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Visiter une classe coopérative pour trouver des réponses

Institutrice primaire en Belgique et maitre de formation pratique à la haute école libre du Hainaut occidental (Helha), j’ai eu la chance de participer à une conférence menée par Stéphanie Fontdecaba au sein de notre établissement de Leuze. Je m’y étais rendue car je me posais plein de questions sur l’apprentissage de la lecture en CP et en même temps, la pédagogie coopérative m’intéresse. Je voulais également avoir une vision plus pratique et autre de ce que j’avais déjà lu dans des livres. En discutant avec Stéphanie, je lui ai demandé si c’était possible de venir passer quelques jours. De suite, elle a accepté et voici ce que j’ai pu observer dans sa classe…

Ce qui m’a surprise dans cette classe, c’est l’implication des enfants dans leurs apprentissages et la motivation que ces derniers manifestent dans ce qu’ils font. Dès leur entrée en classe, chacun prend en charge son métier tout en étant attentif à ce que tout le monde fasse son travail. A un moment, un élève ne voulait pas faire sa tâche et d’autres enfants lui ont expliqué que lors d’un conseil, il s’était engagé à la faire et qu’il devait donc s’y tenir. J’ai été assez déroutée par l’investissement personnel de certains notamment lors d’une discussion entre eux : « Dis, la semaine dernière nous avons oublié de faire les papiers. Il faudra qu’on le dise à maitresse. Tu me le rappelles tout à l’heure. » Dans ma classe, je travaillais avec des charges mais je viens de changer car les métiers de la classe me paraissent beaucoup plus logiques et évidents. Etant donné que chacun choisit et que les métiers sont décidés collectivement, les élèves sont responsables et acteurs de / dans la vie de leur classe. Cela vient d’eux ! De plus, la liste des métiers n’est pas figée. On peut en ajouter ou en supprimer tout au long de l’année en fonction des besoins.

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Apprentissage de la démocratie

Je n’avais encore jamais vécu de conseil de classe. Ce qui m’a frappée, c’est l’ambiance démocratique qui en ressortait. Chacun a sa fonction, il y a un maitre du temps, un responsable de donner la parole, un président, un autre fait l’appel sur une tablette. Le président du jour avait mémorisé tout un long texte. Je me suis demandé comment il avait fait pour retenir une telle quantité de phrases. Stéphanie m’a expliqué qu’en début d’année, c’était elle qui tenait ce rôle mais qu’au fil du temps, il y en a qui voulaient tenir le rôle. Et donc, ils étaient motivés à apprendre ce texte car ils avaient envie d’« être le président ». Sur l’écran, on pouvait lire le nom et le prénom de l’enfant, sa photo et l’élève devait cocher si la personne appelée était présente ou absente. Ils proposent des idées, des projets, discutent de ce qu’ils souhaitent voir dans leur classe. Les enfants argumentent comme des « grands ». Il m’arrivait parfois d’oublier que j’étais en maternelle ! J’ai aussi eu l’occasion de me rendre compte que même si la titulaire n’était pas présente dans la pièce, la classe fonctionne d’elle – même ! La maitresse lit l’ordre du jour et prend note des décisions du conseil. Les élèves appréciaient vraiment le conseil lorsque le temps était terminé, il y en a même un qui a dit : « Hoooo ! » et on sentait une réelle déception.

Personnalisation et coopération

Dans cette classe, chaque enfant est maitre de son savoir. La place est faite pour qu’ils puissent trouver des réponses à leurs propres questions et les apprentissages sont personnalisés. Lorsqu’ils choisissent une activité, ils s’y engagent à 200 % et la réalisent en s’appliquant énormément. Pour les enfants, il n’était pas facile de s’arrêter pour aller en récréation. Ils tenaient absolument à finir leur tâche. En interaction avec tous, chacun est conscient de ce que les autres savent. Le plan de travail aide aussi les enfants à poser des choix et à s’engager dans leur travail. Malgré les différences d’âges, de cultures et de caractères, chacun est reconnu et a sa place au sein de la classe. Cela ressemble à une petite famille dans laquelle tout le monde s’entraide. La maitresse n’est pas la seule personne qui puisse être une référence dans la classe. Si elle est occupée avec un groupe et que d’autres ne comprennent pas quelque chose, ils se questionnent et trouvent des solutions entre eux. Ils se partagent volontiers le matériel et leurs savoirs. Lors du rituel du calendrier, une enfant de grande section avait noté la date. Un autre enfant lui a demandé : « Pourquoi tu écris en attaché ? » et la petite a répondu naturellement et avec logique : « J’écris en attaché parce que c’est ma force ! » J’ai trouvé cela très mignon car en voilà une qui a déjà compris l’importance de l’écrit et la puissance des connaissances.

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En étant dans ce lieu, j’ai ressenti l’importance pour le professeur de connaitre la progression du cycle entier et l’avantage d’être dans une classe multi – âges. Ce genre de classe permet de laisser le temps de l’apprentissage mais on respecte aussi le rythme de chacun avec la possibilité d’aller le plus loin possible. Pour moi, la classe fonctionne mieux lorsque les élèves n’ont pas peur de prendre des « risques », de prendre des initiatives ni de commettre des erreurs. Tout le monde en sort gagnant ! En tant qu’enseignant, nous sommes plus à jour sur les difficultés de chacun. Les élèves ne disent plus qu’ils ont compris pour faire plaisir à leur enseignante, mais uniquement quand c’est réellement le cas.

Nouvelles relations dans la classe

J’ai perçu cette classe comme un milieu aménagé pour permettre à chacun de trouver le matériel afin de l’utiliser efficacement et en autonomie (tout est organisé de manière à ce que tous sachent où les choses se trouvent). Ils peuvent s’approprier et choisir les outils dont ils ont besoin pour réaliser la tâche demandée. Les réussites sont mises en évidence et les enfants se sentent à l’aise dans leur école. Un environnement bienveillant mais à la fois exigeant dans lequel on peut retrouver de la joie, du sens, la nature et des activités réelles (non construites artificiellement pour apprendre) additionnées à l’envie/ le plaisir d’apprendre ainsi qu’aux forces et talents de tous… tout cela ne peut que faire grandir.

Je pense que l’époque dans laquelle l’instituteur était le seul détenteur du savoir est résolue. Nous devons plus aller vers un rôle de guide avec pour mission de rendre l’enfant responsable de son apprentissage. Nous devons l’aider à développer son esprit critique, la collaboration/ la coopération, sa communication avec les autres et sa créativité. Pour ma part, je suis bien décidée à continuer mes recherches dans cette voie et ne suis pas prête d’oublier cette expérience !


Voir le sommaire du numéro 505, «Mieux apprendre avec la coopération»
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