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À l’heure de la refondation de la formation professionnelle des enseignants, de la disparition historique des MAFPEN, de la séparation stricte entre prescription (recteur, corps d’inspection) et prestation (IUFM), accompagnée d’une injonction paradoxale d’une plus grande " universitarisation " et d’un rapprochement des actions sur site, remise un moment en question par le devoir de prise en charge des élèves et un mauvais débat sur l’absentéisme des profs, voilà l’ouvrage de la situation.
Le concept d’utilité renvoie nécessairement à l’analyse des facteurs d’efficacité de la formation professionnelle, questionnée par le redéploiement des moyens, financiers évidemment mais pas seulement, des ressources humaines, par l’apparition de nouvelles modalités de formation (formation à distance, autoformation, Internet, listes de diffusion, sites professionnels), et enfin par l’enjeu de la professionnalisation du métier d’enseignant. À défaut d’envisager une professionnalisation des formateurs, il s’agit bien de délimiter les facteurs d’une grande efficacité de la formation dans une démarche de qualité qui traverse aujourd’hui le service public dans son ensemble.
Quelques facteurs de plus grande efficacité de la formation apparaissent au gré des entretiens : L’effet-établissement, particulier sous deux aspects : la direction pédagogique et incitatrice du chef d’établissement, et la présence d’un travail collectif. Plutôt que de questionner la pertinence en terme d’organisation (tradition de l’EN) des différentes modalités de formation (stage individuel au PAF versus plan de formation d’établissement), l’étude pointe le style de direction : " encourager les compétences, non pallier les manques ", légitimer et communiquer autour de la formation continue, sous toutes ses formes.
La démarche formative de type interactif-réflexif de formateurs-médiateurs (universitaires ?...) qui travaille à la fois sur la reconnaissance mutuelle, une approche par tâtonnement autour d’activités en lien avec des situations professionnelles contextualisées mais s’inscrivant dans un long terme. Plutôt que de tenter le grand écart impossible, il convient de progresser par petits pas, petits projets, en s’appuyant largement sur l’expérience et les compétences déjà maîtrisées des formés. En ce sens, la formation est un début d’un système d’engrenages qui vont jouer solidairement, mais pas trop vite.
L’épistémologie du stagiaire, mêlant parcours professionnel, image de soi et ce qui pose le plus question, son rapport au savoir professionnel. La question est posée : " les enseignants aiment-ils apprendre ? ". Un signal de la réussite est le basculement d’une vision prescriptive du métier à l’appréhension - compréhension et acceptation de la complexité, de la souplesse et de la variété nécessaire des orientations et des pistes de travail possibles, à l’acceptation de situations d’impasse, au traitement des échecs. En ce sens, l’outillage méthodologique des travaux d’André de Peretti [1] est particulièrement adapté à cette démarche.
Au terme de la démarche méthodologique adoptée de type sociologique, fondée sur des entretiens, sur la prise en compte du facteur temps, sur l’approche compétence, l’ouvrage met en exergue plus de questions qu’il n’apporte de réponse, et c’est tant mieux à l’adresse des évaluateurs. L’obligation d’évaluation externe en matière de formation est nouvelle pour l’institution. Trois alertes sont données : Que l’institution énonce clairement les effets attendus, et sur ce point, rien n’est simple.
De se doter d’outils et de méthodes de repérages des effets réels et de leurs causes qui dépassent forcément la formation (les pratiques actuelles d’évaluation à chaud, d’évaluation différée un peu plus tard ne peuvent que fournir des déclarations d’intention), en prenant en compte le facteur temps, analysé dans l’effet-établissement.
D’adopter en la matière une grande prudence méthodologique (ni légitimer, ni discréditer), ne pas céder à la pression forte d’évaluation tous azimuts qui ne présente aucune supériorité par rapport à l’absence d’évaluation.
