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Utopie pédagogique ?

On peut à la fois respecter la tradition de l’école française, et intégrer des éléments d’évolution significatifs voire de rupture.
Notre posture n’est pas de dresser un énième inventaire des dysfonctionnements de l’école, ni de dénoncer dans un pamphlet mais d’adopter le parti pris de l’utopie constructive et … peut-être réaliste !
Pour cela nous privilégierons la réalité du terrain sous le triple éclairage des savoirs issus :
– des innovations et expérimentations partielles qui ont fait leur preuve,
– de la recherche avec des résultats consensuels,
– mais aussi des bonnes pratiques dans l’école de nos voisins occidentaux (soyons
modestes..).

Notre cible sera l’établissement scolaire car il est largement admis aujourd’hui qu’il s’agit de la bonne unité de base du changement, en particulier sur le collège qui est devenu, dans les faits, la nouvelle école moyenne du système éducatif français, malgré l’âge légal de la scolarité obligatoire, et constitue aujourd’hui la clé de voûte du système de formation.
Notre stratégie sera de prendre le contre pied de la célèbre formule « l’élève au centre » pour placer résolument l’enseignant au centre du changement, au plus grand bénéfice des élèves…. de tous les élèves.

A. Une structure pédagogique nouvelle

Notre collège 600 ressemble à des milliers d’autres en France qui ont connu, pour moderniser leurs murs, la révolution tranquille liée à la loi de décentralisation de 1983 (on constate aujourd’hui que l’éducation est le plus souvent le premier budget des collectivités territoriales et que cette manne a largement compensé les crédits d’état de la situation nprécédente).
L’établissement est plutôt fonctionnel, esthétique et fleuri, bien tenu, lumineux et plutôt bien insonorisé, la salle des professeurs est conviviale, le panneau concernant les actions pédagogiques est plus grand que ceux réservés à l’administration et aux syndicats ! La demi pension est appréciée et c’est souvent le lieu où les enseignants refont le collège…
Une belle carrosserie qui nous invite à nous intéresser à son moteur.
Il ne s’agit ni d’un établissement classé en REP ni celui d’un quartier favorisé. La mixité sociale est bien équilibrée et les évaluations d’entrée en 6 ème sont conformes aux résultats attendus.

Observation : la question de la carte scolaire et de la mixité sociale est cruciale pour l’avenir de l’école de la république et de l’intégration. Un processus très rapide est à l’œuvre aujourd’hui vers la création de ghettos scolaires qui trient les élèves. Le tri social par le choix de son école s’est en effet accéléré. Les questions du logement social dans toutes les communes et du périmètre de la carte sont essentielles. Ce texte veut monter que si les enseignants sont concernés en tant que citoyen, ils le sont aussi en comme professionnels engagés pour faire émerger une école de la réussite, rempart qui peut jouer son rôle contre les fuites… et la ségrégation.

Une organisation pédagogique nouvelle

Dans cet établissement, la séquence d’enseignement de base est de 1 heure 25 – 1heure 30 pour toutes les disciplines, parfois 2 heures, au lieu de 50 à 55 minutes (une gestion souple sur l’année est possible pour celles qui ont un horaire hebdomadaire inférieur ou pour organiser des enseignements groupés sous forme de stages ou modules).
Soit 2 séquences le matin et 2 séquences l’après – midi pour les élèves avec des récréations plus longues (au moins une demi-heure). L’enseignement est réparti sur 4 jours (lundi, mardi, jeudi et vendredi). Il n’y a donc pas de cours le mercredi et le samedi matin.
Remarque : 2 collèges de l’Isère fonctionnent sur ce dispositif de plages longues systématisées.
Soit, pour les élèves : 16 séquences par semaine (24 heures).
Le travail personnel des élèves ne dépasse pas 10 à 12 heures par semaine pour respecter un droit à une semaine de travail scolaire de 35 heures et ainsi laisser de la place à d’autres activités indispensables au développement personnel des jeunes.
Observation : La structure pédagogique sur la journée que nous proposons se rapproche de l’organisation « naturelle » d’une classe de primaire qui résiste à la pression vers une « secondarisation » de son organisation avec ses tranches horaires et ses spécialistes divers. Il suffit de regarder l’emploi du temps surchargé d’une classe de 6 ème pour comprendre que la rupture liée au passage va se traduire par un décrochage rapide pour certains. Le risque est alors grand que ces élèves « décrocheurs de l’intérieur » se manifestent soit par un repli sur eux mêmes pour se faire oublier (avec la souffrance qui va avec) ou plus bruyamment pour exister autrement. Ainsi pour certains enseignants le temps consacré à « tenir la classe » prend plus de temps que celui consacré à « faire la classe ».
Dans ces deux cas, que les enseignants connaissent bien, l’éducation nationale devient malheureusement une simple « garderie nationale ».

Ce collège est un établissement « ouvert » c’est à dire :
– Il accueille dans ses espaces des activités locales à vocation éducatives et culturelles les fins de journée, le samedi et pendant les vacances scolaires (soit une durée très significative sur l’année).
– Le temps de midi – deux prolongé est réservé à des activités de détente et éducatives pour les élèves, à des concertations pour les enseignants.
– Le mercredi matin est consacré à des activités d’aide au travail personnel coordonnées par la vie scolaire et encadrées par des adultes compétents (parents d’élèves, étudiants, enseignants retraités…) et l’après midi à des activités éducatives (culturelles, sportives, artistiques….). L’offre y est très diversifiée.

Observation : soulignons le formidable « gisement » de ressources que constituent les enseignants retraités, de plus en plus nombreux, « rayés des cadres » du jour au lendemain et qui pourraient utilement trouver des formes d’investissement pédagogiques reconnues par l’institution.
L’établissement scolaire, par la richesse de l’offre périscolaire, peut devenir un lieu éducatif et culturel (en particulier pour les collèges ruraux) par son offre artistique, culturelle et sportive.

