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«Tout ce que nous apprenons au contact des enfants dys nous rend plus efficaces pour tous.»

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Quel rôle peuvent jouer les enseignants dans le repérage des “troubles dys” chez leurs élèves ?

Bien évidemment les enseignants ne sont pas en mesure de poser des diagnostics mais ils repèrent des écarts à la norme dans les capacités d’apprentissages de leurs élèves. Bien informés ils peuvent alerter les parents, leur conseiller de consulter, leur indiquer les professionnels susceptibles de poser des diagnostics fiables dans la région ainsi que les associations qui peuvent les soutenir dans le «parcours du combattant» qui commence pour eux, en particulier si on passe du repérage de l’enseignant au dépistage des signes évocateurs d’un trouble par les professionnels de santé, au diagnostic d’une équipe pluridisciplinaire qui identifie un trouble spécifique et propose une prise en charge adaptée. Les centres de référence des troubles des apprentissages en milieu hospitalier sont surchargés actuellement, il y a généralement plusieurs mois d’attente pour obtenir un premier rendez-vous. Ils ne doivent pas être consultés en première intention mais réservés aux cas les plus complexes.

Le repérage par l’enseignant est particulièrement important pour les enfants des milieux populaires dont les familles ne connaissent pas ces troubles. Il serait d’ailleurs souhaitable que les enseignants soient conseillés par des associations comme ATD-Quart Monde pour pouvoir expliquer en quoi consistent les troubles neurodéveloppementaux à ces familles qui vivent souvent cette hypothèse comme une discrimination supplémentaire, une remise en cause de leurs compétences éducatives, une dévalorisation des capacités intellectuelles de leurs enfants.

Avoir un enfant dys, c’est un parcours du combattant pour la famille, est-ce que ça l’est forcément aussi pour l’enseignant ?

Bien entendu cela complique le travail de l’enseignant, mais si nous ne travaillions que pour les élèves qui ne rencontrent aucun problème, nous ne servirions pas à grand-chose parce qu’eux n’ont besoin de personne pour apprendre. Le professionnalisme des enseignants consiste justement à faire réussir les enfants pour qui ce n’est pas si évident au départ, pour toutes sortes de raisons d’ailleurs, pas seulement en raison de troubles dys.
Une fois formés, les enseignants découvrent que ce défi rend le métier beaucoup plus intéressant. Prendre conscience qu’on met les élèves en difficulté lorsqu’on leur impose une double tâche qui provoque une surcharge cognitive, réaliser qu’il convient d’entraîner les élèves à inhiber (bloquer les réponses inadaptées pour rectifier les erreurs), à programmer une tâche, à construire des modes opératoires cognitifs, constater que la plupart des élèves ne savent pas mobiliser ou gérer spontanément leur attention et que cela passe par un apprentissage spécifique, que la mémorisation suppose plusieurs réactivations des informations, que notre mission consiste donc aussi à construire avec eux des stratégies contre l’oubli… Tout ce que nous apprenons au contact des enfants dys améliore nos compétences et nous rend plus efficaces pour tous.
Ce que nous mettons en place pour les élèves à besoins particuliers s’avère en effet souvent utile à tous, cela crée de nouvelles relations d’entraide dans la classe, une autre ambiance de travail, une prise en compte de chacun, cela permet de découvrir d’autres façons de faire auxquelles nous n’avions jamais pensé, d’interroger nos pratiques et de les enrichir, de chercher des solutions en équipe. On éprouve alors la satisfaction de se sentir vraiment utile.

Trouve-t-on dans ce dossier des articles à propos de tous les types de troubles?
Le dossier présente les principaux troubles dys : dyslexie-dysorthographie, dyspraxie-dysgraphie, dysphasie, dyscalculie, TDA-h, mais il y a aussi un article sur les troubles des fonctions exécutives qui concernent tous les dys.
Il y a des degrés différents bien sûr, selon la façon dont se manifestent les particularités cérébrales, l’intensité des troubles et parfois l’association de plusieurs troubles, l’attitude de l’enfant vis-à-vis de la difficulté, ses ressources cognitives (on rappelle que 20 à 25 % d’entre eux sont aussi « haut potentiel »), l’encadrement familial plus ou moins porteur, l’accompagnement scolaire et le parcours de soins dont il a bénéficié, ses capacités d’adaptation et de résilience… En fait il y a autant de cas que d’enfants dys.

Quelles pistes propose le dossier pour faire réussir tous ces élèves à l’école ?

Le dossier commence par des témoignages qui illustrent le constat que ce n’est facile pour personne, on y trouve ensuite la présentation des troubles par des spécialistes, mais nous avons surtout voulu présenter beaucoup d’exemples de dispositifs, d’aménagements, de compensations possibles, d’adaptations, de contournements, des pistes d’entraînement et de rééducation. Certaines mesures sont prises individuellement par des enseignants sensibilisés, d’autres sont mises en place par des équipes pédagogiques, voire des réseaux d’établissements ou des structures spécialisées en milieu hospitalier. Un article présente des outils numériques, souvent évoqués par les collègues, mais aussi des sites spécialisés comme Le cartable fantastique.
En ligne on trouve une longue bibliographie – sitographie – filmographie qui donne de nombreuses pistes dans le domaine de la remédiation, car s’il n’est pas question d’ignorer les difficultés ou de minimiser ce qui reste à faire pour que la situation soit satisfaisante, nous restons résolument optimistes. Il existe des solutions, les recherches progressent, les prises de conscience se multiplient, l’information circule de mieux en mieux, de plus en plus de « dys » font de beaux parcours professionnels, comme la linguiste dyslexique qui témoigne dans nos colonnes par exemple.

Nicole Bouin est professeure de lycée professionnel à la retraite et formatrice
Émilie Pradel est professeure des écoles et maman d’une enfant dys

Propos recueillis par Cécile Blanchard et Natacha Lefauconnier