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Tisser des liens… sans s’emmêler

Le dossier précédent des Cahiers sur ce thème date de plus de dix ans (n° 339, décembre 1995) ; il s’interrogeait sur le partenariat et sur la place des familles à l’école. La question a certes évolué, mais, si les textes semblent avoir levé les entraves institutionnelles, bien des ambiguïtés demeurent et la « double figure » est de règle.
Les relations avec les parents font vraiment partie du métier, elles figurent dans les compétences de référence travaillées en IUFM. Oui, c’est important de voir les parents très tôt dans l’année, de les tenir informés, de leur donner même si possible un accès au site de l’établissement, aux progressions qui y sont affichées, aux cahiers de textes numériques, aux relevés de notes.
Mais les parents… pas trop, quand même. Susceptibles, les enseignants acceptent mal qu’on mette le nez dans leurs affaires, progressions choisies et formes d’évaluation. Les images de l’enfant qu’on a des deux côtés ne coïncident pas toujours, d’où malentendus et suspicions. Et lorsque les « parents délégués », non plus individus, mais institution, prennent la parole au conseil de classe, un ange passe…

Bref, il existe toujours des tensions entre les attentes des enseignants et l’implication des parents, et les freins à la création d’un lien durable école-familles perdurent : on n’est pas encore passé de contacts individuels à des relations institutionnelles dans des espaces collectifs de travail.
Comment alors mettre en place une relation qui ne soit vécue ni comme une intrusion, ni comme une absence des familles ? Comment faire évoluer l’image historique de l’institution scolaire qui doit « sauver » les élèves de leurs familles ? On n’a pas fini non plus de s’interroger sur les conséquences du prolongement de la présence parentale à l’école : va-t-on vers un contrôle de l’enfant jusqu’à l’université ?
La première partie du dossier explore d’emblée les malentendus historiques, les ambiguïtés et limites des liens entre école et familles. Chacun peut-être amené à accuser l’autre de manque de confiance et de parti pris. Au milieu, l’enfant, parfois pris dans un éprouvant conflit de loyauté. Il ne s’agit pas là de noircir le tableau, mais de regarder en face la photo. Au regard des différentes contributions, la situation risque sans cesse d’être de l’ordre du « Je t’aime, moi non plus », même si les fédérations de parents gardent une belle assurance.
Dans un deuxième temps, il s’agit de distinguer des cas particuliers. Il y a peu à voir entre l’accueil ritualisé en maternelle et la place des parents dans un lycée pour décrocheurs ou dans un institut thérapeutique. À chaque fois, l’école doit agir avec souplesse, reconnaître la spécificité de la situation et inventer l’attitude qui va avec. Parfois, soulignent certaines contributions, ce bricolage souffre d’un manque de formation. Mais on n’enlèvera pas la nécessité d’agir, bien souvent, au cas par cas.
Et c’est ainsi que des établissements ou collectivités mettent en place des actions, des projets particuliers pour favoriser la rencontre. Elle devient possible quand il y a des gens pour y croire, pour sortir des routines et des méfiances, pour imaginer des modes de dialogue qui ne soient pas réservés aux classes moyennes consommatrices d’école, mais s’adressent à tous, et parfois particulièrement aux familles étrangères.
Bref, il s’agit de faire mentir cette phrase de notre texte de clôture : « Pour la grande majorité des pères et mères la relation à l’école se résume au mieux à une réunion de rentrée, la signature du règlement et des bulletins pas toujours favorables ! » Avec toutefois une interrogation : après être passé de la notion de parent-adversaire à celle de parent-appui, ne glisse-t-on pas petit à petit vers la notion de parent-usager ?
Ce dossier s’est donc voulu riche d’analyses et d’éclairages sur la diversité des situations. Des questions du quotidien aux débats sur les principes, il aborde un vaste ensemble de réflexions particulièrement utiles pour commencer l’année scolaire sur de nouvelles bases.

Peggy Colcanap, conseillère principale d’éducation.
Jean-Michel Faivre, instituteur et directeur d’école.