L’année scolaire, les évaluations et les examens

L’année scolaire est organisée en 2 semestres : début septembre à fin janvier et début février à fin juin.
Il s’agit d’éviter le gâchis d’apprentissage bien connu qui concerne les mois de décembre où la fatigue est générale et celui du mois de juin qui est gangréné par les différents examens (surtout dans le second cycle).
Dans cet établissement, le contrôle en cours de formation semestriel est généralisé pour les élèves de 4 ème et de 3 ème, ce qui allège la pression de la fin de trimestre, permet de mieux répartir les conseils de classe, supprime les brevets blancs et engage les enseignants vers moins de notes mais plus d’évaluations critériées indispensables pour structurer les apprentissages.
On observe alors que cet établissement, malgré un horaire d’enseignement réduit, réalise ainsi un gain d’enseignement/apprentissage conséquent sur la séquence d’enseignement, la journée, l’année… avec un rythme qui respecte davantage les besoins des jeunes[[Voir les travaux sur l’organisation du temps scolaire et les apprentissages : Aniko HUSTI, La dynamique du temps scolaire, préface de André de peretti, HACHETTE Education, 1999]].
En effet, sur le plan quantitatif, on peut estimer que cette organisation par systématisation des plages longues permet de gagner1/2 heures d’enseignement apprentissage par jour soit 2 heures par semaine (gain de temps lié aux déplacements, démarrages de cours). Il faut ajouter un bon mois de travail scolaire supplémentaire pour l’année (meilleure utilisation pédagogique des mois de décembre et juin).
Et sur le plan qualitatif, le travail d’apprentissage proposé est plus favorable à la différenciation pédagogique pour chaque élève. En effet l’enseignant ne peut réaliser une prestation « frontale » (le face à face) sur une période aussi longue, il est amené à varier les modalités d’apprentissage : travail personnel, petit groupe, points
méthodologiques, une place plus grande aux questions et à l’oral, la préparation du travail personnel et son contrôle, du conseil individualisé (le côte à côte).
Observation : voici le témoignage d’une jeune enseignante sortant de l’IUFM lors d’une enquête sur un collège de l’Isère)
« On ne nous a pas appris à l’IUFM à faire cours sur une heure trente… mais maintenant j’ai l’impression que je peux enfin appliquer les instructions, officielles sur la différenciation, l’évaluation formatrice, la variété des supports et des activités d’apprentissage etc. ! »

La récréation allongée du matin permet de servir une collation aux élèves. Cette possibilité réactive la capacité attentionnelle de la fin de matinée… de même que la fin de journée souvent redoutée par les enseignants est mieux vécue par les élèves moins fatigués.
La limitation des déplacements, la durée des récréations et du midi-deux heures, les activités proposées engendrent une vie scolaire plus apaisée….et une baisse très conséquente des bousculades et des incivilités.
Les conseillers d’éducation consacrent plus de temps à leur fonction éducative auprès des élèves.

Le travail des enseignants

Tous les enseignants de cet établissement travaillent 17 heures plus 3 heures de concertations formelles instituées, c’est à dire :
– 12 séquences de 1 heure 25 soit 17 heures.
– 3 heures pour faire vivre les concertations disciplinaires, interdisciplinaires et les suivis de classe.

Observations : la réforme Legrand de 1982 qui a été l’objet de longues concertations et a susciter de grands espoirs pour des dizaines de milliers d’enseignant. Elle proposait un statut à 16 + 6.
Notre collège est né de cette réflexion et s’est adapté.
Nous faisons le choix d’introduire dans le statut une nouveauté : des concertations instituées avec des objectifs très précis comme on peut les trouver dans toutes les écoles des pays occidentaux mais sans tomber dans le faux débat qui consiste à proposer 35 heures dans l’établissement.
En effet toute personne de bonne foi sait (et en particulier les parents) qu’une heure d’enseignement n’équivaut pas en terme d’investissement, d’énergie, de préparation, à une heure de bureau, d’atelier ou de chantier.
Dans tous les pays les statuts sont calés autour de 20 heures d’enseignement. La culture des enseignants français est très attachée à cet espace de liberté pour un travail personnel à côté de l’école. La question des 35 heures dans l’établissement est donc vécue comme blessante par les enseignants.

Tous les enseignants sont Professeur Principal-Tuteur d’une demi classe. Cette fonction, intégrée aux 3 heures est rémunérée par L’ISO et une 1/2 indemnité de professeur principal (ce qui correspond pour ces 3 heures de concertations et suivi à une indemnisation très significative de l’ordre d’une HSA et demie de cours).
Chaque tuteur organise le suivi régulier de la vie de la classe et de chaque élève, les projets de classe et les contrats de progrès, quand ils sont nécessaires, en relation avec l’équipe enseignante et l’ensemble des parents.
En effet, cet établissement relève le défi de travailler, dans une logique de coéducation et sans confusion des rôles, avec 100 % des parents que les professeurs tuteurs vont renconter au moins 3 fois par année pour suivre le travail de chaque élève.
On observe alors l’émergence de nombreux projets de classe, un suivi proche et personnalisé de chaque élève qui va permettre une gestion rapide des difficultés et des relations constructives avec la gande majorité des parents.

Une nouvelle carrière professionnelle

Les nouveaux enseignants ont bénéficié d’une formation universitaire qui associe une vraie formation professionnelle de 2 ans, en alternance, après la licence ou la maîtrise académique. Elle conduit à un diplôme universitaire de Masters. Les formations académique et professionnelle sont donc bien séparées et cette dernière est passée de 1 semestre à 4 semestres rééls.

