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Une technologie au service de la pédagogie en lycée professionnel

Il y a bien évidemment, dans ce socle commun, de nombreuses compétences transversales : les savoir-être communs et surtout la maîtrise de la langue française, indispensable viatique à toute communication quelle que soit la discipline abordée.

Mais il y a aussi l’utilisation des nouvelles technologies matérialisée par des objets : ordinateurs, scanners, imprimantes, webcams, appareils numériques, dont la liste ne cesse de se rallonger et qui véhiculent une forte image de technologie et de progrès. Ces objets se démocratisent, se banalisent tant par leur coût que par leur utilisation, aussi bien professionnelle que de loisirs et leur localisation : chambre, bureau, salle de classe… Ils ont acquis le statut d’objets du quotidien nécessitant pour leur fonctionnement autant une culture technologique qu’intuitive. C’est en partie pour cela que ces « serviteurs muets » deviennent un fil d’Ariane concret pour les élèves, utilisant dans chaque discipline les mêmes codes et procédures informatiques standardisés.

De l’enseignement professionnel vers l’enseignement général

À la fois obligatoire dans certains enseignements industriels (CAO, DAO ou PréAO : conception, dessin ou présentation assistés par ordinateur) et dans le domaine tertiaire (utilisation de traitement de texte, tableur, base de données, etc.), tous ces savoir-faire sont validés aux examens depuis le CAP jusqu’au baccalauréat professionnel suivant les sections. Les référentiels de ces disciplines intègrent l’utilisation et la maîtrise de ces outils par les élèves. Cette obligation de l’utilisation des outils informatiques tant par les élèves que les enseignants des disciplines professionnelles, ainsi que la présence de salles informatiques en nombre significatif, a créé un terreau propice au développement de l’utilisation des nouvelles technologies également en enseignement général dans les lycées professionnels.
Cette pratique, tant pluridisciplinaire que d’utilisation de l’outil informatique, s’est tout naturellement développée et enrichie, dans la mise en place en lycée professionnel, depuis plusieurs années, des PPCP (Projet Pluridisciplinaire à Caractère Professionnel), liant ainsi encore plus étroitement enseignement professionnel et général.

De même que les compétences de lecture et d’écriture sont indispensables aux enseignements professionnels, il s’est opéré une boucle par le biais des nouvelles technologies puisque les compétences acquises dans ces mêmes enseignements professionnels par la maîtrise et la compréhension des outils informatiques sont devenus indispensables dans les pratiques des enseignements généraux.

  • Le travail en équipe

En enseignement professionnel, il est fréquent que les enseignants travaillent en binôme, ce qui, dans certaines sections est une obligation officielle. Là aussi l’outil informatique a constitué un élément facilitateur majeur dans l’évolution des pratiques. Les configurations informatiques en réseau au sein des établissements permettent à chaque élève ou enseignant d’avoir son espace personnel de données, d’y avoir accès de n’importe quel poste, de pouvoir partager ces données suivant des modalités diverses (lecture, écriture, accès restreint, etc.). Les messageries personnelles, les sites internet ou intranet des établissements venant enrichir ce panel. Ainsi le partage, l’échange de données peuvent se faire indépendamment des contraintes de lieu et de temps

  • La communication en temps réel

Dans le domaine tertiaire, on voit se développer peu à peu l’échange par courriel entre les élèves en stage et leur enseignant du domaine professionnel, ce qui permet d’avoir l’information en temps réel sur ce qui se passe en entreprise, le suivi des dossiers à réaliser en stage, etc. On pallie ainsi l’éloignement et les contraintes horaires de chacun. La rédaction de courriers, la consultation de bases de données, la saisie de formulaires électroniques, la recherche documentaire par internet, font partie du référentiel tertiaire. Ils s’effectuent de plus en plus non pas comme de simples exercices mais bien comme une part active de la recherche des stages et de relations entretenues avec le monde du travail.

