intox. “« Je veux que les programmes soient rédigés par des académiciens, des historiens et non pas par des politiques », a fait préciser l’ancien Premier ministre sur son compte Twitter. Le message a aussitôt été retweeté par Sens commun, extension politique de la Manif pour Tous.”
“Aussitôt, la toile a réagi. « Quelqu’un peut dire à Fillon que les programmes sont maintenant conçus par un conseil d’experts indépendants ? », a réagi la porte-parole du PS Corinne Narassiguin. « J’ai étudié Voltaire la semaine dernière avec mes 4e », a opiné un enseignant.
Car Voltaire et Rousseau sont en partie étudiés au collège au chapitre de la philosophie des Lumières. Clovis, lui, est étudié en CM1, de même que Vercingétorix qui a rendu les armes face à Jules César. Si l’apport de Jeanne d’Arc à la guerre de Cent ans n’est pas enseigné stricto sensu, la figure guerrière est abordée en classe de cinquième pendant les cours consacrés au pouvoir politique et religieux « dans l’occident féodal ».”
"Révolution" : ce que propose Emmanuel Macron pour l’enseignement supérieur. “Investir dans l’éducation, développer les efforts d’orientation, donner plus d’autonomie pédagogique aux universités et soutenir l’apprentissage et la formation continue. Telles sont les propositions d’Emmanuel Macron, candidat à la présidentielle, dans son livre-programme, "Révolution", publié le 24 novembre 2016 chez XO Éditions. Extraits.”
Coût du lycée en France : pourquoi est-ce si cher ?
Bernard Desclaux
Former les futurs citoyens
N° 530
Dossier coordonné par Laurent Fillion et Pascal Thomas
juin 2016
Mise en place du nouveau socle commun, de l’enseignement moral et civique : l’éducation à la citoyenneté, thème souvent abordé par les Cahiers pédagogiques, revient au cœur des préoccupations. De quelle éducation à la citoyenneté parle-t-on ? Comment ne plus la confondre avec une éducation au civisme et à la civilité ?
N° 532 - Justice et injustices à l’école
Dossier coordonné par Marie-Christine Chycki et Émilie Pradel
L’école est traversée par tous les débats qui agitent la société. La question de la justice y est particulièrement vive et le sentiment d’injustice très prégnant chez tous les acteurs aux prises avec l’institution. Entre la subjectivité du sentiment et les conditions objectives des injustices vécues à l’école, quelles réponses pouvons-nous apporter
Une actualité éducative un peu pâlichonne aujourd’hui. On évoque cependant le numérique, l’enseignement du français, l’éducation des enfants. On terminera par quelques informations diverses.
La Vie numérique rappelle que le salon Educatec-Educatice2016 aura lieu du 16 au 18 novembre 2016 au Parc des expositions de la Porte-de-Versailles à Paris. “le salon Educatec-Educatice accueillera quelques 10 000 professionnels de l’éducation. Industriels, éditeurs, académiques, représentants et élus de collectivités, ou encore enseignants et chefs d’établissements viendront échanger, montrer, rencontrer, pour construire ensemble l’éducation de demain.” Retrouvez sur le site du salon toutes les informations.
Dans le même temps, Le Monde signale que “La CNIL lance le concours Educnum pour alerter les jeunes sur les usages du web. “Lancés par la CNIL et le collectif pour l’éducation au numérique pour la 3ème année consécutive, les Trophées Educnum proposent aux étudiants de 18 à 25 ans de toutes disciplines d’imaginer des outils pédagogiques permettant d’enseigner aux plus jeunes les bons réflexes de vie privée à adopter sur le web. A la clé, une dotation de 10 000 euros..”” Là aussi, il existe le site dédié à cette opération.
Dans la série de Challenges “Ces bureaux de rêve - Episode 7: Skema repense l’école grâce au numérique.” “Au sein de son campus à La Défense, l’école de commerce Skema développe le K Centrer, un nouveau lieu d’apprentissage avec l’aide de Steelcase, spécialiste des aménagements d’espaces de travail. Grâce au numérique, la pédagogie par projet et la formation collaborative prennent tout leur sens.”. En jeu, favoriser les pratiques pédagogiques variées par un espace modulable à volonté. A rapprocher des 10 bonnes raisons de disposer sa salle de classe en îlots et de cet article de blog.
Les Echos se demande si “le tout numérique est bénéfique ?”. Déjà, nous pouvons les rassurer, à part ses détracteurs, personne ne suggère le tout numérique dans le numérique scolaire... Selon eux, “Le numérique à l’école est un thème récurrent. Préparation aux emplois de demain, nouvelles méthodes d’apprentissage, meilleure réussite scolaire, ou encore autonomie accrue, les raisons d’adopter le numérique sont nombreuses, mais elles peuvent faire passer au second plan les besoins pédagogiques réels.” Le propos de l’auteur semble être de proposer plus d’apprentissage de comment est fait le hardware pour qu’il ne soit pas soumis au software qu’il ne comprendrait pas : “Si l’école a bien un rôle à jouer vis-à-vis du numérique, c’est celui de donner des clefs de compréhension technologique à ses élèves. ”
Suite à la parution de ce rapport, Le Café pédagogique a interviewé Gabriel Cohn-Bendit. Pour lui, “L’orthographe n’a rien à voir avec la langue française ou sa grammaire. On aurait pu transcrire la langue française autrement. Comme nos amis italiens on aurait pu écrire « farmacie et filosofe » Ce que faisait d’ailleurs Voltaire. Le nom étant invariable en français c’est-à-dire qu’il se prononce de la même façon au singulier qu’au pluriel on dit le ou les « chien » une ou des « table » un ou des « genou ». Alors pourquoi ces « s » ou « x » ? Ce qui en français est une exception à savoir un nom qui se prononce différemment au singulier et au pluriel comme cheval-chevaux est la règle pour tous les noms en allemand.” Un avis singulier et iconoclaste, mais finalement pas faux...