Tous les enseignants ont le même statut et les mêmes ouvertures de carrière, c’est à dire qu’ on ne devient plus agrégé par concours à 22/23 ans mais par promotion interne sur critères explicites. Ainsi, la carrière fonctionne en trois grades et 3 temps avec un échelonnement d’indices et un passage automatique selon un calendrier.
Soit :
– un temps de stagiaire significatif pour que le futur professeur et l’institution s’assurent de l’adéquation d’un choix de titularisation,
– puis une titularisation au grade de certifié pendant 10 ans,
– enfin la possibilité pour tous d’accéder à un 3 ème grade de professeur titulaire agrégé sur dossier avec des critères très explicites (investissement professionnel dans les domaines de l’innovation-expérimentation, de la formation, des responsabilités pédagogiques, l’exercice avec des publics spécifiques, des productions pédagogiques etc…) et des examens complémentaires (épreuves professionnelles écrites et orales).
Les inspections traditionnelles n’existent donc plus comme le souhaitent la majorité
des enseignants .

Les missions d’inspection sont donc réorientées vers de l’accompagnement des enseignants et le conseil aux établissements dans une perspective prioritaire d’approche systémique.
D’autre part, chaque enseignant peut bénéficier d’une année sabbatique permettant, entre autres choses, de préparer à cette promotion de corps. Chaque enseignant, après 55 ans, peut demander à son établissement un allégement de service contre des tâches pédagogiques jugées utiles à l’établissement (ex : coordination pédagogique, recherche et production de ressources pour transmettre son expérience, animations et formations, tutorat pédagogique de jeunes enseignants etc.) La promotion de carrière tient compte de manière significative de la pénibilité du travail et de l’engagement auprès de publics plus difficiles. En effet s’il est vrai que le métier d’enseigner est bien le même dans tous les établissements, les conditions d’exercice ne sont pas comparables entre ce collège de banlieue qui cumule les difficultés et cet autre du centre ville.
Ces enseignants engagés ne réclament pas des primes supplémentaires mais la reconnaissance de leur engagement et surtout du temps supplémentaire pour s’organiser collectivement et proposer des solutions plus adaptées. Il faut les écouter.

Les nominations des enseignants

La dynamique scolaire des établissements est aussi liée à la mixité des âges et donc des expériences.
Comment rompre avec un système de promotion lié à la seule ancienneté et qui conduit à la stigmatisation des jeunes enseignants qui ne peuvent accéder à des départements où des établissements très demandés. Il y aurait donc des établissements réservés à des enseignants plus âgés ?

Observation : s’agissant de l’éducation prioritaire, de jeunes enseignants volontaires sont souvent plus engagés et efficaces auprès de ce public que d’autres plus expérimentés dans un fonctionnement traditionnel. Le discours dominant affirme le contraire, comme une évidence souvent démentie par le terrain !

Au total, dans cette nouvelle organisation centrée sur la ressource humaine, on observe chez les enseignants : une plus grande motivation, un désir renouvelé de s’engager dans son établissement, le sentiment d’avancer professionnellement individuellement et collectivement… dans la bonne direction et d’avoir de l’emprise sur son métier. On observe peu de découragement professionnel[[Cf études sur le « burn out » des enseignants et « l’empowerment ».
Mickael HUBERMAN, La vie des enseignants. Evaluation et bilan d’une profession, Paris, Deleschaux et Niestle, 1989
Monica GATHER THURLER, Innover au coeur de l’établissement scolaire, ESF 2000
]].

Et la carrière des personnels de direction ?

Après leur master de direction les chefs d’établissements entrent également dans une carrière à 3 grades. Leur promotion n’est pas liée à des catégories d’établissements et peut donc s’effectuer durablement sur un établissement sans distinction hiérarchique des niveaux collège et lycée.
Des postes sur profils sont prévus pour des établissements avec une forte spécificité pour les enseignants et les personnels de direction (ex : pour l’éducation prioritaire)

Le fonctionnement pédagogique de l’établissement

Le chef d’établissement et son adjoint
Chacun sait que le rôle du chef d’établissement est déterminant pour construire et faire vivre une dynamique collective dans la durée et que les transitions sont parfois douloureuses et brutales lors d’un changement avec beaucoup de découragement à la clé.
Notre établissement est dirigé par un chef d’établissement, responsable de la polique éducative. Il a été recruté selon un profil professionnel pédagogique fort. Il a reçu une formation de niveau masters qui intègre une formation au management et aux ressources humaines dans un système de formation public[[Cf M. Gather Thurler et la théorie du « new management ». Opus cité.]].
Il est jugé compétent, disponible et sachant mobiliser les enseignants autour des valeurs fondatrices de l’école.
Son adjoint est un secrétaire général administratif, gestionnaire de métier qui met en oeuvre avec efficacité le politique éducative décidée. On observe que dans cet établissement beaucoup de choses semblent possibles car l’initiative est encouragée dans la durée.

Le projet éducatif et le conseil pédagogique
Il est notoire que les projets d’établissements sont le plus souvent formels (projets papiers pour l’institution selon la formule courante !) et rassemblent une juxtaposition d’actions dont la pertinence n’est pas validée (avec le plus souvent beaucoup d’actions périphériques).
Dans notre établissement le projet éducatif est « vivant » centré sur ses priorités et implique une grande majorité des personnels.
Comment est-ce possible ?
Il s’est doté d’une structure de coordination : le conseil pédagogique ou groupe de coordination. Cette structure est pilotée par le chef d’établissement, responsable de la politique éducative; elle rassemble toutes les catégories d’acteurs : enseignants, personnels d’éducation, personnels techniques et administratifs dont le gestionnaire mais aussi les parents qui participent ainsi à la construction du projet.
Il s’agit, en effet, de construire cette vision partagée de l’établissement avec ses ressources et ses contraintes, de proposer une analyse et des propositions à l’ensemble de la communauté éducative qui va décider in fine, via son conseil d’administration[[Différents outils d’un tableau de bord de pilotage et d’évaluation sont disponibles dans les Académies. Ce sont essentiellement des critères de scolarité et de vie scolaire (passages, examens, orientation, absences, incivilités ) auxquels il faudra ajouter des critères plus qualitatifs sur les plans pédagogiques et éducatifs.]].
Le conseil fait de la question du pilotage par l’évaluation des actions et du système global, dès le départ, une question essentielle et bénéficie pour cela d’un accompagnement externe technique et formatif. Le pilotage nécessite des réunions très régulières avec une diffusion des travaux large et permanente à la communauté.
Ce conseil pédagogique n’a pas de pouvoir mais il constitue un garant précieux pour la cohérence, la continuité et l’approfondissement du projet d’établissement et sa pérennisation en cas de changement de direction… toujours redouté.
D’autre part, le projet collectif est fortement régulé par des demi-journées pédagogiques régulières, organisées par le conseil avec l’ensemble de la communauté éducative, soit une demi-journée tournante par mois afin de concerner, également, tous les enseignants.
Observation : le projet de F. Bayrou sur la rénovation du collège proposait l’équivalent d’une journée par trimestre. On peut ajouter aujourd’hui les 2 demi-journées liées à la récupération du lundi de pentecôte (soit la possibilité d’une demi-journée tournante sur 8 mois).