  • La place de l’erreur

Les outils et logiciels informatiques autorisent des tests multiples permettant d’explorer de nombreuses options, d’enregistrer des étapes intermédiaires, de valider un choix que l’on peut néanmoins modifier ultérieurement. Ces nouvelles fonctionnalités, directement liées à la technologie informatique, offrent, lorsqu’elles sont maîtrisées, des potentialités très intéressantes permettant parfois de contourner des savoir-faire plus traditionnels, moins maîtrisés ou trop longs dans leur mise en place. Par exemple dans le domaine industriel, vues multiples en 3D de pièces d’usinage, essais sur des contraintes de déformation, ou dans le domaine tertiaire simulation et comparaisons de taux d’amortissement, choix multicritériés dans une base de données.
L’erreur devient réversible ce qui permet de tester de multiples pistes possibles dans une qualité et un degré de rendu, de simulation ou d’exécution peu envisageables jusqu’à lors et ce dans des délais très courts. Elle perd sa connotation négative pour se transformer en variante, validée ou non.

  • Une possible inversion des rôles

Les Périodes de Formation en Entreprise, obligatoires elles-aussi, apportent un élément indispensable dans la prise en compte de cette culture informatique. En effet le maître-mot reste l’adaptabilité : au lycée professionnel les élèves ne sont pas uniquement formés à la maîtrise de procédures informatiques sur un type de logiciel précis mais sont sensibilisés à la logique intuitive de recherche à l’intérieur d’une arborescence. En entreprise, les logiciels utilisés, la nature même de l’entreprise forcent l’élève à s’adapter, à mettre en œuvre un savoir-faire de transfert de culture technologique. Il est également fréquent que dans bien des structures on assiste à un réel échange. En effet si d’un côté les tuteurs possèdent expérience et maîtrise, tous n’ont pas forcément le temps de se former sur les derniers logiciels ce que peuvent apporter certains élèves.

D’une manière plus générale, et c’est là un événement majeur de la culture informatique : le savoir n’est pas uniquement transmis des adultes vers les jeunes mais est souvent à double sens. La technologie électronique et informatique induit une utilisation des objets de plus en plus par menus, strates, choix multiples, lectures simultanées, textes et icônes, auxquels les jeunes se familiarisent de plus en plus tôt sur un panel de plus en plus large d’objets : ordinateurs, MP3, téléphones, lecteurs DVX, etc. L’acquisition d’internet et de l’ADSL par de plus en plus de foyers, la pratique et la maîtrise des outils informatiques en milieu scolaire de plus en plus répandue et de plus en plus jeune fait que le niveau de maîtrise augmente. Ainsi ce que je faisais, parfois avec grande difficulté pour certains élèves il y a 6 ans en milieu d’année scolaire de terminale baccalauréat professionnel se fait tout naturellement pour la plupart d’entre eux, en début d’année en seconde CAP d’insertion aujourd’hui.

Deux exemples concrets parmi les élèves que je suis en Période de Formation en Entreprise. Un élève de terminale BEP Vente Action Marchande a mis en application les compétences travaillées en arts appliqués en réalisant informatiquement tout l’étiquetage promotionnel pour le magasin au sein duquel il effectue son stage, ce qui n’avait pas été fait jusque-là. Cette maîtrise avérée, son tuteur en entreprise lui a permis de mettre à jour et d’améliorer leur site web professionnel.
Dans deux stages différents, deux autres élèves de terminale baccalauréat professionnel comptabilité ont fait découvrir à leurs tuteurs respectifs, des fonctionnalités avancées et l’utilisation de certains raccourcis clavier sur des logiciels de traitement de texte. Dans ces différents exemples les élèves saisissent, par ces actes concrets, le lien constant qui existe, en lycée professionnel, entre les savoirs de l’école et ceux de l’entreprise. Je constate régulièrement cela en arts appliqués lors de l’utilisation des outils informatiques. Il y a entre les élèves les plus pointus et moi-même, un réel échange de savoirs à parts égales. On entre là dans un « partenariat professionnel » qui entraîne, de facto, la modification de la perception de l’image de l’autre ce qui est souvent primordial pour certains élèves dans leur propre construction de l’estime de soi.

Patrick Perrier, Professeur d’arts appliqués au lycée professionnel Camille Claudel de Soissons (Académie d’Amiens).