Un ouvrage précieux pour les formateurs d’enseignants, pour les IUFM qui intègrent tant bien que mal la formation continue et doivent prendre en compte les spécificités de la formation d’adultes, pour les DAFPEN et SAFCO, cellules rectorales qui reçoivent pour missions l’analyse des besoins, la définition des effets attendus et l’évaluation des formations. C’est le grand chantier des années à venir.
François Muller
La " description " est bien plus présente dans les textes qu’on ne croit, si toutefois on ne la réduit pas à cet ornement, à ce supplément d’âme qu’on peut souvent négliger, au besoin en sautant des pages... L’importance de la description, Yves Reuter l’avait déjà montré ici même, en coordonnant un passionnant numéro des Cahiers " décrire dans toutes les disciplines " (n° 373), mais les enseignants, tout particulièrement de français, tireront grand profit en approfondissant la question par la lecture de cet ouvrage solide et rigoureux, qui s’achève en feu d’artifice avec la présentation d’un inventaire foisonnant d’activités possibles avec les élèves.
Si quelquefois, la lecture peut paraître ardue au non-initié à un certain langage technique, on notera que l’ensemble est toujours très clair et bien structuré et chaque assertion ou proposition est étayée par des exemples souvent savoureux puisqu’empruntés à des genres très différents (Y. Reuter affecte notamment les " polars " où la description joue un rôle intéressant d’ailleurs).
L’auteur se démarque de certains modèles trop réducteurs, puis définit l’acte de décrire à partir de sa visée spécifique : faire voir, avant de dégager ses éléments constitutifs, son organisation, puis ses fonctions et ses enjeux. Le répertoire d’activités est précédé par un aperçu sur les représentations des élèves, y compris en dehors des cours de français. L’auteur remet en cause dans ce chapitre les conceptions traditionnelles des enseignants concernant les capacités des apprenants, qui exécreraient la description par exemple. En fait, les difficultés rencontrées par ces derniers viennent peut-être du type d’enseignement pratiqué (par exemple la centration trop grande sur le narratif littéraire, le manque de construction de " l’effet de réel ", etc.)
Un vaste chantier à explorer ou à revisiter en tout cas... Au fait, avons-nous décrit le contenu de l’ouvrage ? Où commence et où s’arrête vraiment la " description " ?
Jean-Michel Zakhartchouk
le 12 mai 2000Bien que différents, deux ouvrages apportent une aide précieuse pour un travail interdisciplinaire. Destiné à l’origine aux étudiants belges, La mécanique. Introduction par l’histoire de l’astronomie, est d’abord un livre de mécanique. Cependant, avec ses schémas clairs et ses nombreuses références historiques, il apporte un éclairage épistémologique qui fait souvent défaut dans les ouvrages hexagonaux. Comme il n’est malheureusement pas adapté aux programmes français, sa lecture devrait surtout servir à enrichir la formation de nos étudiants par son approche épistémologique appliquée, et rendre service aux professeurs de physique qui devront aborder l’histoire des sciences en seconde à la rentrée scolaire 2000.
L’étrange affaire du chat de Mme Hudson, quant à lui, traite les questions scientifiques de manière ludique. Son originalité est l’utilisation du roman policier pour aborder quelques notions de physique indépendantes les unes des autres. Faisant revivre Sherlock Holmes, l’auteur décrit comment le célèbre détective élucide les énigmes de manière méthodique, selon une procédure rationnelle faite d’hypothèses et de déductions. Pour arriver à ses fins, Holmes se fait expliquer et utilise les découvertes scientifiques de la fin du XIXe siècle. Ce livre est donc plus qu’un instrument ludique : c’est un support plaisant permettant d’aborder des questions de physique classique (la rotation de la Terre, la photographie, les atomes et la matière) et des sujets qui ont débouché sur les nouveaux paradigmes du XXe siècle (la radioactivité, la vitesse de la lumière et la mécanique quantique). Un exemple d’utilisation interdisciplinaire : le professeur d’histoire pourra étudier la vie scientifique du XIXe siècle alors que le professeur de lettres s’intéressera à la mise en place des argumentaires et des démonstrations.