Distinguer la rentrée pédagogique au mois de janvier de la rentrée scolaire du mois de septembre.
Dans cet établissement on considère que la rentrée pédagogique commence dès le mois de janvier pour préparer le projet de l’année scolaire suivante : présentation de la DGH « nouvelle » au conseil d’administration… et anticipation de l’ensemble des besoins… pour arrêter la maquette de l’emploi du temps pédagogique dès le mois de juin.
Observation : l’emploi du temps dit « pédagogique » intègre en priorité les contraintes liées aux différentes actions pédagogiques retenues en tenant compte le mieux possible de souhaits des personnels.

Une nouvelle dotation de crédits pédagogiques
La dotation globale horaire concerne les moyens postes mais aussi les différents crédits qui seront gérés directement par l’établissement dans le cadre d’une nouvelle autonomie financière.
Observation : cette démarche est initiée partiellement dans le cadre de l’application de l’actuelle loi organique, loi de finance (LOLF) à travers la mise en place des contrats d’objectifs dans quelques Académies.
Cette dotation pédagogique est gérée directement par l’établissement sous la responsabilité de son conseil d’administration et fait l’objet d’un contrôle institutionnel a posteriori.
Elle est abondée par :
– l’Education nationale dans le cadre des crédits actuellement gérés par les rectorats (formation, innovation, international, action culturelle, éducation à la santé et à la citoyenneté, école ouverte, EEDD etc.),
– d’autres partenaires institutionnels traditionnels (essentiellement les collectivités territoriales),
– mais aussi par l’établissement qui peut « remettre à plat » l’ensemble des moyens spécifiques dont il bénéficie : décharges, HSA spécialisées pour les coordinations, les animations mais surtout les heures économisées par la politique volontariste de suppression des redoublements (voir ci après).
Elle va servir à rémunérer (en vacations, crédits, HSE ou petites décharges) :
– Les engagements dans des actions spécifiques,
– l’investissement des enseignants au conseil pédagogique,
– les différents intervenants dans les animations sportives et culturelles et l’accompagnement du travail personnel,
– les différentes coordinations disciplinaires et interdisciplinaires jugées indispensables,
– la formation continue et l’accompagnement externe par des experts agréés par l’institution(dont l’accompagnement par la recherche).
– Etc.
L’établissement reçoit cette dotation pédagogique annuelle avant les vacances d’été (crédits, HSE)
Cette dotation gérée en responsabilité par l’établissement doit être significative pour faire vivre le projet d’établissement mais représente, in fine, un pourcentage réduit par rapport à la masse salariale et les crédits de fonctionnement d’un établissement gérés par l’institution.

Les principaux choix du projet d’établissement

Ils s’organisent autour de la valeur de progrès et de réussite pour chacun des élèves (dont les bons).
Nous avons vu que les plages longues permettent d’organiser des activités d’apprentissages plus variées et motivantes. Elles facilitent également l’organisation, par demi-journées, d’activités d’apprentissages sous forme de projets interdisciplinaires de type travaux croisés (mise en parallèle de 2 ou 3 classes).
Dans ce cadre pédagogique d’apprentissage par projet et recherche personnelle, chaque élève peut davantage révéler le « meilleur de lui-même »[[Voir collection innovation du CRDP de l’Académie de Grenoble sur ces nouvelles pratiques interdisciplinaires sur projets : TPE, travaux croisés et parcours diversifiés, EEDD et leur évaluation. Site du CRDP de Grenoble.]]. Toutes les activités du projet d’établissement sont impulsées, régulées et évaluées dans le cadre des concertations formelles régulières… et chaque enseignant peut s’engager à son rythme… ou se désengager.
Les concertations formelles ont le mérite de générer de nombreuses concertations informelles « d’ajustement » (correction ou approfondissement), sous des formes diverses et des lieux divers. Une culture de l’échange se développe basée sur la confiance[[Cf : étude de François Petit, psycho sociologue, sur le collège expérimental de la Villeneuve : Rapport de recherche commandité par le MEN / MIR sur les « traits organisationnels favorisant l’initiative des acteurs »
Une synthèse est présentée dans la revue française de pédagogie n° 115 consacrée aux collèges.]].

La photocopieuse, le téléphone mais aussi le courriel et internet sont devenus des outils professionnels d’usage courant.

