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Revue internationale d’éducation de Sèvres – L’élève, futur citotyen

consensus dans bien des pays du monde, à en croire les articles de ce numéro du Ciep. Mais c’est d’abord parce que cette appellation très générale recouvre des contenus et des préoccupations très différentes, tant à l’échelle des choix politiques nationaux que des pratiques des acteurs dans les établissements.
Au niveau le plus rudimentaire, cette éducation est réduite à une fonction de pacification scolaire : il s’agit d’inculquer les bons comportements de respect, d’autrui, de l’ordre scolaire, voire même de l’ordre social en général. Même des pratiques innovantes comme les conseils d’enfants, très répandus en Suisse romande, sont parfois mis au service d’une politique disciplinaire, limités à la résolution des conflits, à la recherche de consensus prudents.
À un niveau plus élaboré, l’objectif peut être de susciter une adhésion à une communauté, par exemple à des valeurs nationales. Ainsi au Danemark, où le gouvernement au pouvoir depuis 2001 a lancé un programme de « réarmement culturel », visant à « renforcer notre identité de citoyens danois, à une époque marquée par la mondialisation et les flux migratoires ». Au Royaume-Uni, les attentats de Londres en juillet 2005, commis par de jeunes citoyens britanniques, ont fortement contribué à réactiver une éducation à la citoyenneté, à charge pour elle de développer des comportements « responsables », « utiles pour leur communauté », de faire en sorte que « les élèves apprennent pourquoi et comment devenir des membres efficaces de la vie publique ». Une enquête sur l’école primaire française montre les enseignants en tension entre le double refus du multiculturalisme, qui leur semble porteur de dangers communautaristes, et de l’affirmation d’une appartenance nationale, perçue comme rétrograde.
Même lorsque les valeurs sont d’abord celles de la société démocratique (« tolérance, justice, solidarité, coopération et culture de paix », pour reprendre une liste figurant dans les programmes de l’éducation primaire en Espagne), reste l’épineux problème de leur transmission. Problème gigantesque dans les sociétés très inégalitaires comme l’Afrique du Sud ou l’Inde, problème aussi dans les sociétés occidentales où cette éducation peut entrer en conflit avec les pratiques coutumières du travail scolaire, voire même des comportements d’adultes parfois peu citoyens…
La revue ne se contente pas de pointer toutes les difficultés, elle ouvre également des pistes de réflexion, en particulier l’article sur l’Espagne ainsi que celui de François Audigier. Ils insistent sur « les dispositifs de participation, de lieux d’expression et d’initiatives, d’ouverture vers la pédagogie de projet » dont doit être porteuse une véritable éducation à la citoyenneté, « c’est en citoyennant que l’on devient citoyen ». Ils invitent également à renoncer aux sermons consensuels, pour « travailler aussi bien sur les contradictions entre les valeurs et les arbitrages nécessaires que sur les distances qui existent entre ces valeurs, qui sont des constructions conceptuelles et éthiques, et la vie sociale ». Ils soulignent enfin la nécessité de « constituer l’école comme exemple de vie démocratique ».
Beau programme, vaste chantier…

Patrice Bride


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