Cela contraste étrangement avec la grande mesure dont a fait preuve FranceInfo à ce sujet “les Français de plus en plus nuls”. Chaque article rappelle d’ailleurs que l’orthographe est bien un marqueur social puisque les enfants de milieu favorisé font moins de fautes...
Rappelant au sujet de cette étude que les enfants évalués n’ont pas connu les nouveaux programmes 2016, la ministre a prononcé un discours hier lors d’une journée de réflexion concernant “Enseigner la langue française : nouveaux programmes, apports de chercheurs”
La Croix poursuit sa semaine sur l’éducation. "Parce qu’elles ont une expérience plusieurs fois millénaire de l’être humain et de ses aspirations fondamentales, les grandes religions monothéistes accordent toutes une place privilégiée à l’éducation. Tour d’horizon avec quatre grands témoins.”
On parle aussi de la place de l’éducation dans une vidéo de FranceTV éducation. "L’école fait partie de l’histoire de chacun et participe à la construction sociale et personnelle de l’individu. Dans les pays développés, l’école est un droit, une obligation, alors que dans les pays en développement, il faut souvent faire face à de nombreux obstacles pour devenir écolier. Ces témoignages ont été recueillis dans le cadre du film documentaire HUMAN de Yann Arthus-Bertrand.".
CIO : Le Sgen Cfdt et l’Andcio écrivent à la ministre. " Le désengagement désormais de plus en plus fréquent des Conseils départementaux entraîne des restructurations qui se font parfois sans concertation avec les personnels, en dégradant sensiblement la qualité de service des CIO concernés", écrivent le 7 novembre, Y Bouleliac, président de l’ANDCIO et F Sève, secrétaire général du Sgen Cfdt, dans une lettre ouverte à la ministre."
Une réflexion sur la place de l’histoire antique à l’école. "Alors que l’histoire ancienne est très présente dans le secondaire depuis le milieu du XIXe siècle, la Grèce et Rome occupent, dans l’enseignement élémentaire, une place moindre, et en plus, très contrastée.".
L’Assemblée vote le budget de l’Education nationale. “Toujours premier budget de l’Etat en 2017, l’Education nationale, aux crédits votés après retouches en première lecture, a suscité mercredi soir à l’Assemblée quelques passes d’armes entre une gauche "fière" du bilan du quinquennat et une droite critique d’"affichage" et d’"idéologie".”
Education et enseignement supérieur : les députés votent un budget en hausse. “Le secteur bénéficie de 3 milliards de moyens nouveaux par rapport à 2016. La droite a voté contre une approche « quantitative », tandis que, côté universités, le coup de pouce est jugé insuffisant.”
Emilie Kochert et Géraldine Duboz (sur une récolte de Bernard Besclaux)
Les parents et l’école, trente ans de réflexion
Hors série numérique 41
Coordonné par Guy Lavrilleux
La question des relations entre les parents d’élèves et l’école n’est pas nouvelle. Les Cahiers pédagogiques en parlent et y réfléchissent depuis plus de quarante ans. Ce nouveau hors-série numérique est constitué d’articles tirés de nos archives des trente dernières années, pour mettre en perspective enjeux et débats d’hier et d’aujourd’hui, pointer les problématiques qui perdurent mais aussi des pistes pour aller vers plus de dialogue et de coéducation.
N° 532 - Justice et injustices à l’école
Dossier coordonné par Marie-Christine Chycki et Émilie Pradel
L’école est traversée par tous les débats qui agitent la société. La question de la justice y est particulièrement vive et le sentiment d’injustice très prégnant chez tous les acteurs aux prises avec l’institution. Entre la subjectivité du sentiment et les conditions objectives des injustices vécues à l’école, quelles réponses pouvons-nous apporter
"Je suis le président de la jeunesse de France !"
“Aujourd’hui même, les Français m’ont investi Président de la République. Je demande à être jugé sur deux engagements majeurs : la justice et la jeunesse. Chacun de mes choix, chacune de mes décisions, se fondra sur ces deux critères.
J’ai confiance en la France. Je la connais bien. J’ai pu autour de cette France là, que j’ai visitée, que j’ai rencontrée, mesurer à la fois les souffrances, les difficultés de bien trop nombreux de nos concitoyens. J’ai pu relever tous les atouts de notre pays, je nous sais capable, nous, peuple de France, de surmonter toutes les épreuves. Nous l’avons toujours fait dans l’histoire, nous réussirons encore dans les cinq ans qui viennent.(...)
J’ai évoqué le rêve français : il est notre histoire, notre avenir, il s’appelle le progrès, la longue marche pour qu’à chaque génération nous vivions mieux. Nous le partagerons tous pour donner à nos enfants une vie meilleure que la nôtre. C’est ce rêve français que je vais m’efforcer d’accomplir pour le mandat qui m’est donné.”
C’est un extrait du discours de François Hollande à Tulle, une heure après l’annonce des résultats du second tour de l’élection présidentielle. Et, on le voit, dès cette première déclaration en tant que président, il place la jeunesse et l’éducation au cœur de son mandat.
Plus tard (très tard..) à la Bastille , il a repris ce même thème en déclarant "Je suis le président de la jeunesse de France !" , devant les dizaines de milliers de personnes présentes. "Je suis le président de toutes les fiertés de France, le président de la justice en France", a-t-il ajouté.
Agenda
En matière d’éducation François Hollande a déjà tracé sa feuille de route, exposée dès le 4 avril dernier dans un "agenda du changement". Un article de Marie caroline Missir dans l’Express détaille le calendrier des principales mesures.
