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Une introduction à la pensée économique en éducation

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« Explorer l’économie de l’éducation », tel est l’objectif annoncé par Éric Delamotte dans l’introduction de son ouvrage. Mais l’auteur nous propose bien plus que cela.

Sa démarche consiste à lier l’histoire de la pensée économique et celle de l’éducation, c’est ce qui fait toute l’originalité de sa recherche. Il montre qu’à chaque courant de pensée économique correspond une conception du rôle que doit jouer l’éducation dans le système et une conception de son organisation.

Trois temps
E. Delamotte met en évidence les trois temps de l’histoire de l’éducation :
– Du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle, l’éducation n’est pas au cœur des préoccupations des économistes.
Pour les classiques, fondateurs de la pensée économique moderne, l’économie commence à se construire sur la base d’une connaissance qui se veut scientifique. Le créateur de richesse, c’est l’homme et non pas la nature. On pourrait penser qu’à ce titre ils considèrent son éducation comme importante. Néanmoins pour Adam Smith les activités d’éducation sont  » une perte de substance pour la richesse nationale car c’est une perte de revenu « . Les enseignants sont considérés comme étant improductifs.
Si l’éducation commence à intéresser les économistes classiques, ce n’est donc pas pour son impact direct sur les performances économiques mais plus pour son rôle politico-social. On entre dans la modernité. L’éducation doit contribuer à la croissance en étant un facteur de paix civile et de contrôle des populations. Elle doit aussi chercher à réduire le zèle religieux et les idées dogmatiques qui pourraient nuire à l’épanouissement de la nouvelle société basée sur les lois du marché. Ce qui prime est donc la discipline de la main d’uvre plus que sa qualification.
Le courant néoclassique s’inscrit lui aussi dans cette ligne de pensée. Il milite pour une propagation de l’alphabétisation en tant qu’instrument de paix sociale. On croit que le peuple peut être convaincu par le pouvoir de la raison et par là même concourir à l’accroissement de la richesse tout en acceptant les règles du jeu du système capitaliste.

– De la deuxième moitié du XXe siècle aux années soixante-dix, le thème de l’éducation devient central dans la réflexion économique.
L’éducation est désormais reconnue comme un facteur de développement économique à part entière. Pour Alfred Marshall, l’éducation est un investissement de base. Il cite par exemple le fait que la puissance soviétique des années soixante repose sur la recherche et l’éducation. Sur le plan de la théorie économique, c’est Gary Becker qui va populariser le thème de l’éducation à travers la  » théorie du capital humain  » qui met en avant le rôle fondamental de la formation dans le processus de croissance économique.

– Les années soixante-dix et quatre-vingt voient le développement d’un courant critique du système éducatif.
Le pacte social autour de l’école est remis en cause avec la montée du chômage. Le débat se focalise autour de l’échec scolaire, du rôle du système scolaire et de ses performances.
La montée des contestations vient du fait que l’école répond à une demande sociale de plus en plus prégnante. Elle devient à la fois un objet de distinction sociale pour les consommateurs et un moyen d’intégration sur le marché du travail. Or, la capacité d’intégration par le travail est fortement érodée.

Trois questions
Ici, E. Delamotte pose les trois questions autour desquelles se focalisent les débats contemporains :
– Comment concilier une éducation de masse et l’individualisation des formations demandées par les consommateurs ?
– L’école doit-elle former des citoyens ou des travailleurs ?
– Doit-elle transmettre la culture d’une génération à l’autre ou doit-elle développer chaque individu ?

Puis, il rappelle que les critiques les plus radicales du système éducatif émanent des économistes libéraux comme F. Hayek ou M. Friedman. Leurs critiques portent sur la régulation tutélaire (centralisation et bureaucratisation), l’absence d’équité et l’absence d’efficacité. On comprendra qu’ils souhaitent que l’organisation et la gestion de l’éducation soient confiées aux initiatives privées.

Dans le dernier chapitre de son livre, E. Delamotte pose le problème du devenir de l’école dans un monde en mutation. Il met en évidence le fait que les recherches des économistes et des sociologues contemporains portent sur la capacité du système éducatif à se moderniser tant sur le plan de son management que sur le plan de sa finalité. Le débat concernant la relation école-entreprise est souvent au cur de la réflexion mais il n’est pas exempt d’approches critiques notamment en ce qui concerne les risques d’une industrialisation de l’éducation dans l’école et hors de l’école.

On retiendra pour terminer l’idée de l’auteur selon laquelle « l’éducation est entre la sphère de l’industrie et celle de l’artisanat » prise entre les exigences de flexibilité d’une part et une organisation bureaucratique d’autre part, ce qui serait la source de ses maux et de ses traumatismes.

Il faut lire « Introduction à la pensée économique en éducation ». Sa lecture est enrichissante et aisée même pour ceux qui n’ont pas de formation en économie.

Cet ouvrage a le grand mérite de présenter clairement les débats portant sur le devenir du système éducatif et les enjeux sociaux, économiques et politiques sous-jacents.

Il permettra en particulier de mieux analyser les problèmes qui agitent le système éducatif français en cette fin d’année 1998.

Thierry Jeanmougin


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