Les échanges de pratiques, qui sont devenus la règle, se prolongent souvent par des échanges de ressources et contribuent à faire émerger des besoins d’approfondissement avec un expert extérieur (accompagnement, analyse de pratiques, formation, recherche…). La nouvelle organisation mise en place facilite cet accompagnement externe, structuré dans la durée, sans perturber les cours (ex : plages de 2 heures, réparties sur l’année et travail en réseau par listes de diffusion).
Elle permet, entre autres, « d’outiller » les enseignants sur la question de l’évaluation des actions et des dispositifs et construit des liens avec les « bonnes pratiques » d’autres établissements (mise en réseau de ressources).
Observation : des dispositifs de repérage, d’accompagnement et de valorisation des innovations et des bonnes pratiques existent dans chaque Académie. Initiés par l’Académie de Grenoble dès 1983, généralisés par F. Bayrou en 1995, approfondis et élargis par J. Lang (création d’un conseil national de l’innovation qui sera supprimé par L. Ferry). Ce dispositif est aujourd’hui supprimé dans l’Académie de Grenoble… demain?
Cet exemple de discontinuité, illustre, parmi beaucoup d’autres (le ballet des chantiers prioritaires…), la difficulté pour le « terrain » de mener des actions dans la durée. Cette rupture instituée, s’agissant de la continuité de l’impulsion politique fait beaucoup de dégâts, elle résulte du rythme politique des nominations de Ministres puis en décalage de Recteurs, rythme en désaccord complet avec le temps nécessaire… pour une consolidation sur le terrain.
L’examen attentif des circulaires de rentrée toujours plus « lourdes » révèlent ce décallage car chacune nécessierait 10 années pour mettre en oeuvre ses prescriptions !
Les TPE ont constitué l’ (le contre) exemple d’une petite révolution pédagogique en train de réussir sur plusieurs années… quand un Ministre décide de les supprimer. Quel gâchis sur tous les plans ! Aujourd’hui l’article 34 de la loi Fillon sur l’école prévoit un droit à l’expérimentation pourc haque école ou établissement ?
La nouvelle organisation que nous décrivons permettrait, à notre sens, de faire vivre ce droit sessentiel.

Toutes les classes de 6 ème ont un effectif maximum de 18 élèves[[Cf. travaux de T.Piketty qui montre que « la taille des classes peut être décisive pour l’avenir de l’école ». Articles sur site T.Piketty.]]

Il s’agit de donner une priorité affichée à ce niveau de classe en gérant au mieux la rupture et la transition nécessaires. Cette priorité se traduit par un effectif réduit : pas plus de 18 élèves.
Observation : cet effectif devrait être, à notre sens, appliqué à tous les niveaux de classe, s’agissant de l’éducation prioritaire car il détermine, avec la durée des cours, la variété des groupements, la nature de l’action pédagogique qui peut être mise en oeuvre.
Dans cet établissement il y a donc 2 classes de 6 ème de plus (de 6 à 8). Les moyens affectés sont largement compensés par la suppression de classes liées au non redoublement à tous les niveaux d’enseignement.
Observation : Actuellement les établissements qui contrôlent leur politique de redoublement par une politique pédagogique efficace se voient retirer des moyens donc des postes ! Ce qui incite à maintenir une politique de redoublement dont on connaît l’inefficacité pour une majorité d’élèves dès l’instant que ce redoublement s’effectue à l’identique.

Les priorités et les pratiques pédagogiques partagées par les enseignants au niveau 6ème[[S »agissant des outils et des pratiques de la différenciation pédagogique nous renvoyons : à la contribution décisive des travaux de Ph. Meirieu qui ont su inspirer de nombreuses démarches d’innovation depuis plus de 20 ans.]]

Un travail collectif, par discipline, permet de se centrer sur les acquis essentiels pour chaque niveau. En effet la question du quoi apprendre d’essentiel précède celle du comment apprendre. Cette question inspire la démarche des actuels nouveaux programmes déclinés en compétences. Cependant il s’agit de l’appliquer dans les faits, de prendre ses distances avec le manuel et de s’assurer ensuite que les acquisitions sont bien réelles pour une majorité d’élèves[[Cf A. Lieury et ses travaux sur la mémoire appliqués à la lecture des manuels.
« Mémoire et réussite szcolaire ». Dunod 1991
« Des méthodes pour apprendre ». Dunod 1992]].
Des savoirs « durables », c’est à dire intégrés et réutilisables. Là aussi il s’agit de passer du quantitatif (les informations disparates mémorisées) au qualitatif (des savoirs construits). La validation de ces acquis pour le plus grand nombre (ou compétences) permettra ainsi de sortir de la « dictature de la courbe de gauss » qui institue et stigmatise l’échec pour un bon tiers des élèves de chaque classe, quel qu’en soit le niveau général de départ (même pour une classe de très bons élèves !)[[Cf. travaux et expérimentation de A. Antibi sur « la constante macabre ». Editions Math’Adore. Toulouse, 2006, et S. Gasquet : « lycée peut mieux faire » ESF. L’auteur montre comment une classe d’excellence de première d’un grand lycée ouverte aux meilleurs élèves de seconde à connu des problèmes de passage en fin d’année pour un tiers de son effectif !]]. Rentrer dans une logique d’apprentissage c’est s’assurer que la majorité des élèves ont acquis les notions essentielles et déplacer sa moyenne de 10 à 13/14 , sinon c’est l’enseignant qui note sa propre performance…
Chaque enseignant attribue moins de notes mais propose davantage d’évaluation critériée afin de donner aux élèves des repères utiles à leur apprentissage, pendant les cours[[Cf Ch. Hadji :
Sur l’apprentissage assisté par l’évaluation in « L’évalaution, règles du jeu. Des intentions aux outils ». ESF, 1989.
Sur l’expérience du collège de la Villeneuve de Grenoble in « Innover pour réussir » ESF, 1990.]]. Les plages longues permettent des activités plus attractives avec des supports plus variés et donc génèrent moins d’ennuis.
Les conseils méthodologiques individuels et collectifs se font dans le cadre des séquences d’enseignementet et concernent chaque enseignant..c’est une exigence professionnelle.
Observation : les enseignants ont fait leur deuil du mythe des « pédagogies de compensation » à côté de la classe et en plus (parfois jusqu’à l’acharnement), alors que rien ne change par ailleurs.. dans l’organisation et les contenus d’enseignement. En effet ces pédagogies de « rattrapage » véritable serpent de mer se font hors du contexte des savoirs spécifiques et n’ont jamais fait leur preuve depuis leur introduction en 1972 par la loi Haby avec la notion de soutien (puis remédiation, aide méthodologique, groupes de niveau et de besoins, aujourd’hui les PPRE, etc.)[[Voir les méta analyses réalisées sur cette question, par exemple Marcel Crahay (croisement statistique des résultats de recherches portant sur la même thématique) in Hadji C. et BailleJ. « recherche et éducation.vers une nouvelle alliance ? » Bruxelles. De Boeck Université, 1998. Actes d’un colloque sur « la preuve en éducation » Grenoble, 1997.]]. De nombreuses innovations de type soutien, parfois très élaborées se sont confrontées à des résultats décévants en rapport avec l’investissement avec le constat central : les progrès constatés au cours de ces activités ne se sont pas transférés dans le cadre des apprentissages dans les différentes classes.