La première mesure prise par son gouvernement sera l’augmentation de 25% de l’allocation de rentrée scolaire, par décret "entre le 6 mai et le 29 juin". Et la journaliste de L’Express poursuit l’agenda en rappelant qu’ après les législatives (si celles ci donnent une majorité présidentielle) , le mois de juillet sera consacré à la mise sur pied d’un "plan d’urgence" pour la rentrée scolaire, en trois volets : affectation de 1000 postes en plus dans l’enseignement primaire, le rétablissement des Rased et le recrutement de personnels éducatifs supplémentaires, enfin des "mesures d’urgence pour compléter la formation pratique des professeurs néo-titulaires". Un volant de trois à quatre heures de formation pour les nouveaux professeurs est aujourd’hui à l’étude.
Voilà pour les mesures d’urgence. Mais à moyen terme, il est prévu une "grande loi d’orientation et de programmation" prévue pour l’automne. La réforme des rythmes scolaires avec le retour au mercredi matin travaillé et le raccourcissement des vacances scolaires, celle de la formation des enseignants avec la création de l’école supérieure du professorat et de l’éducation feront partie de ce texte. Et la programmation du recrutement des 60 000 postes devrait être également détaillée.
Dans les projets, on évoque aussi l’abrogation de la RGPP qui ne touche pas que l’éducation mais qui a particulièrement affecté ce secteur. Devraient être supprimés aussi les évaluations nationales en CE1-CM2 et les décrets sur l’évaluation des enseignants. On parle même d’annuler la circulaire de rentrée.
Ces mesures, réformes, cette “refondation” (rayer les mentions inutiles) ne pourront se faire qu’avec le soutien, la neutralité, la vigilance (rayer, là aussi, les mentions inutiles…) des syndicats. Ceux-ci n’ont pas tardé à s’exprimer. “Il faut maintenant une réelle rupture avec les politiques menées ces dernières années et les mesures d’austérité, qui ne sont pas les réponses pour relancer notamment l’emploi et le pouvoir d’achat ”, écrit dans un communiqué la FSU.
Le Snes-FSU a aussi demandé dans un communiqué distinct une “rupture” avec la “politique économique, sociale et éducative [...] mortifère et brutale” de Nicolas Sarkozy, et réclame un “ plan d’urgence” pour la rentrée.
Les personnels et les élèves “attendent des mesures immédiates qui rendront possibles une rentrée scolaire apaisée. Un plan d’urgence pour la rentrée 2012 doit être le premier pas d’un renouveau pour l’éducation”. Quant à l’UNSA-Éducation elle réclame “le respect des personnels, la reprise du dialogue et de la marche vers la justice sociale, des mesures d’urgence pour la rentrée prochaine et l’engagement pour une refondation de l’Ecole”. Depuis novembre, Vincent Peillon (probable ministre ?) et son équipe avec notamment Bruno Julliard à la manœuvre discutent avec les organisations syndicales de tous ces sujets. Le dialogue social devrait s’accélérer maintenant et dans les mois qui viennent. Les syndicalistes de l’éducation sont prévenus : pas de vacances scolaires pour eux !
“la partie sera serrée”
Car, comme nous l’évoquions plus haut, le programme est chargé à la mesure de la promesse faite par le nouveau président et de l’importance du chantier. Mais sans être exagérément pessimiste, on peut s’interroger sur l’ampleur des réformes ou de la refondation (rayez…). Car les obstacles et les résistances sont nombreux. Un des acteurs de ce changement, Bruno Julliard, interrogé par l’Express le reconnaît lui même : “Je pense que la fête va être de courte durée. ” car en matière d’éducation (comme dans bien d’autres domaines) "les ennuis commencent". Et il ajoute "Notre obligation de réussite va être immédiate sur les grands chantiers du quinquennat, dont l’école, et beaucoup va se jouer dans les trois mois qui viennent".
On retrouve cette interrogation sur la marge de manœuvre dans un billet de Pierre Frackowiak sur Éducavox . Pour lui, "L’idée de refondation du système éducatif s’est donc imposée dans les urnes, mais tout reste à faire.". Mais d’abord libérer les enseignants, leur faire confiance, leur redonner de l’enthousiasme... Suspendre rapidement toutes les mesures qui ont accéléré la destruction de l’école : les programmes, l’évaluationnite, le pilotage par les résultats, l’escroquerie de l’aide individualisée, etc. Et il poursuit “Evidemment, il ne suffira pas de décréter qu’une page est tournée. On se heurtera à l’opposition morale des enseignants à la « réformite ». Le « y’en a marre des réformes qui se superposent » est un obstacle considérable au changement. Même si l’on sait qu’il traduit à la fois une amertume évidente du corps enseignant et qu’il est souvent un alibi et une arme pour les conservateurs, il interdit toute réforme à la hussarde. Dans le même temps, si la seule perspective est de continuer à faire comme avant avec un peu plus de moyens, un grand rendez-vous aura été, une fois de plus, raté. ”.
Dans une tribune donnée au Café Pédagogique, le chercheur Bruno Suchaut pense, quant à lui, qu’il faut allier rapidité et recherche du consensus. “Il s’agit en premier lieu d’amorcer un changement radical dans la manière de traiter les questions éducatives dans notre pays en faisant en sorte que celles-ci puissent faire l’objet d’un large consensus plutôt qu’elles soient systématiquement au centre de querelles idéologiques et partisanes. ” écrit-il tout d’abord pour dir quelques lignes plus loin que “le temps n’est plus à multiplier les expertises sur l’école et son état, de nombreux rapports récents ont pu dégager les problèmes essentiels et des pistes pour améliorer la situation. Il s’agit donc davantage à présent de mettre en œuvre les réformes suggérées par les analyses plutôt que de commenter encore les maux bien connus de notre système. C’est évidemment un travail de longue haleine mais l’impulsion à donner pour atteindre cet objectif doit être immédiate,”. Et il identifie les leviers sur lesquels doit appuyer une politique qui veut vraiment faire bouger l’école : les rythmes scolaires et la formation des maitres.
