Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Une évaluation respectueuse des individualités

La constante macabre[[« Notre système d’évaluation semble destiné davantage à classer les élèves qu’à évaluer réellement leurs connaissances .» André Antibi, La constante macabre.]] est-elle une fatalité ? Un professeur peut-il se borner à constater que sa classe est en retrait sur celles de ses collègues sans chercher à revoir son mode d’évaluation ?
J’ai fait une expérience l’année dernière avec une classe hétérogène qui ne parvenait pas à progresser, les élèves, découragés se complaisant dans leur rôle d’élèves en difficulté. Pourquoi continuer inlassablement à les sanctionner lorsqu’ils confondaient valeur approchée et valeur exacte ; pourquoi une énième fois leur dire qu’il faut expliquer, rédiger ?… Mes efforts restaient vains. Changeant alors ma façon de les évaluer, j’ai travaillé avec eux le brouillon, premier état d’un écrit, et pour cela j’ai pris le tableau comme brouillon de mon cours. Expérience positive qui a permis à mes élèves de progresser.

Motiver par l’écriture et l’invention

Nous devons développer les travaux écrits sous toutes leurs formes : les exercices d’entraînement, les travaux individuels de rédaction (devoirs à la maison, travaux de recherche avec documents), les tests de connaissance (interrogations écrites, contrôles, etc.)
Des dossiers peuvent aussi être réalisés sur des thèmes présentant les mathématiciens dont les noms illustres sont associés aux théorèmes de géométrie ou à la philosophie.
Mais les travaux écrits ne se limitent pas à cela.
On peut travailler à la mise au point préalable d’un devoir à la maison, faite par le professeur qui commente oralement le sujet au gré des questions. Les élèves, venant en classe avec un brouillon lors de la séance préparatoire, ne doivent pas écrire et l’enseignant reformule ses explications autant de fois qu’il est nécessaire. Ils doivent alors rédiger la solution pour la prochaine séance.
Un travail écrit très stimulant consiste à demander aux élèves d’inventer eux-mêmes un exercice. Les modules en seconde sont propices à cette démarche. Je pense à cet élève qui, par ailleurs inhibé, n’était pas évalué selon ses réelles capacités et ses résultats étaient très moyens. Sa prise de confiance a débuté après qu’il a réalisé une maquette de la table de Néper. Ce fut ce facteur inattendu qui a déclenché sa réussite scolaire. Il a intégré ensuite une série S. Ces diverses approches des travaux écrits nécessitent de la part du professeur une correction détaillée et personnalisée des copies, un très grand investissement certes, mais ainsi les évaluations deviennent positives et sont source d’une grande motivation pour les élèves.
La diversité et la fréquence des travaux écrits permettent aux élèves d’acquérir la maturité et l’autonomie indispensables pour mener à bien leur projet personnel et acquérir certains automatismes nécessaires pour les contrôles et les examens. Ils améliorent aussi la qualité de la rédaction notée deux points sur quarante au brevet et qui sera également prise en compte au baccalauréat.

Une évaluation diversifiée

On peut envisager dans ces conditions de faire une évaluation diversifiée en fixant par écrit, en début d’année, les objectifs et les critères d’évaluation propres à chaque type de devoir.
Les devoirs à la maison[[Les devoirs à la maison, devoirs facultatifs et devoirs créés par les élèves sont trop souvent négligés par les professeurs qui préfèrent les interrogations écrites évitant ainsi le risque de copiage, risque trop fréquent mais qui peut être évité.]] ne portent alors que sur la qualité de la rédaction et la présentation du devoir, la résolution devant être faite dans son intégralité. Nous évitons ainsi la dérive selon laquelle un élève copie sur son voisin car il réalise très vite qu’il peut avoir une bonne note en prenant modèle sur les travaux qui ont été faits auparavant en classe : un travail personnel le fera plus sûrement progresser dans le domaine de la rédaction.
Le travail individuel de recherche avec document effectué en classe incite l’élève à bien apprendre son cours. L’interrogation écrite portera, elle, uniquement sur la capacité à utiliser les connaissances théoriques dans des exercices courts.
Le contrôle va réunir tous les critères énoncés ci-dessus.
N’oublions pas dans ce large éventail l’évaluation par le QCM. Nous savons qu’un tel sujet a été donné au baccalauréat série S en 2004 et nous l’attendons prochainement au brevet. Un bon élève peut-être dérouté face à un tel type d’exercice et un élève moyen voire en difficulté peut être favorisé.

Évaluer autrement

Les professeurs et les parents sont encore très attachés à la note, mais ne peut-on pas évaluer autrement ?
Nous avons trois exemples précis : les travaux personnels encadrés de première, l’éducation civique juridique et sociale et le brevet informatique et Internet où les compétences sont validées au fur et à mesure de leur acquisition. Ces modes d’évaluation sont très moteurs aux yeux des élèves et les incitent à progresser dans des domaines qu’ils ne maîtrisent pas d’emblée.
Dans le cas des TPE, les élèves prennent le goût de la recherche et n’hésitent pas à reprendre cette activité en terminale où elle sera notée[[ [n.d.l.r.] Doit-on rappeler que les TPE ont été supprimés en terminale à la rentrée 2005 ?…]]. La démarche qui débouche sur une production, bien souvent de qualité, et les professeurs découvrent parfois des élèves qu’ils trouvent bien ternes en classe !
L’ECJS permet à chacun de s’exprimer à l’oral et de montrer des qualités qui ne sont pas nécessairement perceptibles à l’écrit.
Enfin, le B2i conduit à une évaluation continue qui conduit l’élève à progresser à son rythme et à maîtriser des savoir faire essentiels.
Nous devons donc prendre appui sur ces exemples et chercher à les développer dans d’autres domaines plus traditionnels. Les professeurs des classes du soir ont bien compris l’efficacité d’une évaluation par validation des compétences[[Ces classes accueillent des jeunes qui souhaitent reprendre leurs études tout en travaillant. Ils apprennent individuellement sur dossier. À l’issue de la validation du dossier en cours, l’élève peut alors passer au suivant et ainsi de suite.]]. L’élève qui choisit lui-même la fiche qu’il doit travailler va voir son professeur lorsqu’il s’estime prêt. Cette validation individuelle des compétences est bénéfique. L’élève, n’ayant plus l’épée de Damoclès de la note qui le menace, a compris qu’on avait confiance en lui et qu’il était capable de progresser. L’évaluation par les compétences favorise l’émergence d’élèves qui ne sont pas scolaires au sens traditionnel du terme et qui depuis des années rencontrent les mêmes échecs récurrents.

L’évaluation est un domaine fort complexe face auquel nous devons constamment chercher à innover. Les tests nationaux que sont les examens conduisent à une certaine modélisation des critères d’évaluation mais ils ne doivent pas nous masquer les individualités de nos élèves.

Martine Ferguson, Professeur de mathématiques – Notre-Dame-des-Oiseaux, Paris.