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Elle parle de son métier, préférant le mot institutrice plutôt que le terme de professeur des écoles, avec une belle énergie, de celles qui révèlent les passions. Sa trentième et dernière rentrée est particulière, pleine du sentiment qu’il lui faudra profiter à plein des moments qu’elle apprécie avant tout, ceux où les apprentissages fleurissent dans une spontanéité apparente. « J’ai tâtonné beaucoup et j’ai trouvé comment faire », ainsi résume-t-elle sa carrière faite de questionnements, de recherche, d’échanges, pour aboutir à une vie de classe à la hauteur de ses souhaits.

Son expérience d’enseignante débute par des années de remplacement « riches car j’ai navigué dans des écoles différentes, avec des gens et des enfants différents », de suppléances où les échanges, les partages entre les classes, les enseignants lui offrent des pistes pour comprendre les difficultés d’apprentissage et les façons de construire des multiples chemins pour la réussite scolaire. Elle obtient son premier poste de titulaire se trouve dans une école rurale de trois classes et, en 2000, elle est nommée en petite section à l’école Saint-Anne de Malansac dans le Morbihan, pour ne plus la quitter jusqu’à sa dernière année de « Maikresse ».

Sur son blog de classe, elle signe ses billets et les réponses aux commentaires sous ce nom. Férue de numérique, elle a choisi de partager ce qu’il se passe dans sa classe avec les parents, de prolonger les séquences filmées, les chansons, les récits de journée, à la maison, lorsque les élèves commentent, expliquent ce qu’ils ont fait, appris. Au début, elle se préoccupait avant tout de communiquer avec tous, enfants et parents, « de dire qui j’étais, ce que me demandait de faire l’institution et ce que l’on allait faire ensemble pour les enfants ». Le blog est pour elle une étape importante, le moment où le cahier de vie de la classe devient réellement partagé, où la confiance s’installe en profondeur avec les familles.

Un TBI à hauteur d’enfants

Rapidement, elle rencontre d’autres enseignants-blogueurs et ce sont de nouveaux partages qui naissent, des encouragements aussi, à utiliser un tableau interactif par exemple. Le TBI tactile est à hauteur d’enfants. « On part de la page blanche, on construit les apprentissages ensemble. Je les aide à faire tout seuls. » Chaque semaine, une vidéo est postée, retraçant les entraînements, montrant aussi « que la trace écrite n’est pas forcément léchée, parfaite ». Le blog est un outil de liaison qui reflète le chemin parcouru pour atteindre un résultat. Les commentaires des parents rapportent à leur tour comment leur enfant a relaté ce qu’il avait fait, enrichissant encore la collaboration, étayant le pont entre la classe et la maison.

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« J’ai une énorme liberté. Je me suis autorisée à faire différemment. J’ai pris confiance en moi. » La confiance est pour elle d’importance, qu’elle l’offre à ses élèves, dans leurs capacités d’apprentissage, qu’elle la trouve auprès des parents, qu’elle la puise aussi dans les échanges avec ses collègues sur les réseaux sociaux. Faire différemment a été un long chemin. « La classe est une ruche, au milieu de la ruche, je préparais la classe mais je ne la vivais pas. » Et pour passer de l’un à l’autre, pour quitter l’insatisfaction, « le sentiment de ne pas tout faire bien », l’obsession du bon fonctionnement, elle a lu beaucoup, en particulier des auteurs canadiens, sur le thème des savoir-être, s’est intéressée à ce que font d’autres enseignants. « De plus en plus, j’ai osé » nous dit-elle, « être moi-même dans la classe, encourager l’expression des émotions, des sentiments, et ça fonctionne. »

Traduire les émotions

Elle constate depuis quatre ou cinq ans une montée des angoisses chez les tout-petits, visibles par des pleurs, des postures corporelles mais plus souvent sourdes. « Je les accueille tels qu’ils sont, sans jugement, je leur autorise leur colère, leur tristesse, je les mets en mots ». Dans sa classe, une boîte contient les cartes à émotion. L’enfant choisit celle qui exprime son sentiment et dans un miroir de poche regarde l’expression que son visage y associe. « On joue à traduire les émotions, à les différencier. » Les nouveaux programmes la ravissent, encourageant à aller voir du côté du savoir-être. La liberté qu’elle éprouve, celle de vivre la classe plus que de la préparer, elle l’a construite par la maîtrise des piliers de son métier. Elle prône l’observation, l’accueil de stagiaires, le lien entre la recherche et la pratique professionnelle. Elle dit avoir appris aussi avec l’accueil d’élèves dyspraxiques, dyslexiques, dysphasiques, autiste et les liens tissés avec leurs parents pour envisager des méthodes pédagogiques différentes avec eux.

Elle a préparé sa dernière réunion de rentrée avec un trac, une impatience, plus forts encore que d’habitude. Elle a posté sur son blog une vidéo où elle parle de la façon dont on aborde une émotion, du premier travail réalisé, un découpage de papiers pour les poser sur un ballon. Elle a hâte de voir la réaction des familles, de les accueillir, de voir naître entre eux la relation de confiance qui ne manquera pas de grandir tout au long de l’année et au-delà, lorsque le lien perdure et se manifeste par des cartes postales, des nouvelles données au fil des ans. Encore plus cette année, elle veut « profiter de chaque moment de classe car chaque moment a une teinte particulière ».

Monique Royer

Le blog de « la maikresse