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Vive les sciences expérimentales !

Les scientifiques s’émerveillent de trouver à la nature des raisons et des régularités, ou, au contraire, de la façon dont elle échappe au déterminisme, ils s’enchantent des lois qu’ils lui attribuent, transformant ainsi leur vision du monde et la nôtre. Nul n’est physicien si, face au mouvement d’un corps, il ne voit en filigrane des billes qui roulent sur un plan incliné, heurtant et faisant tinter des clochettes. Nul n’est chimiste s’il n’imagine derrière toute transformation des atomes qui se lient et se délient. Nul n’est technologue s’il n’analyse tout dispositif de manière systémique. Nul n’est biologiste s’il n’intègre la complexité des systèmes biologiques.

Les sciences regardent le monde d’une façon singulière, appliquant à celui-ci des outils de la pensée qu’elles ont elles-mêmes créés. Initier les élèves aux sciences, c’est, entre autres, leur faire percevoir ce caractère créatif des sciences et les impliquer eux-mêmes dans des processus de création. C’est pourquoi nous entamons notre dossier par une partie intitulée « Rêver, créer » qui rassemble des contributions mettant le processus de création au cœur de leur propos.

Les sciences expérimentales tirent leur légitimité de la relation qu’elles entretiennent avec le réel. La confrontation au réel est un élément essentiel de leur démarche. Qu’est-ce que faire des sciences en laboratoire, si ce n’est rechercher des éléments venant conforter ou infirmer un savoir dont on n’est pas sûr ? Dans un laboratoire d’école, passons-nous notre temps à tenter de convaincre nos élèves des preuves du savoir qu’on leur enseigne, ou bien le passons-nous à les aider à construire un savoir, en les mettant en situation de mettre à l’épreuve ce qu’ils aimeraient affirmer, sans en être sûrs ? Dur dur de reconnaitre que l’on n’est pas sûr de ce qu’on affirme ! Et pourtant, là est probablement le nœud d’une attitude scientifique. Éprouver ses hypothèses passe souvent par la pratique. Vécue par les élèves comme ludique, voire construite pour être ludique, quels rôles joue exactement l’expérience ? Dans quel cadre pédagogique doit-elle être insérée pour participer à la déconstruction de représentation et à la reconstruction d’un savoir, sans occuper la place simpliste de preuve par les faits ? Ces questions constituent le second axe de notre dossier.

Les sciences, c’est l’affaire de tous ! Les contributions reçues pour ce dossier illustrent comment la réflexion scientifique interroge nos croyances, aidant à déconstruire le dogme ; comment elle s’invite à l’occasion d’un petit évènement incongru qui sera l’occasion d’une exploration collective par le groupe classe, mobilisant alors des facultés de collaboration, d’argumentation ; comment elle confronte l’élève aux difficultés du langage, offrant là une occasion de travailler à sa maitrise ; comment elle met les élèves en situation de s’exercer à la citoyenneté. Et si, au bout du compte, plus on en sait, plus on sait qu’on ne sait presque rien, est-ce le savoir qui compte ou est-ce le savoir penser ? Notre troisième partie, qui s’intitule « Partager », explore ces différentes dimensions.

« Le monde apparait tellement différent quand on sait ! » dit Richard Feynman[[Richard Feynman, « Qu’est-ce que la science ? » dans La nature de la physique, éditions du Seuil, 1980, p. 229.]]. Nous espérons entrainer le lecteur à travers cette réflexion sur le rôle et la nature de l’enseignement des sciences expérimentales à l’école. Pour que tout le monde entende sonner de petites cloches lorsque tombe un objet, mais surtout pour que tous les élèves construisent à travers cet enseignement des outils de la pensée !