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D’où vient l’organisation des établissements secondaires français ? L’importance attachée à la discipline et les dénominations employées (surveillant général, surveillant d’externat et maître d’internat) trahissent les origines militaires d’un personnel historiquement dévoué au maintien de l’ordre qui a donné naissance au lycée caserne.
le 10 juin 2003
Les « bonnes pratiques » ou « modèles » de réussite en éducation sont-elles transférables d’une culture à l’autre,d’une société à l’autre ?Le concept lui même peu cerné reste dépendant du relativisme des définitions que l’on en donne.A quoi tiennent les résistances aux « meilleures des pratiques possibles » ?
le 9 juin 2003Le sous-titre du livre en donne la clé : L’éducation nouvelle au quotidien. L’éducation nouvelle, ce n’est pas seulement la classe, ni l’école primaire, ce peut être aussi l’établissement, le lycée. Ce livre alerte montre le proviseur qu’était M. Mazalto confronté à toute une série de situations, classiques ou inédites, un incendie, une grève de lycéens, une élève anorexique, des problèmes affectifs et sexuels, des rapports bloqués entre une élève et son père, etc. Situations difficiles, qui mettent à l‘épreuve les principes. Pas de solutions toutes faites, mais le souci de travailler en équipe au lieu de laisser des intervenants spécialisés découper l’élève en tranches, le souci d’écouter la parole de l‘élève, de dissiper le malentendu qui pèse souvent sur la fonction de délégué-élève. Il faut lever le tabou qui écarte le chef d’établissement de la sphère pédagogique. Le « contrat élève-assistance » - un jeune adulte référent encadre cinq à sept élèves de la même classe, volontaires, pour les aider à dominer leur travail, à trouver aide méthodologique et soutien psychologique si nécessaire - fait tomber spectaculairement le nombre des redoublements.
Certaines des idées de l’éducation nouvelle sont reprises dans le Protocole d’accord relatif aux personnels de direction (B.O. spécial du 03.01.2002) ? Vive la récupération. Jacques Demeulier, directeur des Ceméa dont M. Mazalto est un militant, parle dans sa préface d’un « rationalisme appliqué, conduisant même à une poétique de la direction ». Les deux dimensions éclairent ce livre suggestif, et la pratique du métier de chef d’établissement.
Jacques George
Mais pourquoi donc la psychanalyse constitue-t-elle une référence forte et relativement présente aujourd’hui dans le monde de la pédagogie ?
Parce qu’à durcir ses représentations de l’élève comme sujet épistémique, la didactique oublie qu’apprendre et se socialiser ça ne se passe pas en laboratoire, mais au sein d’un tissu de relations conscientes et inconscientes ?
Parce que la sociologie, à se centrer essentiellement sur la réalité, omet la dimension symbolique que revêt toute activité humaine ?
Parce que la philosophie et sa fille, la réflexion éthique, posent des questions qui trouvent des éléments de réponse dans une manière d’être à autrui pour laquelle la psychanalyse peut apporter des éclairages ?
Ou plus simplement parce que la société en général redécouvre que comprendre le jeu des relations entre personnes conduit à interroger les mécanismes de transfert, de contre-transfert, de projection que nombre de revues aujourd’hui vulgarisent ? Pour toutes ces raisons à la fois et parce qu’il existe aujourd’hui des équipes de recherche en sciences de l’éducation reconnues, par les enseignants de terrain, pour leurs éclairages des problèmes rencontrés sur le terrain des questions d’apprentissage, d’enseignement, de formation, cet ouvrage est le bienvenu.
Plus encore, il est opportun et heureux car il permet de retrouver sous le même toit des auteurs de référence dans le domaine de la psychanalyse et de son usage pour la chose éducative. Dans l’ordre des articles : J.-C. Filloux (« Psychanalyse et pédagogie »), D. Quef (« Propos sur autorité et pouvoir dans la relation éducative »), J. Natanson (« Le désir d’enseigner : entre savoir et pouvoir »), C. Blanchard-Laville (« Plaisirs et souffrances des enseignants »), M. Natanson (« Il fait moins noir quand quelqu’un parle »), J. Lévine (« Le refus d’oublier »), F. Hatchuel, C. Blanchard-Laville (« Le rapport au savoir. Point de vue psychanalytique »), A. Cordié (« L’échec scolaire dans sa dimension individuelle »), J. Moll (« Les phénomènes de groupe et leur influence sur les apprentissages »), J. Pain (« De l’entre deux à l’entre lieux, la vie analytique du CPE »), F. Sala (« Éducation, management et psychanalyse : des liaisons heureuses »), B. Pechberty (« L’inconscient de l’établissement scolaire »), F. Imbert (« Imaginaire et symbolique. Repères pour les enseignants »), M. Cifali (« Travail de notre subjectivité, pour une dignité des actes »). F. Clerc en post-face évoque pédagogie et éducation : « Le retour de Laïos ». Le tout est coordonné par A. Picquenot.
