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Surmonter l’entrée en sixième ou comment les lecteurs d’Okapi se passent le flambeau

Le blog d’Okapi permet d’établir une relation quotidienne avec les collégiens. 40 000 visiteurs uniques se connectent ainsi, prêts à échanger avec la rédaction, qui leur offre quotidiennement un espace de parole privilégié. Pour canaliser les témoignages, il suffit parfois de lancer un simple appel : « Comment rassurerais-tu un élève de Cm2 qui va rentrer en sixième ? », ou « Quels conseils donnerais-tu à un futur sixième pour s’intégrer au collège ? » Des questions qui leur sont en fait rarement posées et qu’ils prennent comme un signe de confiance envers eux, d’où les centaines de réponses qui ont afflué sur le blog.

Incontournable stress

Chaque message comporte toujours un des trois mots-clés qui indiquent le poids psychique de l’entrée au collège : la peur, le stress et l’angoisse. « A mon entrée en sixième, j’étais assez angoissée », dit Rachel, 13 ans. Amandine, 11 ans : « J’étais très angoissée, j’avais peur de ne pas avoir mes amis du primaire dans ma classe ». « Lors de ma rentrée en sixième, j’étais super nerveuse », déclare Gaby. Qu’est-ce qui est si inquiétant, selon les collégiens ? « L’organisation qui est dure, les troisièmes qu’il faut laisser passer dans les escaliers » (Elvina) ; « Se lever tôt le matin, changer de prof et de salle toutes les heures » (François). L’adaptation aux lieux, aux personnes, et la cassure avec l’univers bien connu de l’école primaire émergent comme le souci numéro un : « On était les plus grands à l’école, en arrivant au collège, on devient les plus petits » (Sophie). Quel que soit l’âge du jeune qui intervient sur le blog, le thème du stress revient comme un leitmotiv, que le souvenir en soit proche, chez un jeune en sixième, ou lointain, chez un élève de troisième. Une tension intérieure quasi-nécessaire, voire initiatique qui fait ressembler l’entrée en sixième à un examen de passage. Une tension apparemment peu prise en compte par les parents, pour qui primerait la fierté de voir leur enfant grandir en accédant au secondaire. Rien, en revanche, sur le contenu des cours, les nouvelles matières ou sur d’éventuelles difficultés d’apprentissage, probablement par ce que l’enjeu majeur, c’est l’adaptation au groupe.

Les mots de la réassurance

Puisque que stress il y a, même s’il est en général vite surmonté, rien ne vaut les trucs et astuces qu’on se soumet entre pairs. Le collège, ce ne serait donc pas si terrible : « Un bon endroit pour rigoler » (Rachel, 13 ans), « très cool » (Tiphaine), où, notation importante, « la cantine est meilleure qu’en primaire » (Amandine). Côté enseignement, pas de panique : « Si tu n’aimes pas un prof, tu ne le vois pas toute la journée ou tous les jours » (Juliette). En cas de difficulté : « Sachez que le CPE (dans le public) ou le préfet (dans le privé) sont toujours là pour vous écouter » (François) et que « dans la plupart des collèges, des heures de soutien sont proposées » (Armand). Pour être avec ses amis, il y a toujours une solution : « Moi, j’avais fait une lettre au proviseur pour être avec mes amies, et ça a marché. » (S-venisia) « Je me suis fait plein de nouveaux amis, et franchement, il n’y a pas de quoi s’angoisser » (Modestiie). D’accord, les grands peuvent poser quelques problèmes : « Il y a souvent les 4e et les 3e qui disent « ho, les petits » ou qui te doublent à la cantine, mais bon on ne peut rien y faire et de toute façon quand tu seras en 3e c’est toi qui le feras ! » (Petitgars). Et en même temps, « il ne faut pas avoir peur des 3e, car même s’ils paraissent immenses, la plupart du temps, ils laissent tranquilles les 6e. » (Lili). Le collège, la géographie complexe de ses cours et ses bâtiments, ses occupants adultes et adolescents, sont certes des obstacles incontournables, mais pas insurmontables.