On retrouve aussi cette volonté de changement et un optimisme mesuré dans l’analyse du bureau du CRAP-Cahiers Pédagogiques qui met l’accent sur l’action des enseigants sur le terrain. “Il n’est pas de sauveur suprême, à l’Éducation nationale comme ailleurs. Pour qu’une politique ministérielle ait quelques chances d’avoir des effets sur la seule chose qui compte au final, les apprentissages effectifs des élèves, il faut certes des textes législatifs ou réglementaires soigneusement réfléchis et préparés, mais il faut aussi l’engagement de tous les acteurs, à toutes les échelles, pour le mettre en œuvre, pour s’appuyer sur les dispositifs proposés pour mieux faire apprendre, pour mieux éduquer. ”.
Pour Lucien Marboeuf, instituteur et blogueur à L’Express dans le domaine de l’éducation, pour le nouveau président de la République, “la partie sera serrée”.
Car s’ "il devra montrer une véritable vision à long terme de l’école et de l’éducation" il devra aussi (et surtout !) prendre le risque de "déplaire à l’école, et c’est peut-être là qu’on verra son étoffe. Qu’il en soit certain, il se heurtera lui aussi aux résistances endémiques, à la peur de changer, d’évoluer, qui court dans les veines de tout un chacun comme un poison. Les enseignants ne sont ni meilleurs ni pire que les autres français : eux aussi ont peur de l’avenir, se battent pour leur paroisse, pour protéger leurs acquis, comme n’importe qui.". Même si, écrit-il “l’école, dans sa grande majorité, sait qu’elle doit changer.”
Laissons la conclusion de cette chronique à l’excellent Lucien Marboeuf qui résume bien l’état d’esprit de bon nombre d’enseignants : “Hollande peut s’appuyer aussi sur cette conscience-là : l’impératif du changement. Il peut s’appuyer sur une relative clémence, au moins pour quelques temps, une clémence offerte malgré lui par son prédécesseur : Hollande ne pourra pas faire pire en matière d’éducation. Mais il doit aussi faire mieux, bien mieux. Parce qu’il l’a annoncé. Parce qu’il le faut. François Hollande, hier dimanche 6 mai 2012, n’a pas reçu un blanc-seing, loin de là. Il n’y pas d’illusion dans ce vote, comme il a pu y en avoir le 10 mai 1981. Il ne connaîtra pas non plus l’habituel état de grâce des présidents fraichement élus. La partie sera serrée. ”
Bonne Lecture...
le 7 mai 2012, par Philippe WatrelotDépistage précoce et Ministre “à haut risque”
Ca s’appelle faire machine arrière. Dans l’actualité éducative, il faut en effet signaler cette interview de Luc Chatel dans Le Monde où il est interrogé sur le protocole d’évaluation élaboré par son ministère pour dépister les enfants de grande section de maternelle “à risque ” et “à haut risque. ”
Le ministre s’y livre à un exercice de contorsionniste pour dire qu’il faut maintenir les évaluations et “évaluer les performances”mais qu’en fait ce n’est pas une évaluation… Et pour dire aussi qu’il faut des “proposer des outils de repérage ” mais qu’ “il y a une maladresse dans le choix des termes. ”. Il joue aussi sur le registre de l’indignation en déclarant : “Je suis en colère parce que la polémique autour des évaluations est une fausse polémique née de la diffusion d’un document de travail qui n’avait aucune vocation à être publié. Mais oui, nous travaillons sur le repérage précoce de la difficulté scolaire. On ne peut pas passer ses journées à déplorer que notre école primaire laisse sortir 15 % d’enfants qui ne maîtrisent pas la lecture et refuser l’idée d’un repérage précoce de lacunes qui entacheront les apprentissages. ”. Quoi qu’il en soit il s’agit bien d’une reculade face à l’ampleur des protestations.
Car, en effet les protestations continuent. La pétition “pas de tri à la maternelle initiée par le SE-UNSA a dépassé les 14.000 signatures. Dans L’Humanité une tribune de Pierre Delion, pédopsychiatre et auteur de “Tout ne se joue pas avant trois ans” écrit : “je crois qu’un tel projet, loin de proposer une quelconque aide à quelque enfant que ce soit, est davantage organisé pour repérer les enfants déviants et les catégoriser dans une sorte de classe-prison d’enfants à risque, prédisant ainsi leur futur comportement également à risque. Je fais remarquer que les mots « à risque » et « à haut risque » sont connotés de l’atmosphère pénitentiaire, et qu’ils pèseraient lourd sur le destin des enfants en question. Les psychosociologues ont d’ailleurs étudié l’effet de « prophétie autoréalisatrice » que de tels dispositifs ne manquent pas d’entraîner à coup sûr. Sans compter les ravages anxiogènes que de telles pratiques déclencheraient chez les parents des enfants « en délicatesse » avec l’école à un moment donné.”. Dans Le Monde, il faut lire aussi la tribune de Charles Hadji.. Ce professeur en sciences de l’éducation s’élève contre ce projet. Pour lui, “une évaluation n’a vraiment d’intérêt qu’à trois conditions : avoir du sens ; remplir une fonction utile ; poursuivre une fin légitime. Or le projet ministériel d’évaluation des élèves à 5 ans ne nous semble satisfaire vraiment aucune de ces conditions. ” Et son texte se poursuit par une réflexion de portée générale et très intéressante sur les fonctions de l’évaluation. Redonnons lui la parole pour la conclusion : “Si donc l’on veut être vraiment utile à la fois aux élèves de maternelle et à leurs enseignants, à l’heure où il s’avère indispensable d’intervenir précocement pour lutter contre les inégalités tant scolaires que sociales, il y a mieux à faire que d’évaluer à en perdre la raison. En commençant, par exemple, à ne pas torpiller la préscolarisation (qui, en une décennie, est passée de 34 % à 13 % (Le Monde du 12 juillet) ; à ne pas fermer les portes des maternelles aux moins de trois ans, pour les pousser vers des structures payantes. En ouvrant des classes de maternelle, au lieu d’en fermer. Tout cela vaudrait mieux que de s’évertuer à montrer du doigt des élèves risquant d’échouer dans une carrière scolaire qui pour eux n’a même pas encore véritablement commencé”
Sur un registre plus humoristique mais sur le même thème, on pourra lire la chronique de Stéphane Guillon dans Libération et voir ou entendre celle d’ Artus de Penguern sur France Inter.