Une attention particulière est accordée dans chaque discipline à la compréhension des langages et aux productions écrites. L’entraide et la coopération sont une pratique courante dans les classes. Le travail personnel est engagé le plus souvent en cours et fait l’objet d’un retour au cours suivant. Le travail personnel des élèves est coordonné par le tuteur-professeur principal qui veille au bon équilibre sur la semaine, à la répartition des contôles et peut aider l’élève à se construire des stratégies de travail adaptées à des contraintes personnelles parfois lourdes.

Des projets de classe et un autre suivi des élèves (du constat au contrat)

Les professeurs principaux- tuteurs jouent d’autre part un rôle clé pour faire émerger des projets de classe plus spécifiques qui vont produirent de l’identité « mobilisatrice »; pour faire vivre un autre suivi des élèves.
Exemples de pratiques nouvelles :
– Le conseil est préparé en amont avec les élèves pour faire émerger une analyse et des propositions collectives constructives. Il peut déboucher sur un contrat de classe collectif[[Voir les différentes méthodologie des contrats de classe. Nous en proposons une dans les actes du CRUISE. Université de Poitiers .Thème : les compétences. Article : Apprendre des compétences du 3ème type : apprendre des attitudes et des valeurs au collège. 16 p.1996.]] avec engagement mutuel des enseignants et des élèves.
– Le tuteur a préparé une synthèse pour chacun de ses élèves à partir du suivi réalisé avec tous les enseignants et la propose au conseil en présence des élèves avec le souci de la cohérence et du respect de la personne de l’élève (cette synthèse permet d’éviter les dérapages et notamment les jugements sur les personnes). Il s’agit d’un constat institutionnel indispensable.
– Le bilan écrit de chaque élève est ensuite remis en mains propres à chaque parent, présenté et analysé, le samedi matin suivant, en présence de l’élève. Le tuteur, par son travail de suivi s’est assuré que toutes les familles seront présentes ou représentées. Le bilan est « traduit » et analysé et peut déboucher sur un contrat de progrès individuel réaliste (c’est à dire à la portée de chaque élève). Il va engager toutes les parties, dont les parents. Cet enseignant joue alors un rôle de référent unique sécurisant pour de nombreux parents.
– Le suivi de ce contrat fait l’objet ensuite de contacts réguliers, coordonnés par le tuteur avec, l’équipe, le ou les parents et bien sûr élève.

Observation : de nombreuses innovations en cour s’appuient sur ce type de démarche. Ce dispositif de suivi et de contrat formatif dispense avantageusement de note de vie scolaire actuellement imposée !
Il s’agit de sortir de la pratique traditionnelle et ritualisée des centaines de milliers de conseils de fin de trimestre, la même semaine, au cours desquels chaque enseignant dresse son constat sur le travail et le comportement de chaque élève dans sa discipline dont le « poids », donc la considération est variable. Le bulletin trimestriel est ensuite envoyé par la poste… un constat le plus souvent sans suite en attendant le prochain…
Le conseil se déroule traditionnellement en présence du parent délégué (parent le plus souvent d’un bon élève) gêné de ne représenter que lui-même car personne ne l’a contacté, mais aussi de 2 élèves délégués, écrasés par leur charge devant tant d’adultes, attendant avec anxiété l’examen de leur cas et se contentant de prendre des notes pour ne pas trop s’exposer !
Il s’agit de sortir aussi de la traditionnelle rencontre parents-professeurs (le « confessionnal » selon nla formule courante) où quelques parents plus motivés et disponibles vont rencontrer tour à tour chacun des enseignants. Ces derniers se désespérant de ne pas voir… ceux qui le nécessiteraient !

Et les autres niveaux de classes ?

La démarche pédagogique globale est la même mais les effectifs de classes sont plus importants pour compenser la priorité accordée aux classes de 6 ème. Toutes les classes bénéficient de l’approche interdisciplinaire de l’apprentissage par projet de type travaux croisés, par demi-journée. Une attention particulière est apportée à l’autre classe de transition du collège que constitue la 3 ème afin de préparer progressivement une orientation positive. Un programme d’activités est alors proposé sur le second semestre pour construire individuellement cette orientation.

La question des expérimentations

Une unité pédagogique plus autonome est envisagée pour intégrer progressivement des élèves à besoins particuliers : les élèves phobiques. En effet, jusqu’alors, on a pu voir se développer des spécificités d’établissement autour de projets thématiques : mer, montagne, développement durable, nouvelles technologies, classes européènnes, musicales, sportives etc. Aujourd’hui, la question de la prise en charge et de l’intégration des publics à « besoins particuliers », dans l’école de la république, semble se concrétiser. On peut citer : les élèves primo-arrivants, les enfants et adolescents hospitalisés, les élèves décrocheurs, les élèves intellectuellement précoces (E.I.P.), plus globalement les dispositifs d’accueil et d’intégration des élèves handicapés, les sportifs et artistes de haut et très haut niveau, etc.
Observation : une trentaine de structures expérimentales ont été validées par le Ministre J. Lang en 2000. La plupart travaillent avec des chercheurs. Certaines sont aujourd’hui pérennes d’autres..malgré des résultats remarquables ont été « normalisées » par l’institution car jugées trop dérangeantes pour « l’existan », jamais évalué.
Il faut rendre hommage à l’expérimentation du Cesaam d’Antibes avec ses 2 structures pour les sportifs et les danseurs de très haut niveau, aujourd’hui disparu… malgré le soutien affiché de Jack. Lang et des parents.

