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« … éducatifs fermés » ?

Raoul Pantanella

Raoul Pantanella

Raoul Pantanella

Août 2002 : « Un jeune détenu est retrouvé pendu dans sa cellule. Le drame s’est produit alors qu’il venait d’être placé en quartier disciplinaire. Il avait, selon les premières informations, été condamné à une peine de six mois de prison pour délit de fuite et outrage à magistrat. »

Août 2002 : de la prison comme s’il en pleuvait de la loi Perben. Retour aux maisons de correction, pardon, aux « centres éducatifs fermés » pour les treize à dix-huit ans, extension du domaine répressif pour les enfants de dix ans, et cerise finale sur le gâteau carcérigène : six mois de gnouf pour tout élève qui insulte un prof ou 7 500 euros de chute pour ses parents ! Chacun connaît maintenant les mesures prises par le nouveau gouvernement après les élections de mai-juin 2002. Résumons : tout se passe comme si Jacques Chirac et son Premier ministre voulaient surtout satisfaire les 18 % d’électeurs de Le Pen à la présidentielle. C’est ce qu’ils appellent « tirer les leçons du 21 avril », oublieux du formidable élan civique et républicain du 5 mai. Encore un effort, Président : rétablissez la peine de mort – contre laquelle vous avez toujours été – et votre politique du tout sécuritaire sera parachevée…

L’école a été étrangement absente du débat électoral de 2002 et l’éducation ne semble pas vraiment une priorité pour le gouvernement. Il a d’autres urgences.

Côté fric, une belle image à méditer dans les écoles : on refuse d’augmenter le SMIC mais pas les médecins et surtout pas les ministres à qui on a infligé 70 % de mieux alors qu’ils n’étaient même « pas demandeurs », les pauvres.

Côté éthique, une autre image tout aussi contrastée résume bien la situation : José Bové va et vient en prison et Jacques Chirac demeure à l’Élysée. Devenu judiciairement intouchable par la grâce d’une décision du Conseil constitutionnel – présidé par le très vertueux Roland Dumas – et par la miraculeuse onction du suffrage universel, notre « sympathique » Président, mais néanmoins en délicatesse avec la justice, est maintenu dans les ors des palais de la République tandis que le syndicaliste paysan, écologiste antilibéral, est maintenu, lui, à l’ombre pour l’été et peut-être pour d’autres saisons. Que les profs chargés de l’ECJS se débrouillent avec ça pour inculquer sans rire à leurs élèves les notions de justice, d’équité, de civisme, de morale politique…

Donc « éducatifs fermés » disent-ils. Mais qui ne voit que cet oxymore explose le sens même de l’entreprise ? Quel enseignant, quel éducateur ne sait pas qu’éduquer c’est ouvrir et non « fermer », libérer, rendre libre, élargir et non enfermer, capturer, contraindre ? Que la sanction – y compris la privation de liberté – n’est pas éducative en elle-même, qu’elle ne peut à la rigueur le devenir que si elle s’appuie sur la proposition positive de la récompense et de la réussite ? Que confondre « pénaliser » et « éduquer », comme le rappelait très justement le syndicaliste Gérard Aschieri, c’est vouloir faire faire au juge et au policier le boulot de l’enseignant ? Certes, les problèmes posés par la délinquance des jeunes, la montée des incivilités à l’école, l’insécurité dans les cités sont réels. Mais il ne faut pas tout mélanger et surtout ne pas succomber au simplisme, à la démagogie qui ne sont pas des réponses.

On sait depuis Platon que le petit de l’homme ne peut s’éduquer par le dressage, la chicote et la cage. On a déjà fait, monsieur Perben, les désastreuses expériences que vous nous proposez comme des nouveautés affriolantes : la prison, l’enfermement des enfants et des jeunes est la meilleure école du caïdat et du crime, celle de l’exclusion définitive de la cité.

Raoul Pantanella