Burn out
Selon une enquête révélée par le Monde (accessible uniquement aux abonnés) et réalisée auprès de 2100 personnels de l’Éducation et menée notamment par l’ancien inspecteur général Georges Fotinos et José Mario Horenstein médecin psychiatre de la MGEN, ce serait 17 % des enseignants qui souffriraient de « burn-out » contre 11 % dans les autres professions. “Et près de 30 % des enseignants interrogés ont dit songer, souvent à quitter le métier”.
Qu’est-ce que le “burn out” ? D’un point de vue médical, le burn-out, qui conjugue épuisement physique, mental et émotionnel, se traduit par différents symptômes : productivité diminuée, irritabilité, résistance à la nouveauté, culpabilité de ne pas en faire davantage, perte de contact avec les collègues...
Après le suicide de la collègue de Béziers, les chiffres et les témoignages commencent à sortir. 54 suicides "dans les murs" ont été recensés officiellement en 2009. En lien avec les rectorats, la MGEN reconnaît "accompagner" 15 000 personnels de l’éducation nationale par an, dont "6 000 bénéficient d’un tête-à-tête avec un psychologue". "Nous avons mis en place un bilan de santé pour les personnels de 50 ans, et lancé en 2010 un plan de recrutement de 80 médecins de prévention (ou médecins du travail) ", explique Josette Théophile, directrice générale des ressources humaines du ministère. Problème : la fonction attire si peu que seuls 17 praticiens ont été finalement embauchés . Dix-sept venus s’ajouter aux quelques dizaines déjà en poste. Soit entre un et cinq médecins par rectorat...
Au delà des chiffres, cet événement tragique a servi de cristallisateur et de nombreux enseignants ont ressenti le besoin de témoigner de leurs propres difficultés. Ainsi, par exemple , sur le site Rue89, une enseignante de lettre titre son témoignage “J’écris pour les profs qui pètent les plombs ”
Pour terminer sur ce sujet redonnons la parole aux proches de la professeure de Béziers : " Ma fille était devenue fragile, sans doute, mais elle restait un excellent professeur de mathématiques et aurait dû pouvoir continuer d’exercer. Son message désespéré était celui-ci : il faut refonder, à tout prix, une nouvelle et authentique école de la République, celle où primaient les valeurs du civisme et du travail ; celle où le professeur était au centre de tout ; celle où l’enfant du peuple pouvait devenir fils de roi", a écrit le père dans un mail adressé au Midi Libre et publié mercredi.
TICE dans le sup’
Libération consacre un dossier au numérique dans l’enseignement supérieur. Selon, Véronique Soulé, les nouvelles technologies (TICE dans le jargon educ’nat) se sont particulièrement développées ces derniers années. Si le dossier va voir ce qui se fait à l’université de Floride , la France n’est pas à la traîne et un reportage à Nantes montre que l’on trouve de plus en plus de choses en ligne : cours, exercices et tests d’auto-évaluations en ligne, forums, échanges avec les professeurs, accès aux ressources de la bibliothèque, laboratoires virtuels, soutenances de thèse en visioconférence… La FOAD (formation à distance) se développe de plus en plus mais aussi les services proposés aux étudiants : inscriptions, emplois du temps et relevés de notes en ligne, logiciels aidant à rédiger des CV ou à travailler des langues, plateformes dédiées à l’insertion et proposant des stages, forums où l’on peut vendre des livres, trouver un appartement, etc.
Mais comme le note Véronique Soulé, si les moyens techniques semblent en développement, les usages sont très variables. Pour les étudiants mais surtout pour les enseignants. Certains ont pris très vite le tournant et d’autres au contraire renâclent à déposer leurs cours sur les espaces numériques. Et les outils, on le sait bien, ne sont rien sans les pratiques. Comme le note un enseignant interviewé : “certains enseignants redoutent le numérique, craignant qu’il gomme leur place. Alors que d’autres, les utopistes, voient naître un rapport pédagogique totalement nouveau. ”
Bonne Lecture...
le 19 octobre 2011, par Philippe Watrelot Profs évalués comme dans le privé…
Le ministre de l’Education nationale Luc Chatel veut réformer la notation des professeurs avec des inspections plus fréquentes et "sur le modèle du secteur privé", indique Le Figaro dans son édition de vendredi. Une information reprise par une dépêche AFP et des sujets dans la presse papier, audio et télévisée. Le quotidien évoque "une véritable révolution" dans le système d’évaluation des enseignants, qui privilégierait "la promotion au mérite".Le ministre "compte boucler les négociations d’ici à la fin de l’année", malgré la "défiance" des syndicats auxquels ces réformes ont été présentées en début de semaine, toujours selon Le Figaro.