Ces structures doivent bénéficier de franchises et s’organiser sous forme de minicollèges ou micro- lyceés.
Elles participent ainsi à l’identité de leur établissement de rattachement.

B. Quelle plus value pour cette nouvelle organisation pédagogique ?

Quelques repères positifs pour notre Utopie

Dans cet établissement, les résultats scolaires ont progressé (Brevet des collèges) et le suivi de l’année après le collège montre que l’orientation a été positive avec le niveau scolaire adapté (très peu de redoublements et de réorientations). Peu d’absences et de turn over de la part des élèves et des enseignants. Les « fuites » vers l’enseignement privé notamment après l’enseignement primaire ont diminué fortement ainsi que le recours aux cours particuliers . Il n’y a pas de violence dans cet établissement et très peu d’incivilités. Cet établissement ne fait pas appel à la police. Les élèves semblent respecter leur établissement (pas de graffitis, etc.). L’école de l’intégration avec ses classes hétérogènes fonctionne (pas de manifestations hostiles…) mais de la solidarité se manifeste et les bons élèves y trouvent leur compte ainsi que leurs parents.
L’établissement fait parler de lui dans les médias locaux à travers ses réussites… et non les faits divers !
Les activités péri-éducatives et l’aide au travail personnel sont très demandés. Des relations de qualité et de confiance se sont construites entre tous les acteurs, les « engrenages fonctionnent bien » : professeurs professeurs, professeurs-élèves, professeurs-administration, professeurs-parents, élèves-élèves. Les reproches mutuels ont disparu, les échanges sont constructifs et le respect se manifeste, le respect des rôles de chacun est la règle.
De multiples micro-projets s’organisent par l’échange (le plus souvent des binômes qui peuvent essaimer). Une identité culturelle et un climat d’établissement s’affirment. De nombreux enseignants s’engagent dans des responsabilités : tutorat de jeunes enseignants, poursuites d’études, formation continue et initiale, personnel de direction, inspection.
Les professeurs ne se définissent plus à travers leur fonction et leur discipline : « je suis prof. de… » mais à travers leur appartenance : je suis enseignant au collège de… !

C – Une utopie concrète et réaliste ? À quelles conditions ?

Nous avons vu que pour produire des pédagogies de la réussite la clé de voûte du changement repose sur une nouvelle organisation du travail, des carrières des enseignants, du système des nominations. Le travailler autrement permet, encourage un enseigner autrement. Les enseignants toujours experts dans leur discipline avec son champ culturel, deviennent davantage des professionnels de l’apprentissage. Nous avons tous été témoins de l’échec de multiples réformes (ou réformettes) prescrites par l’institution. Cette conception gestionnaire du changement, autoritaire et descendante ne marche pas… Cela se sait… mais le cycle recommence régulièrement. A l’opposé notre approche du changement vise à créer du processus (individuel et collectif) à partir de l’initiative à la base.
L’échec se solde alors par un constat désabusé, bien connu : « on ne change pas l’école sans les enseignants ».

Notre parti pris a été de mettre les enseignants au centre du changement pour le plus grand bénéfice des élèves, de rentrer dans ce changement par la réalité du terrain avec des propositions concrètes, testées partiellement içi et là. Nous les avons rassemblées dans un système vivant avec des acteurs impliqués.
Ces propositions prennent en compte les besoins fondamentaux de la mobilisation de toute personne : le besoin de sécurité et d’appartenance, le sentiment de compétence et d’accomplissement, le besoin de cohérence entre ce que je pense et ce que je fais. Il s’agit bien là des fondements d’une motivation intrinsèque qui ne se réduit à celle bien connue de la carotte et du bâton. Elles mettent en oeuvre des valeurs affichées : de respect, d’égalité des chances, de solidarité, de coopération, d’éducabilité… fondatrices du service public d’éducation. L’initiative et la responsabilité, au service de ces valeurs, prennent elles aussi un statut de valeur éducative. Valeurs qui n’appartiennent pas à un bord politique.

Ces propositions sont t-elles recevables ?
Elles prennent corps autour d’une conviction profonde : la défense de l’école de la république et donc de l’intégration, au plus près de la réalité du « terrain » et des savoirs de la pratique. Nous avons eu le souci de proposer une vue globale. L’école est un bien commun qui appartient à tous les français. Chacun a son avis et ses solutions pour son école idéale… mais tous veulent qu’elle soit plus efficace !
Les médias se nourrissent de ses dysfonctionnements bien réels et entretiennent un climat de dénigrement… très mal vécu par les enseignants qui se sentent piégés et injustement culpabilisés.
S’agissant de la nécessité du changement, dans cette institution comme ailleurs, elle est partagée par tous mais selon la formule bien connue 100 % des français veulent le changement… mais 99 % pensent que cela concerne le voisin. Pour en sortir, il faut donc que que chacun accepte de faire un pas en avant, avec de
la visibilité, dans une démarche gagnant/gagnant.

Je soumets donc cette contribution, qui me semble équilibrée, à la critique argumentée et étayée.
Chaque catégorie d’acteurs la lira avec une question clé en tête : « qu’est-ce que j’y gagne, qu’est-ce que j’y perds? Cela concerne les politiques, l’institution telle quelle est, les enseignants, les élèves, les parents, les collectivités territoriales, les syndicats.
On connaît déjà beaucoup de réponses de « type réflexe pavlovien ». Il nous semble indispensable de faire le pas de côté nécessaire pour avancer ensemble. L’enjeu serait que les enseignants se saisissent de l’idée d’initier une démarche pour définir leur école de demain…
S’agissant de la question des moyens, nous avons montré que notre établissement propose de faire vivre plus d’apprentissage et de réussite avec moins d’heures d’enseignement. La question des moyens devient davantage une question de choix prioritaires au plus près des besoins et de bonne gestion que d’augmentation.
Notre entrée par « l’établissement réél » est celle des valeurs, de l’organisation, du management et des ressources humaines. En application du principe de subsidiarité, d’importantes réformes s’imposent à tous les étages de l’institution pour faire vivre les unités de base que sont les établissements (le bassin, le département, le rectorat, le ministère).

