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Une nouvelle circulaire de mission pour les enseignants documentalistes ?

La circulaire de missions qui régit la fonction et les tâches des enseignants documentalistes date de 1986. Rappelons qu’elle a représenté pour la profession une grande avancée parce qu’elle fixait un cadre à un ensemble de tâches, parfois disparates, et un objectif prioritaire : la formation des élèves. Elle était suffisamment prospective pour avoir longtemps représenté un appui solide pour faire reconnaître comme des enseignants à part entière ceux qu’on appelait « bibliothécaires documentalistes ». Enfin, elle a été une étape vers la mise en place du Capes de documentation qui a définitivement ancré les personnels exerçant en CDI dans le corps des enseignants.

Les compétences ont évolué
Cependant, un certain nombre d’éléments la rendent aujourd’hui inopérante. Certains d’entre eux tiennent évidemment à l’apparition et à la diffusion des nouvelles technologies qui ont induit une double évolution. D’un côté, les CDI ont vu leur fonctionnement se modifier profondément, entraînant l’augmentation du niveau de compétence nécessaire à leur gestion. D’un autre côté et dans le même temps, les exigences de la société ont conduit à réévaluer le rôle et la place de la formation à l’information. Il est patent que des fonctions dévolues autrefois au bibliothécaire ou au documentaliste se sont déplacées vers l’utilisateur ; et que la capacité à s’informer est devenue une compétence exigée à tous les niveaux professionnels et nécessaire à l’exercice de la citoyenneté dans un contexte démocratique. Ainsi, l’ensemble du monde de l’information perçoit aujourd’hui la nécessité de former les utilisateurs de l’information.
Les réponses du système éducatif à ces nouvelles exigences ont été pour le moins chaotiques jusqu’à maintenant. La nouvelle loi d’orientation ne répond pas véritablement à cette nécessité. Le lien entre l’exigence de culture informationnelle au sein de la société et la présence dans les établissements scolaires d’un personnel compétent (les enseignants documentalistes) pour organiser et mettre en œuvre cette formation ne semble pas avoir été fait réellement. Des circulaires académiques paraissent ou ont paru, variant évidemment dans leur contenu et leur approche de la profession d’enseignant documentaliste. À tel point que les représentations de la profession s’en sont trouvées brouillées.
Un nouveau texte[[Selon le rapport remis par Jean-Louis Durpaire, le documentaliste devait avoir un rôle -clé dans le conseil pédagogique de chaque établissement. Celui-ci étant en grande partie vidé de son sens, on peut craindre pour la suite !]] s’impose donc aujourd’hui, qui définisse la mission des enseignants documentalistes non en termes de tâches cumulatives mais en termes de mission dans le cadre du système éducatif. La Fadben a donc accueilli favorablement le fait que se constitue enfin un groupe de travail à la demande de la Desco (Direction de l’enseignement scolaire), groupe piloté par M. Jean-Louis Durpaire[[Inspecteur général de l’Éducation nationale, auteur d’un rapport sur Les politiques documentaires des établissements scolaires. N.D.L.R : Sur le site Doc@zur de l’académie de Nice on trouve le compte rendu de sa conférence du 8 avril 2005 concernant les politiques documentaires des établissements scolaires. Adresse :
http://www.ac-nice.fr/docazur/article.php3?id_article=149]]. Elle y a porté sa contribution en faisant des propositions conformes à ses orientations qui placent la mission pédagogique au cœur de l’action des enseignants documentalistes et fixent pour objectif la formation de tous les élèves à l’information. Le groupe a travaillé rapidement et a produit un texte qui a été remis à la Desco à la fin du mois de mai.

Une culture de l’information : oui, mais comment ?
Le projet de circulaire, à l’heure où nous écrivons, n’est pas diffusé mais ses grandes lignes ont déjà été annoncées publiquement ici ou là. Il se propose de donner quatre grandes directions pour une mission principale : former tous les élèves à la maîtrise de l’information. Dans ce but l’enseignant documentaliste conseille le chef d’établissement dans l’élaboration de la politique documentaire de l’établissement, intervient directement ou indirectement pour que tous les élèves soient formés, met à disposition des ressources informationnelles, participe à l’ouverture de l’établissement.
Quel sera l’avenir véritable de cette circulaire ? Rappelons qu’une proposition de circulaire précédente n’avait finalement pas abouti… D’après les engagements de M. Patrick Gérard pris le 30 mai 2005 devant la Fadben et une intersyndicale[[M. Gérard était alors directeur de la Desco et est aujourd’hui chef de cabinet du ministre de l’Éducation nationale.]], les organisations représentatives et les associations de spécialistes devraient être consultées sur sa rédaction finale à l’automne 2005 avant une publication prévue au 1er trimestre 2006.
Cette phase de consultation est pour nous essentielle : sa durée doit être suffisamment longue pour permettre la prise en compte de tous les points de vue avec le temps nécessaire à la réflexion. D’éventuelles propositions doivent pouvoir émerger car cette nouvelle circulaire, si elle voit le jour, ne pourra être mise en œuvre sur le terrain et permettre une évolution positive que dans la mesure où elle correspond à la fois aux attentes des professionnels et à celles de la société. Par ailleurs, il nous semble que ce texte, en l’état, ne sera pas à lui seul capable de permettre cette évolution positive. Il devra être accompagné de documents annexes qui définissent d’une part les compétences du métier d’enseignant documentaliste, d’autre part les compétences informationnelles attendues des élèves aux différents niveaux de leur scolarité. Car il ne suffit, bien évidemment, pas de dire que tous les élèves doivent acquérir une culture informationnelle, il faut encore se pencher sur le comment : Qui sera chargé de cette formation ? Sur quel temps s’effectuera-t-elle ? À quel rythme ? Etc. Lorsque tous les éléments seront clarifiés, peut-être aurons-nous davantage de certitudes quant à la réalité de la mise en œuvre de cette formation ?

Isabelle Fructus, présidente de la Fadben (fédération des enseignants documentalistes de l’Éducation nationale).[ http://www.fadben.asso.fr/ ]