L’art du point d’exclamation

Chez beaucoup de nos lecteurs s’exprime aussi la vraie fierté d’avoir réussi à dépasser la peur originelle. Même si on trouve sur les blogs un usage particulier de la ponctuation, il est tout de même intéressant de noter que tous les témoignages recueillis, sans exception, s’achèvent par une phrase exclamative, histoire probablement de transmettre le plus d’enthousiasme et de courage possibles : « Tout va bien se passer ! » (Nil), « Même si c’est plus dur qu’en primaire, tu vas y arriver ! » (Lilou), « Ne t’inquiète pas trop, l’école des grands, c’est bien marrant ! » (Vivoulis). Le point d’exclamation, parfois multiplié au point de faire tressauter le regard, permet de souligner les messages essentiels à faire passer aux plus jeunes, histoire de leur montrer que leur avenir n’est pas aussi noir qu’ils voudraient bien le croire. « Garder sa personnalité, c’est le plus important ! » dit ainsi Modestiie, tandis que Laurie, 11 ans, s’exclame : « Soyez tranquilles, l’avenir est bon ! » Il suffirait donc d’une année de plus, d’un nouveau lieu d’apprentissage pour se sentir mûr et habilité à donner des conseils… C’est ainsi que se dessine en creux l’identité des collégiens, plus fiers et heureux de l’être qu’ils ne le laissent paraître à leurs éducateurs. Les quelques élèves de primaire qui sont intervenus sur ces forums ne s’y sont pas trompés, comme Zouzouille : « Moi aussi j’avais peur… avant de lire vos commentaires ! Vous m’avez rassurée et je suis sûre que je ne suis pas la seule ! J’aimerais que tous les grands soient gentils comme vous au collège ! Merci ! »

Delphine Saulière, rédactrice en chef adjointe d’Okapi, magazine bi-mensuel des 10/15 ans.

NDLR : Les noms, parfois fantaisistes, sont les pseudonymes choisis par les internautes pour signer leur commentaire.

Le témoignage de Marie, 14 ans

« Je rentre en 3e, j’ai plein d’amis et pourtant quand je suis rentrée au collège je ne connaissais personne (mes amis sont partis dans un autre collège). Je me suis vraiment inquiétée pour ma rentrée en 6e ! Au début, j’avais toujours mon emploi du temps dans la poche, plutôt que de devoir sortir mon carnet à chaque fois. Mais au bout de quelques jours, je le connaissais par cœur, je te conseille aussi de l’afficher au – dessus de ton bureau. Pour ranger mes cours, j’ai une étagère spéciale avec des étiquettes pour chaque matière. Prépare toujours ton sac la veille au soir : c’est le meilleur moyen de ne rien oublier ! Si tu as peur de te perdre, ne t’inquiète pas : les premiers jours il y a toujours des surveillants dans les couloirs qui t’indiqueront la salle si tu en as besoin. Les matières ne changent pas vraiment par rapport au CM2. Le changement de cours permet de papoter en effectuant le trajet jusqu’à la prochaine salle. Ne juge pas les profs : ils sont souvent sévères au début mais c’est juste pour montrer que dans leur classe on ne fait pas n’importe quoi. Et puis un prof sévère peut être génial alors qu’un prof trop gentil se laissera marcher sur les pieds et ce sera le bazar dans sa classe. Quant à la/le CPE, pense bien qu’elle/il est là pour t’aider et pas pour t’embêter. Tu ne le vois que rarement, sauf si tu fais beaucoup de bêtises. Et pense aussi que tu pourras toujours compter sur tes amis qui te soutiendront en cas de problème ! Bon courage, bonne rentrée et surtout ne stresse pas : ça ne sert à rien ;). »