En fait, nous avions déjà évoqué cette question il y a quelques jours (le 7/06) et présenté notamment le rapport du cabinet Alixio (dirigé par Raymond Soubie, l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy) qui sert de base aux propositions de Luc Chatel. Ce rapport et ces propositions ont été analysés dans un article de Maryline Baumard du Monde daté du 08/06/11 (réservé aux abonnés). Pourquoi cet emballement aujourd’hui autour de cet article mal foutu du Figaro ? Ce sont les mystères de la presse.
Que disait-il ce fameux rapport ? Il s’appuie sur le sondage de 4500 personnels de l’éducation, essentiellement professeurs du secondaire (60%), du primaire (30%) et personnels de direction (8%). Pour les personnes interrogées la note actuelle (produit de la combinaison d’une évaluation par les chefs d’établissements et d’une autre par les inspecteurs) est largement rejetée (13% de satisfaits) et considérée comme trop arbitraire. L’inspection est jugée trop ponctuelle, éloignée du terrain et ne prenant pas en compte le travail quotidien et ne valorisant pas les mérites individuels mais pas non plus le travail en équipe. Les enseignants interrogés pensent qu’il faut faire évoluer l’évaluation et y intégrer pour 65 % d’entre eux la capacité à gérer la classe pour 61 % la capacité à faire réussir et progresser les élèves, pour 44 %, la mesure de la passion et du dynamisme et aussi la capacité à innover et être créatif. Mais ils ne veulent pas d’une révolution du système d’évaluation mais plutôt de l’injection d’une dose plus importante d’évaluation professionnelle tout en maintenant la bonne vieille ancienneté.
L’étude d’Alixio suggère de « conserver les échelons mais de donner plus de souplesse au système ». Surtout, le rapport suggère de « donner aux évaluateurs la possibilité de réduire ou d’allonger le passage d’échelon après l’évaluation pour valoriser financièrement le travail ». On évoque aussi un suivi régulier entre l’enseignant et plusieurs interlocuteurs comprenant des conseils, mais aussi l’élaboration d’une « lettre de mission » pour chaque enseignant tous les quatre à cinq ans. Aussi appelé « contrat de progrès », ce document s’apparente aux feuilles d’objectifs en vigueur dans le privé.
Il faut rappeler que Luc Chatel a présenté ces propositions aux représentants syndicaux Lundi. Ceux-ci sont certes circonspects et peut-être que l’article du Figaro peut être interprété aussi comme un moyen de faire passer les syndicats enseignants comme des adeptes de l’immobilisme auprès d’un lectorat convaincu d’avance.
On ne s’attardera pas non plus sur la confusion dans le titre des articles consacrés à ce sujet et qui témoigne de la méconnaissance de certains vis-à-vis du monde enseignant. En effet, l’article du Figaro titre “ Bientôt des profs notés sur le modèle du secteur privé ”, alors que c’est au contraire l’inverse. C’est dans le public que l’on est noté (le système actuel additionne une note “administrative” et une note “pédagogique”) et pas dans le privé (où il y a plutôt un entretien individuel annuel).
… et recrutés comme dans le privé
Toujours dans Le Figaro on revient sur une autre proposition de la convention “justice sociale” ( !) de l’UMP . Là aussi, le titre se veut choc : “L’UMP veut que les proviseurs recrutent leurs enseignants ”
La proposition de l’UMP intitulée “développer l’autonomie des établissements scolaires évoque en effet “la possibilité pour les directeurs d’établissements de recruter eux-mêmes leurs équipes pédagogiques ”. Le texte sur le site de l’UMP prend soin de dire que ce serait surtout réservé aux établissements de l’éducation prioritaire mais l’article du Figaro ignore ce détail.
Pour les promoteurs de cette proposition, il s’agit explicitement de prendre exemple sur l’enseignement privé. “Dans le privé, une équipe adhère au projet d’établissement et se considère coresponsable de la réussite des élèves. Le professeur n’est pas uniquement là pour assurer ses cours. La majorité des enseignants du public s’investissent, mais l’institution ne les invite pas à adopter cette attitude, ” commente-t-on dans l’entourage du président de la République.
Actuellement, l’affectation d’un enseignant dépend de son “barème” (combinaison de sa note, son ancienneté, sa situation personnelle). Toutefois, il y a déjà des exceptions avec les “postes à profil” (enseignements spécifiques, artistiques, classes prépa, etc.) et certains postes dans l’éducation prioritaire (programme Éclair, si décrié). Dans la proposition de l’UMP, il s’agit donc de remettre en question ce système jugé trop rigide et sclérosant et de mettre à bas la gestion paritaire des affectations.
Mais cette provocation pose aussi d’autres questions. A commencer par celle de l’existence réelle d’un “projet d’établissement”. On parle d’adhérer à un projet mais encore faudrait-il qu’il existe et qu’il ait été élaboré collectivement… De même, on peut s’interroger sur les compétences et la formation des chefs d’établissement pour “recruter” du personnel. Certes, leur formation est de plus en plus “managériale” mais cela n’est pas une tâche simple et qui peut conduire à de nombreuses dérives. Comment définir des critères clairs et objectifs ? Comment éviter l’arbitraire ? Le clientélisme ? Le risque est grand de substituer à un système jugé rigide et marqué par l’égalitarisme des règles bureaucratiques, un système injuste, arbitraire et peut-être au final tout aussi inefficace.
Le lycée où les lycéens sont des lumières
Un sujet plus léger pour finir. Ouest France nous emmène à Rome où des lycéens pédalent pour produire l’électricité de leur établissement.
La « salle de l’énergie » est installée dans un des bâtiments de l’Institut G. Vallauri, un lycée technique de la périphérie est de Rome. Juchés sur des vélos d’intérieur alignés comme dans une salle de gym, les élèves pédalent en fixant l’écran plasma qui affiche en temps réel l’électricité produite par leurs coups de pédales et destinée à diminuer l’empreinte carbone de leur lycée.
