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Sorbonne confidential

Le socle commun indique comme un de ses « piliers » la pratique d’une langue étrangère et dans notre dossier spécial sur le socle (PDF à télécharger), nous avons suggéré que tous les jeunes sortant du système éducatif atteignent au moins le niveau oral… d’un chauffeur de taxi pakistanais lorsqu’il parle anglais au touriste inhibé par des années d’études qui ne lui ont pas permis de comprendre pourtant cette conversation simple (il m’est arrivé d’être dans ce cas). Je pensais à cela en lisant le récit de cette Américaine qui cherche à se reconvertir professionnellement et tente d’entrer dans le saint du saint en passant l’agrégation d’anglais à la Sorbonne. Elle y raconte ses péripéties, le choc de cultures lorsqu’elle sent que l’important n’est pas de converser dans la langue qui devra être enseigné à des petits français, mais de savoir disserter savamment, en n’utilisant surtout pas des « américanismes » (color au lieu de colour), et ne faisant aucune erreur de français. La narratrice (qui semble être l’auteure, même si le prénom change), malgré ses efforts, et sa volonté de compréhension qui lui fait reconnaître l’intérêt culturel d’analyses subtiles sur la littérature de langue anglaise quand elles sont menées avec intelligence et un tant soit peu de pédagogie, malgré son « humilité », échouera (de peu) à l’écrit – et n’obtiendra guère d’explications sur ses notes.
Le livre évite heureusement le ton du pamphlet. Il est documenté, même s’il manque parfois de nuances : la situation de l’enseignement de l’anglais évolue dans le secondaire, contrairement à la vision d’apocalypse que l’auteur esquisse à travers des témoignages, toutes les facs ne sont pas Paris IV, les enseignants français, s’ils dénoncent les travers de l’Amérique comme l’esclavage, n’en sont plus à considérer la République française comme exempte de reproches… Il reste un témoignage interpellant, qui nous conforte dans l’idée qu’il y a bien des choses à changer, dans le sens de la pédagogie, du travail par compétences, et de l’ouverture culturelle.

Jean-Michel Zakhartchouk