Michel Develay
le 6 juin 2003Ce livre stimulant rappelle que la réflexion sur le système éducatif ne peut se dispenser, sauf angélisme certes plus confortable, de prendre en considération le coût de toutes les mesures souhaitables, et de se demander si l’on obtient bien des ressources mobilisées la plus grande efficacité possible. Une recherche de 1992 montrait qu’une scolarisation précoce en maternelle, à deux ans, entraîne une progression plus rapide des enfants, non pas au CP mais au CE, et supérieure, pour un même coût supplémentaire, à celle qui résulterait d’une réduction de cinq élèves du nombre d’élèves par classe primaire : il y a là un choix à faire. Mais en sachant que cette scolarisation précoce n’a pas par elle-même d’influence sur les différences d’origine sociale entre les enfants et que son avantage disparaîtrait peut-être si l’entrée à deux ans était généralisée, avec la constitution de classes d’âge homogène.
Travailler sur le rapport coût-efficacité n’est pas, comme certains le disent trop vite, sacrifier au libéralisme et faire rentrer l’éducation dans l’économie de marché : même si l’enseignement est à financement public, et, souhaitons-nous, doit le rester, ses besoins se heurtent à d’autres besoins, logement, emploi, santé, etc. Les Cahiers l’avaient relevé en 1978 (n° 160) en posant des « Questions à (la) gauche », toujours valables.
Une bonne partie du livre est consacrée aux définitions, concepts, méthodes, indicateurs utilisés, mais en notant que « l’analyse économique standard souffre de deux défauts. D’une part, elle est dans l’incapacité de préciser quel devrait être le partage optimum entre diverses sources de financement dans une situation donnée, en particulier en raison du fait qu’une partie des avantages de l’éducation sont difficiles à mesurer et incertains parce que futurs. D’autre part, en raisonnant uniquement en termes d’investissement, elle néglige les problèmes d’équité qui devraient pourtant être au cœur de la réflexion sur l’éducation ». C’est sur la perspective assignée à l’efficacité (quelles priorités, y compris budgétaires, à l’égalité des chances et à la lutte contre l’échec scolaire ?) que le débat doit porter, et non sur le principe de recherche de l’efficacité.
Seulement quelques éléments. La relation entre coût et efficacité est loin d’être automatique. Dans les facteurs de progrès d’une classe, ce sont les caractéristiques personnelles des élèves (et leur niveau initial) qui pèsent le plus, mais, à côté, un « effet-maître », « mesure indirecte de l’efficacité pédagogique personnelle des enseignants » l’emporte de beaucoup sur la taille, le niveau et l’hétérogénéité des classes, le niveau de formation et l’ancienneté des enseignants. Dans la mesure où l’essentiel des coûts d’un établissement n’est pas supporté par son budget propre (les traitements relèvent de l’État, les installations des collectivités locales), il y a une tendance à ne pas tenir compte du coût induit par ses décisions d’organisation, par exemple les redoublements.
Le livre fournit beaucoup de données sur différents pays et sur les comparaisons de résultats. L’efficacité d’un système d’éducation n’est pas directement liée au nombre d’années de scolarité ni à la dépense nationale pour l’éducation. Pour les temps qui viennent, sans doute faut-il miser davantage sur le continuum entre formation initiale, formation continue et auto-formation ; « ceci implique bien sûr que la formation initiale apprenne de plus en plus à apprendre ». On s’aperçoit maintenant que le lien entre éducation et croissance n’est pas automatique (déjà, le développement de l’école primaire obligatoire était postérieur à la révolution industrielle) et que le modèle occidental n’est pas le seul possible.
Ce livre convaincra que l’enseignement aussi demande une analyse économique ; là où la revendication de plus de moyens s’impose, elle gagne en force de conviction si elle s’appuie aussi sur une argumentation en termes d’efficacité.
Jacques George
Ce livre nous propose une entrée dans l’œuvre de René Lourau (1933-2000), sociologue, professeur en sciences de l’éducation et en sciences politiques, fondateur avec Georges Lapassade de l’Analyse institutionnelle. Œuvre parfois ardue ou déroutante elle fournit cependant les indispensables questionnements à élaborer pour ceux que l’immersion dans l’institution Éducation nationale interroge.
