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Une question encore et toujours d’actualité

La parité est en route ! N’est-on pas, plus d’un demi-siècle (cinquante-cinq ans) après que les femmes aient obtenu le droit de vote, sur le point d’instaurer la parité politique ? Qui oserait encore dire, en cette fin de xxe siècle, avec Maurice Godelier, que la nature constitue toujours un miroir truqué de la culture ? Il n’est question que d’altérité, d’égalité !

1949-1999. Il y a cinquante ans paraissait Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir. Si le succès du livre fut retentissant aux États-Unis, il n’eut que peu d’écho dans la France d’après-guerre. Le seul commentaire qui passa à la postérité fut la lettre, pleine de délicatesse, que François Mauriac adressa à un collaborateur des Temps Modernes :  » J’ai tout appris sur le vagin de votre patronne !  » Il faudra attendre 1970 et le Mouvement pour la libération des femmes, tellement gaussé par les hommes, pour que la phrase  » on ne naît pas femme, on le devient  » symbolise la parité en marche.

Mais sur le terrain, quelle est la réalité concrète ? Quels sont les faits tangibles, journaliers qui prouvent ou infirment, que par exemple, dans le contexte scolaire, la mixité qui s’est progressivement généralisée à partir de l’année 1960, veut dire égalité ? Cette mixité formelle et institutionnelle, signifie-t-elle réellement égalité des chances pour les élèves et enseignants des deux sexes ? Ou bien, après avoir été victimes de l’exclusion du savoir, filles et femmes seraient-elles victimes de ce que Geneviève Froisse, appelle une discrimination ? Car ne l’oublions pas, les statistiques publiées par le ministère de l’Éducation nationale, démontrent que les filles continuent à investir massivement les filières traditionnellement féminines (éduquer et soigner), même si celles-ci ne sont pas susceptibles de leur permettre une insertion professionnelle. Pourtant, tout un faisceau d’actions se conjuguent pour permettre aux enfants des deux sexes l’accès à tous les concours de toutes les écoles (y compris militaires).

Face à ces rapports sexués au savoir et à l’auto-exclusion des filles, il semble pertinent de s’interroger sur les effets induits de la mixité scolaire. Mixité qui dans plusieurs pays anglo-saxons est d’ailleurs remise en question.

La construction socio-identitaire sexuée des individus s’élabore à partir des normes, des valeurs, des contraintes sociales. Cette construction identitaire n’est pas une action solitaire, mais c’est une interaction qui met le sujet en relation avec d’autres sujets. Nous touchons ici la théorie fondamentale de l’uvre de Norbert Elias, celle du double lien individu/société. Les modèles parentaux journaliers participent à cette construction, mais également l’école à partir des modèles qu’elle propose. Il faut réfléchir aux interactions qui se produisent dans la classe : les enseignants ont-ils implicitement des attitudes, des attentes différentes vis-à-vis des garçons et des filles ? Quelles images, les manuels scolaires véhiculent-ils ? etc.

À partir de ce questionnement sur la notion de genre (construction sociale et culturelle de la différence des sexes), la problématique de la prise en compte, de la variable sexe, dans le contexte scolaire, est abordée dans ce numéro des Cahiers pédagogiques vingt ans après le premier dossier consacré aux  » Filles et Femmes à l’école « . Nous réactivons le débat, à partir de trois axes de réflexion :
– Quelle est la place des femmes dans le contexte scolaire ?
– Quel est le rôle des femmes dans l’enseignement ?
– Quels sont les supports de travail dans le contexte scolaire ?

Aujourd’hui, il est tout à fait d’actualité, de faire le point sur la mise en place effective de la parité, à partir :
– D’une part, d’un apport théorique de la part des sociologues de l’éducation. Avec des articles signés : Marlaine Cacouault, Anne-Marie Drouin, Marie Duru-Bellat, Marie-Françoise Fave-Bonnet, Nicole Mosconi [[Une nette prédominance féminine ; on remarquera que dans ce numéro, c’est la partie théorique qui est le moins mixte, ce qui n’est pas tout à fait habituel ! [N.D.L.R.].]].
– D’autre part, d’expériences concrètes de terrain : à partir des témoignages d’enseignant (e) s de toutes disciplines, de tous niveaux, sans oublier ceux d’élèves ou… d’anciens élèves…

Pas plus que la question des filles et femmes à l’école n’est réglée (quoique certains disent parfois), le débat n’est pas clos. Et pour les années à venir, il faudra bien notamment que les futurs enseignants soient sensibilisés au problème, que les problèmes d’orientation soient revus pour ce qui concerne la division garçons/filles. Il faudra bien tout cela et d’autres choses encore pour que ce  » plafond de verre  » dont parlent les sociologues américaines, soit enfin brisé…

Jacqueline Fontaine, Université de Rennes 2, sciences de l’éducation.