L’initiateur de ce projet est un enseignant qui explique : “C’est un projet didactique qui vise à l’amélioration et au renforcement de la connaissance des questions énergétiques, tout en contribuant à la solution des problèmes environnementaux ”. Luca, un lycéen témoigne : “J’ai appris la valeur du watt ! Je prends davantage mon vélo et les transports publics pour me déplacer, j’évite de prendre la voiture. Ca m’a pas mal sensibilisé ”. Le principe est simple : les watts sont produits et accumulés dans la « salle d’énergie », chaque élève disposant d’une carte à puce comptabilisant son crédit, et sont ensuite consommés dans l’école. « Si un professeur veut projeter un documentaire sur DVD, ils demandent à ses élèves s’ils ont des watts : c’est un cercle vertueux », explique l’enseignant responsable du projet.
Allons plus loin ! On peut proposer que les élèves pédalent pendant les cours pour produire de l’électricité. En plus des watts produits, cela permet également de lutter contre l’obésité et l’activité physique irrigue le cerveau qui est ainsi plus réceptif ...
Bonne Lecture...
le 10 juin 2011, par Philippe WatrelotNous avons tous dans la tête ces petites phrases qui résument toute une idéologie : « quand on veut, on peut », « si vous faites des efforts, vous réussirez », « il n’a eu que ce qu’il mérite ». Et ces citations d’auteurs autour du mérite : « On ne doit juger du mérite d’un homme par ses grandes qualités, mais par l’usage qu’il en sait faire. »
(La Bruyère) ou le monologue de Figaro fustigeant le privilège de la naissance : « Qu’avez-vous fait pour tant de biens ! Vous vous êtes donné la peine de naitre, et rien de plus. »
Autant de références à une apologie du mérite qu’on acquiert de par ses efforts, mais qui demande en contrepartie que les dés ne soient pas pipés au départ, que règne « l’égalité des chances », tout cela étant particulièrement en vogue aujourd’hui.
Le petit livre de Marie Duru-Bellat Le mérite contre la justice nous aide bien à y voir plus clair, à remettre en cause des évidences rapides et à creuser les relations complexes entre mérite et justice, plus complexes peut-être que le titre accrocheur ne semble le laisser supposer. L’auteure nous montre… le mérite (!) de cette notion, mais surtout ses limites quand il est exacerbé et règne en maitre. Ce qui est de plus en plus le cas dans une société de winneurs et de loseurs et où on oppose l’équité à l’égalité au lieu de considérer la première comme une condition de la seconde, où on oublie bien vite l’environnement social et culturel dans lequel sont insérés les individus, oubli qui se traduit chez certains intellectuels par un mépris affirmé pour la sociologie.
Dans ce livre argumenté et étayé sur des enquêtes précises, mais s’appuyant aussi sur une réflexion philosophique (comme celle de Patrick Savidan, penseur du concept d’égalité des chances) le « mérite scolaire » est resitué dans un ensemble plus vaste (« dans la vie »). Pour l’auteure, si une société ne peut se passer du mérite, elle devient vite un enfer avec le seul mérite. Nous revenons avec elle dans l’entretien ci-joint sur quelques thèses de ce livre facile d’accès et efficace, ouvrant bien un de ces « nouveaux débats » essentiels, selon le titre de la collection.
Jean-Michel Zakhartchouk
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Pouvez-vous expliquer en quoi cet ouvrage est particulièrement d’actualité ?
Bien des discours et mesures actuels promeuvent le mérite individuel : chez les élèves, qu’on cherche à motiver par des bourses au mérite, les fonctionnaires, que l’on parle d’évaluer au mérite, et plus largement tous les actifs, par le discours qui sous-entend que ceux qui gagnent plus ont travaillé plus, et donc le méritent...
J’ai constaté un phénomène intéressant. Certains, qui font partie d’un courant rétrograde dans l’éducation et pourfendent les « pédagogistes » et les partisans du collège unique, ont encensé votre précédent ouvrage sur « l’inflation scolaire » en en faisant, je pense, une lecture tendancieuse. Ce livre actuel qui s’oppose au « tout-mérite » visiblement leur plaira moins. Mais finalement, ce qui est en creux dans chacun de ces livres, n’est-ce pas la revendication forte du socle commun, de l’indispensable bagage pour tous qui doit être garanti par l’école de la République ?
Il y a effectivement des points communs entre les deux ouvrages, notamment la conviction que la course à toujours plus d’éducation est souvent une manière conservatrice de maintenir les privilèges de ceux que le système actuel place en tête, alors que la justice exigerait de se préoccuper davantage — puisqu’il y a toujours des arbitrages à faire — de ceux qui n’atteignent pas ce bagage commun que l’école doit garantir à tous.
Vous allez, dans ce livre, contre un certain nombre d’idées reçues. Les Français (et les employeurs) seraient finalement moins attachés aux diplômes qu’on ne le dit, les relations entre croyance dans les vertus du mérite et résultats scolaires sont plus compliquées qu’on ne le pense. Pouvez-vous en dire plus ?
Les Français aiment à se dire qu’ils vivent dans une méritocratie parce que cela renvoie une image flatteuse de notre pays ; c’est particulièrement vrai pour les élites recrutées via le système des concours, qui sont convaincus qu’ils doivent tout à leurs titres scolaires. Mais on entend plus rarement la masse des moins diplômés et ceux-là, quand on les interroge (j’évoque plusieurs enquêtes récentes dans le livre) sont beaucoup plus sceptiques.
De plus, la croyance dans la valeur des diplômes est susceptible de fluctuer précisément selon la rareté de ces diplômes et donc l’information qu’ils garantissent quant à la valeur des candidats (on retrouve ici la thématique de « l’inflation scolaire »).