En effet, très critique à l’égard de l’École dite « traditionnelle », René Lourau, fonde en 1964, avec d’autres (l’instituteur Raymond Fonvieille, les chercheurs Georges Lapassade et Michel Lobrot...), le Groupe de pédagogie institutionnelle qui se réfère à Rousseau, s’inspire de Freinet et pratique la pédagogie autogestionnaire. Il expliquait déjà en 1965, étant professeur de lettres au lycée technique Dorian à Paris, dans un article du numéro 55 des Cahiers pédagogiques, « Une expérience de pédagogie institutionnelle », comment il fallait replacer la pédagogie dans son contexte social. Ainsi, écrivait-il : « Le milieu social éducatif est constitué par deux organisations apparemment distinctes mais en réalité étroitement imbriquées : l’institution externe, domaine des adultes, des règlements, des programmes, des administrateurs, des pédagogues ; et l’institution interne, domaine du travail scolaire, lieu de l’éducation proprement dite, où se rencontrent les enseignants et les enseignés, autrement dit : la classe. »
Enraciné dans cette pratique d’enseignant au lycée, puis à l’université, son parcours de chercheur restera centré sur l’analyse de l’institution qui doit prendre en compte ce qui la traverse même inconsciemment : le politique, l’économique, le culturel... Parti de l’école, il travaillera le concept d’institution dans d’autres domaines : l’entreprise, l’Église, le syndicalisme..., et élaborera une pratique d’intervention : la socianalyse. Tout au long de son œuvre il gardera présent à l’esprit que toute recherche, comme tout enseignement, ne peut se faire qu’en analysant les différentes implications dans lesquelles chacun est plongé, faisant de la notion d’implication un concept essentiel, précurseur de nos « analyses de pratiques » plus récentes.
L’ouvrage, sous la direction d’Ahmed Lamihi et Gilles Monceau, présente les 19 livres publiés par René Lourau entre 1969 et 1997. L’ensemble est riche, comme l’œuvre elle-même, les 19 auteurs de ce collectif (enseignants, chercheurs) ayant travaillé, échangé, cheminé, à un moment ou à un autre de leur parcours d’étudiant ou de professionnel, aux côtés de René Lourau. De styles variés, les articles permettent de se diriger dans l’œuvre, certains y mêlant aussi leurs propres implications, comme par exemple Bernard Elman parlant du lycée autogéré de Paris ou Bernard Defrance de ses cours de philosophie ; d’autres encore prolongent une réflexion propre à partir du livre qu’ils présentent.
Ce livre est donc à la fois un hommage rendu au chercheur et une continuité donnée à son travail, mais surtout il est une invitation à l’adresse de nouveaux étudiants et/ou praticiens désireux de rencontrer ces écrits afin d’approfondir leur réflexion sur leurs pratiques.
Claudine Baylion
Chacun se croit autorisé à émettre des avis sur l’apprentissage de la lecture, de fustiger la « méthode globale » ou de vouer aux gémonies les ennemis de l’innovation... et à produire des ouvrages qui ne sont en fin de compte que des rationalisations de préjugés. Le livre de Jean Ecalle et Annie Magnan adopte une tout autre approche. Deux spécialistes de la psychologie cognitive du développement y passent en revue avec rigueur des recherches récentes sur l’apprentissage de la lecture, les unes expérimentales, d’autres conduites en contexte scolaire. Ils apportent ainsi des éclairages sur des questions aussi controversées et importantes que le développement des habiletés phonologiques et leurs liens avec la lecture, le développement des processus de reconnaissance des mots écrits, les prédicteurs de réussite en lecture-écriture, lecture et surdité, les effets des méthodes, les effets des contextes et des représentations enfantines de la lecture...
Ce livre de référence est à consulter plutôt qu’à lire linéairement ; un index y aide. Autant dire qu’il serait impossible d’en résumer le contenu, car son intérêt tient à la précision des synthèses de recherches qui y sont présentées. On peut cependant y repérer quelques fils rouges.
Les travaux disponibles montrent le rôle central des habiletés phonologiques en lecture, qu’il s’agisse de compréhension ou de reconnaissance de mots. Mais les modèles théoriques d’inspiration connexionniste - ceux qui rendent le mieux compte actuellement de l’ensemble des données - n’opposent pas voie directe (c’est-à-dire l’accès direct au sens d’un mot dans le lexique mental du lecteur) et voie indirecte (c’est-à-dire l’assemblage phonologique). Ils insistent au contraire sur l’interactivité de divers processus et sur l’activation simultanée d’informations phonologiques, orthographiques et sémantiques dans la reconnaissance des mots écrits. Ainsi, affirment les auteurs dans leur conclusion, le débat entre les approches idéo-visuelle et phonique paraît désuet et dénué de tout fondement théorique. Les recherches centrées sur les effets respectifs d’une méthode phonique et d’une méthode idéo-visuelle sur diverses compétences liées à la lecture-écriture ne fournissent d’ailleurs pas de résultats tranchés.
Un autre fil concerne la nécessaire rencontre de recherches venues d’horizons disciplinaires divers. Les connaissances antérieures des enfants jouent en effet un rôle majeur dans l’apprentissage. D’où l’importance par exemple du contexte familial et éducatif et de « l’exposition à l’écrit ». Certains modèles théoriques exposés dans l’ouvrage mettent l’accent sur l’analogie et donc sur le rôle des traitements implicites. Il est donc extrêmement probable que tous les enfants ne s’y prennent pas de la même manière pour apprendre à lire et qu’il ne peut pas y avoir une seule méthode adaptée à tous les élèves.
Signalons aussi la remarquable préface de Jean-Émile Gombert. Un ouvrage très utile donc, à faire figurer en plusieurs exemplaires dans toutes les bibliothèques d’IUFM...
Jacques Crinon
le 6 juin 2003
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