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Un nouveau livret, enfin utile ?

Le socle commun, promesse démocratique

Le rapport met l’accent d’abord sur l’incroyable incohérence de la politique suivie par le ministère au sujet du livret personnel de compétences (LPC) : injonctions contradictoires, expérimentations jamais utilisées, pseudo-évaluations des effets (dans le cadre de la LOLF) particulièrement absurdes, absence de vraie pilotage et d’accompagnement. Et on ne sait pas s’il faut se référer à Courteline ou Kafka pour évoquer les errements autour de la prise en compte du LPC dans l’attribution du DNB. Du coup, les enseignants qui ont malgré tout tenté d’utiliser les outils fournis de manière positive ont eu bien du mérite.

Et pourtant, le LPC peut être autre chose qu’une «usine à cases», qu’un faux semblant bureaucratique, dominé largement en troisième par ce sacro-saint brevet qui est pourtant désormais vidé de tout son sens. Pour cela, le rapport fait des propositions raisonnables, mais audacieuses si on les prend vraiment au sérieux :

  • une simplification et notamment une validation au niveau des domaines et non des items, la réécriture des programmes dans le sens du socle (et non l’inverse) et surtout la définition réelle de niveaux d’exigence pour les différentes compétences énoncées, de manière claire et précise
  • l’affirmation du principe de non-compensation, mais appliqué avec souplesse
  • la distinction accrue entre le suivi, l’évaluation formative tout le long du collège et la validation finale
  • la séparation entre outil professionnel d’un côté et moyen de communication aux parents (un livret très simplifié pour eux)
  • une clarification dans les rapports entre LPC et brevet (qui serait gardé, mais à moyen terme relèverait du contrôle continu ou en tout cas serait interne à l’établissement)
  • une revendication du pragmatisme pour articuler notation traditionnelle et évaluation par compétences, sans céder aux «intégrismes».

Le rapport a aussi le mérite de fixer un échéancier, pour qu’on ne confonde pas la transition et le résultat final.

Tout cela appelle un changement profond des pratiques et des représentations des enseignants. Il n’est pas sûr que dans les académies les IPR soient toujours les plus aptes à guider ce changement et on pourra émettre des réserves sur le rôle qu’on veut ici leur donner : on a trop vu ici ou là des IPR se comporter en courroies de transmission ministérielles, déformer l’esprit du socle, par ailleurs décrété «intouchable» (entendu parfois : «non, on ne peut pas toucher à la formulation des items», «mais bien sûr que les programmes sont tous conçus dans l’esprit du socle», etc.). Ce n’est bien sûr pas le cas de tous!

En dehors de ce point crucial, on ne peut que saluer la qualité de ce rapport incisif dont le but n’est pas de «sauver» le LPC, mais de relancer un processus qui est au cœur de la refondation nécessaire de l’école.

Jean-Michel Zakhartchouk
CRAP-Cahiers pédagogiques