Quel est le niveau pertinent pour garantir l’efficacité en partant du terrain, de l’établissement ?
Beaucoup de développements seraient indispensables sur ce sujet, nous retiendrons :
– La structuration juridique de l’indispensable niveau de coordination du bassin de formation.
– La révolution du pilotage, du management et des ressources humaines pour le rectorat… débordé par les tâches de gestion des grands nombres ! et donc naturellement poussé à toujours fabriquer plus de normes pour traquer les risques de singularité !
– Le consensus politique et la durée pour les politiques éducatives et le Ministère au delà des changements multipes des Ministres et des Recteurs.

Nous nous sommes centrés volontairement sur le collège, école moyenne, mais ce nouveau fonctionnement interpelle bien sûr en amont et en aval l’école et le lycée avec la même problématique globale et des questions spécifiques. Utopia écoles, lycée général, Lycée technologique et professionnel restent à imaginer par des acteurs de terrain impliqués.
S’agissant de l’école, une question majeure doit être selon nous résolue si l’on veut que les élèves réussissent une scolarité, y compris dans notre « collège idéal ». On sait, depuis qu’existe le collège unique, que le pronostic dès le niveau du CP, d’aller au delà de la classe de 3ème est scellé par les statistiques en fonction de l’appartenance culturelle des enfants. Alors pourquoi ne pas mettre une priorité absolue en maternelle sur l’apprentissage langagier en multipliant les intervenants adultes, dans la continuité du taux d’encadrement des structures de la petite enfance, et de permettre enfin de compenser les milliers d’interactions langagières indispensables qui font défaut à certains (des mots sur des objets, des petites phases sur des actions, etc.). Un oral
suffisamment riche pour installer « normalement » la lecture et l’écriture ensuite. On sait qu’après, la machine école avec ses rythmes ne sait pas rattraper et que le tri est en marche. Qui n’a pas entendu dans un conseil de classe l’alerte d’un enseignant sur l’accélération des programmes : de la matenelle au CP, du cycle 2 au cycle 3, le fameux passage en 6 ème, la rupture de la 4ème… et les nouvelles accélérations dans le second cycle.
A ce niveau critique, la maternelle, la question des moyens est décisive.

Observation : l’expérimentation en cours avec le seul maître surnuméraire au CP est très insuffisante… Face à cette question décisive que penser de l’imposition de la bonne méthode de lecture, de calcul ou de grammaire ?

S’agissant du lycée général, professionnel ou technologique la question de la réussite de la première année est essentielle, comme en 6 ème, pour installer les élèves dans leur « nouveau métier de lycéen » avec les conditions requises pour réussir. La question des effectifs par classe ainsi que la quantité d’heures d’enseignement sont des obstacles et ne conduisent pas, chacun le sait, à de meilleures performances que nos voisins Européens.

Observation : l’enquête européenne PISA[[L’Enquête PISA donne tous les 3 ans les chiffres clés concernant l’éducation en Europe et en particulier les niveaux d’apprentissages atteint à 18 ans dans différentes disciplines. Dernière enquête 2005.]] sur la comparaison des systèmes éducatifs montre que notre lycée propose les horaires et les programmes les plus lourds sans que les performances nous classent dans le peloton de tête. Alors on peut penser que moins de quantitatif et plus de pédagogie pour acquérir des savoirs « durables » c’est possible !

CONCLUSION

Réformer l’école avec les enseignants pour libérer les « énergies scolaires »et défendre la cause des élèves.
Un grand débat politique s’impose, à nouveau sur l’école. Ce débat doit placer, selon nous, l’enseignant et sa capacité d’initiative au coeur du changement.
Nous pensons, en effet que l’organisation actuelle bride un formidable potentiel de compétences et d’initiatives… et que les enseignants ne peuvent développer leur métier d’ingénieur-concepteur de pédagogie comme leur niveau de formation l’exigerait.
Pour nous, le coeur du changement touche à l’organisation du travail et des carrières dans une logique de valorisation de la ressource humaine avec un management nouveau. Il s’agit donc de réformes structurelles et non conjoncturelles.

Rendons un hommage particulier à Louis Legrand qui a su lancer en 1982, à la demande d’A. Savary, un grand débat dans tous les établissements scolaires. Ses propositions de synthèse débouchaient sur une nouvelle organisation du travail des enseignants (16 plus 6) et de l’établissement (unités pédagogiques autonomes). Malheureusement elles ne seront pas reprises par le politique. 25 ans plus tard, nous avons la conviction que l’école aurait beaucoup progressé et notamment le collège unique si ses préconisations avaient été mise en oeuvre. Combien de centaines de milliers d’élèves mieux formés, mieux orientés ? Quelle plus-value gâchée pour la France ?
Notre projet veut s’inscrire dans l’héritage de L. Legrand en intégrant de nouvelles données et avec le souci que le pas en avant soit acceptable pour une majorité d’enseignants.

A l’heure où des classes d’âges nombreuses partent à la retraite l’école ne doit pas rater ce rendez vous avec son avenir.

Bernard Jardel, Académie de Grenoble.

Post-scriptum : remerciements pour la lecture de ce texte insuffisant, trop long et technique et en même temps insuffisamment développé et référencé…
Pour approfondir cette thématique nous renvoyons à nos écrits dans :
– Le n° thématique de la revue française de pédagogie N° 115 sur les collèges. Article : « 10 ans de changement au collège : le point de vue des formateurs. De la nécessité d’une théorie et d’une pratique de l’enseignant acteur ». 1996.
– Aux actes du colloque de l’Académie de Grenoble : « l’établissement,l’innovation et le changement ». Rectorat 1997. Dir A. Borredon et B. Jardel

C’était ma petite vaguelette pour contribuer à un débat… que je trouve indispensable sur l’avenir de l’école de la république en cette période électorale.
Merci pour vos critiques étayées par des données… objectives.