Finalement, vous oscillez, mais n’est-ce pas le sort du sociologue, entre la lucidité qui remet en cause l’hypocrisie du mérite et de l’égalité des chances et la nécessité de ne pas totalement remettre en cause ce qui reste « une fiction utile » ? Qu’en pensez-vous ?
Il est assez classique en sociologie de dénoncer que le « roi est nu » et dans le même temps de rendre compréhensible le maintien de ce type d’illusion. Mais Bourdieu pensait (et je pense aussi) qu’analyser les fictions qui font vivre une société peut aider à en bousculer les effets pervers ou les excès...
En quelques mots, quelle devrait être une politique progressiste en la matière qui serait autre chose que d’imposer un quota d’élèves issus de milieux populaires en classe prépa ?
L’école devrait avoir pour priorité de déceler les « mérites », ou plutôt les qualités variées de chaque élève, et non de les trier sur une base étroite préfigurant les classements sociaux. L’éducation de tous et non le classement au mérite...
le 3 décembre 2009“Quand vous détectez chez un enfant très jeune, à la garderie, qu’il a un comportement violent, c’est le servir, c’est lui être utile à lui que de mettre en place une politique de prévention tout de suite”
Cette déclaration sur Europe 1 du porte parole de l’UMP Frédéric Lefebvre franchit un seuil supplémentaire dans le débat sur la délinquance des mineurs déjà évoqué la semaine dernière avec les fuites sur le rapport de la commission Varinard . Frédéric Lefebvre qui a déjà montré à plusieurs reprises que le sens de la nuance n’était pas sa qualité première relance en fait un sujet qui avait fait débat en 2006 lorsque des projets de détection précoce des troubles du comportement dès le plus jeune âge pour prévenir la délinquance, s’appuyant sur un rapport de l’Inserm, avaient suscité un tollé chez les professionnels de la petite enfanceUne pétition intitulée « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans », avait recueilli alors plus de 46.000 signatures.
Mais Frédéric Lefèbvre est encore trop timoré. Ne mégottons pas : en prison à 3 ans !
“ Les lycéens hors du monde ?”
C’est le titre donné à la tribune parue dans Libération et cosignée par Sylvain David président de l’association des professeurs de SES (APSES) , les sociologues Yves Déloye et Bernard Lahire, l’économiste Thomas Piketty et le pédagogue Philippe Meirieu
On l’a déjà dit ici à de nombreuses reprises, la réforme annoncée par Xavier Darcos aurait pu constituer une réelle opportunité pour améliorer le fonctionnement du lycée et s’interroger sur les savoirs à enseigner aux lycéens du XXIème siècle. Mais cette réforme là, qui aurait posé d’abord la question pédagogique avant la question des structures (et des économies) demandait le temps de la réflexion et de la concertation. Ce n’est pas le choix qui a été fait. Au final, le projet annoncé ressemble de plus en plus à la vieille ”seconde C” d’il y a 30 ans... Et surtout, le lycée qui se dessine marginalise et même asphyxie l’enseignement des sciences économiques et sociales.
Les auteurs de cette tribune interrogent “Alors même que la crise financière actuelle montre avec une rare acuité la nécessité de doter l’ensemble des citoyens des moyens de comprendre les questions économiques, sociales et politiques contemporaines, [...] Estime-t-on nécessaire de doter tous les lycéens d’une formation économique et sociale leur permettant de se repérer au sein de la société et mieux appréhender les enjeux qui la traversent ?”. Ils demandent à ce que l’enseignement des SES soit intégré aux enseignements obligatoires et appellent à manifester pour défendre cet enseignement menacé.
L’auteur de cette revue de presse marchera donc avec de nombreux autres collègues, mercredi 3 décembre prochain à Paris de La Madeleine à République (avec un petit arrêt place de la Bourse).
On peut être classé parmi les “pédagogues” et défendre les disciplines d’enseignement pour ce qu’elles apportent comme connaissances et compétences nécessaires à la culture générale et à la formation des citoyens. Il n’y a là aucune contradiction.
Le Figaro s’intéresse à un fait divers Un jeune garçon de 12 ans dans un collège du Havre a été frappé par ses camarades et a subi un traumatisme crânien. Sa faute ? Refuser de jouer à un jeu baptisé « le petit pont massacreur » Ce jeu consiste à lancer un objet entre les jambes de l’un d’entre eux, qui doit le rattraper faute de quoi il est roué de coups par les autres..
Le journal interviewe un pédopsychiatre, Grégory Michel, spécialiste des conduites à risques. Pour lui “Ces jeux violents peuvent s’apparenter à des rites de passage, entre l’enfance et l’adolescence.” et il précise “Selon une étude menée auprès des jeunes en milieu scolaire, 10 à 15% d’entre eux ont déjà participé à ces jeux. Ces jeux comme celui du foulard par exemple ont toujours existé, ils sont en expansion, touchent les enfants de plus en plus tôt parfois à l’école primaire et sont de plus en plus violents. [...] Les motivations sont différentes selon les jeux en question, mais il y a souvent un effet de groupe, avec quelques leaders charismatiques et plusieurs suiveurs. A chaque fois, l’effet recherché est celui de l’éprouvé intense et du franchissement de l’interdit. D’où la difficulté de la prévention : plus ces jeux sont interdits, plus les enfants peuvent vouloir franchir l’interdit.”.
Un petit rappel pour finir
Près de 800.000 enseignants sont invités à voter mardi pour élire leurs représentants aux commissions administratives paritaires (CAP) de l’Education nationale, une occasion de vérifier le poids des syndicats, stigmatisés par Xavier Darcos pour leur "résistance au changement".Ces élections ont lieu tous les trois ans.
Bonne Lecture...et bon vote....
le 1er décembre 2008
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