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Sortir des sentiers battus

Oui, bien sûr ces « nouveaux dispositifs » aux noms barbares : IDD, TPE, PPCP, ne sont pas idéaux ! Oui, ils ont été lancés de façon un peu bricolée, sans véritable politique de formation, sans grands moyens, avec souvent de la maladresse et de l’improvisation. Oui, ils sont parfois mis en œuvre sur le papier, servant simplement à caser des trous d’emploi du temps et à faciliter des services. Chacun pourra raconter l’anecdote apte à contenter les contempteurs : ici des IDD devenus prétexte ludique et activité quelque peu farfelue ; là, des TPE sur des sujets inabordables par des élèves qui se contentent de couper-coller et d’user inconsidérément de l’imprimante couleur ; là encore, des PPCP n’existent qu’en théorie car les profs sont hostiles et refusent de « tremper là-dedans ». On pourra opposer à ces dispositifs institutionnels (marqués ainsi d’un quasi-péché originel) les vrais projets interdisciplinaires, mis en place par des volontaires, avec des moyens conséquents, bien préparés, bien organisés. On entendra même des innovateurs présents lors de toutes les batailles contre l’inertie se gausser de ces pauvres machins qui dévoient de nobles idées et caricaturent les « vrais projets ».
Et pourtant…
Pourtant, il faut se féliciter de l’existence de ces dispositifs, de leur généralisation, de leur légitimation (sans doute insuffisante). Il faut saluer le dynamisme de ceux qui les mettent en place de manière solide et parfois brillante, mais aussi l’énergie de ceux qui ne sont pas des pros de l’innovation et qui, en tâtonnant, en bricolant, prennent des chemins écartés, sortent des sentiers battus, osent travailler un peu « autrement », s’engagent là où ils ne savent pas toujours aller, malgré le désir qu’ils ont depuis longtemps d’essayer.
Dans ce dossier des Cahiers, nous voudrions d’abord tirer un coup de chapeau à ces enseignants qui, plus ou moins encouragés par leur chef d’établissement, par un inspecteur, aidés parfois par des formateurs, entraînés dans une équipe, se sont lancés dans l’aventure. Ceux qui ont su vaincre leurs réticences, ou qui les gardent encore tout en s’avouant séduits par ces nouvelles manières de faire.
Depuis de nombreuses années, les Cahiers pédagogiques prônent les croisements de disciplines, le travail en projet, les activités qui rendent les élèves davantage acteurs, davantage partie prenante de leurs apprentissages. Dès les années cinquante, nous soutenions l’étude du milieu, puis plus tard les 10 %, les PAE, et dans les années quatre-vingt-dix les parcours diversifiés et les travaux croisés. Les dispositifs actuels s’inscrivent dans cette continuité, comme nous l’avons déjà évoqué dans les deux numéros sur les réformes dans le secondaire (385 et 395).
Nous présentons dans les pages qui suivent de nombreuses expériences, variées, toutes passionnantes, y compris (voire surtout ?) quand elles sont modestes et fragiles. Cela n’empêche pas les questions d’affleurer, les contestations d’avoir voix au chapitre (ici nous donnons la parole à ceux qui essaient, même de manière critique, ceux qui éventuellement tirent un bilan négatif, mais après avoir essayé…).
Dans la partie sur les itinéraires de découverte – que nous avons voulue la plus importante puisqu’il s’agit de l’innovation la plus récente -, qui s’étend l’an prochain à la quatrième, à côté des multiples expériences, venues de tous les coins de France, nous présentons une partie « questions » qui montre bien que rien n’est figé et que tout est encore à construire.
La partie sur les TPE est plus restreinte, car il s’agit là déjà d’une affaire « qui tourne » et que les enseignants disposent déjà d’outils et de références.
Nous avons déjà évoqué les PPCP, et nous montrons ici comment ils peuvent être un élément important de la rénovation de l’enseignement professionnel, mais aussi une passerelle entre cultures.
Ce numéro s’appuie aussi sur la théorisation de ces dispositifs que l’on trouvera dans les trois ouvrages de la collection « Repères pour agir » publiée par le CRAP et le CRDP d’Amiens. Il se veut surtout une considérable « boîte à idées » et « boîte à outils » pour tous ceux qui ne savent pas trop comment s’y prendre, ou veulent « faire mieux », trouver des idées ou réfléchir sur ce qu’ils ont déjà entrepris. D’où le choix d’un numéro double, axé surtout sur les récits d’expérience, sur la pratique, sur « le terrain ». Nous espérons en cela avoir fait œuvre utile, avec un prolongement sur notre site et peut-être des réactions de lecteurs, et d’autres envois pour compléter le dossier…

Jean-Michel Zakhartchouk, Professeur de français.