Daniel Albert
On connaissait André de Peretti comme psychosociologue, comme pédagogue, comme formateur, comme conférencier. On savait qu’il avait écrit des pièces de théâtre, des romans, des poèmes, un oratorio, que son œuvre et son action étaient à la dimension du souffle qui toujours l’avait inspiré, valorisant la diversité, préférant le baroque au classique, attentif par-dessus tout à faire exister l’altérité.
Le voilà qui, aujourd’hui, à nouveau nous étonne avec l’écriture d’Énergétique personnelle et sociale. L’enjeu ? Comprendre, aux deux niveaux que le titre évoque, le jeu des interactions entre l’énergie et l’information soumis à l’influence des inerties dans la structuration des personnes et des institutions. La méthode ? Puiser aux sciences humaines et sociales, tout autant qu’aux sciences dures, l’énergie étant un concept revendiqué par la psychanalyse mais aussi par la thermodynamique. Le résultat ? Aborder les changements dans les systèmes sociaux et personnels autour d’une thèse, d’une hypothèse et d’une synthèse pratiques. La thèse pratique : le principe de continuité-interaction qui souhaite faire de la différence une occasion de lien et non pas une cause de séparation, du conflit une occasion de création et non pas d’exécration, de l’abstraction le complément de la concrétisation, de l’objectivité celui de la subjectivité. L’hypothèse pratique : " le principe de l’économie dans la formalisation " afin d’éviter l’inflation des langages, pour qu’en pédagogie on se centre sur quelques signifiants essentiels susceptibles d’ancrer l’échange. La synthèse pratique : le principe de pluralité harmonique à visée pluraliste, en dénonçant le mythe identitaire qui refuse la transformation et craint les hybrides.
Ce dernier ouvrage d’André de Peretti apparaît comme une arche lancée entre des champs de savoirs qui souvent s’ignorent, comme une recherche d’alliance entre la matière, la vie et le psychisme, comme une intention d’embrasser de manière holistique la complexité de l’homme et des institutions qu’il produit. Il découragera plus d’un lecteur par la multiplicité et la diversité des références sur lesquelles il s’appuie et dont la très riche bibliographie atteste. Il agacera peut-être même par sa quête de complétude, conduisant alors à relire l’ouvrage d’Isabelle Stengers Les concepts nomades. Il intéressera aussi les nombreux curieux, attentifs à relier ce que d’aucuns s’évertuent à séparer, avides à emprunter à l’inépuisable dialectique des complémentaires susceptibles d’installer des tensions créatrices d’idées nouvelles.
Michel Develay
L’ouvrage, dans la série Actes et rapports pour l’éducation, consacre un colloque organisé par les CRAP-Cahiers pédagogiques sur le thème Apprentissage et socialisation. Michel Tozzi note en introduction les quatre points conclusifs qui lui semblent avoir émergé :
La socialisation des élèves par les contenus d’enseignement conduisant à une structuration de la pensée par le langage, développant une activité rationnelle partageable et une sensibilité aux autres et à l’environnement, nécessite : Que l’élève donne du sens à son rapport au savoir.
Que le savoir ainsi construit apparaisse comme le résultat d’un processus davantage que comme un produit, comme « un état provisoire, relatif et cependant non arbitraire par l’exigence de faire la preuve ».
La socialisation des élèves par le vivre ensemble en apprenant nécessite simultanément de les aider à se structurer vis-à-vis de la loi par l’explicitation du non négociable et de la hiérarchie des normes juridiques, la coélaboration et la négociation de règles communes, une pédagogie du contrat et du projet, la formation de délégués élèves et leur prise en compte dans les conseils de classe et d’établissement, le partage de la parole des responsabilités et du pouvoir.
La socialisation des élèves implique la socialisation des enseignants qui se traduit par « la capacité à travailler en équipes pédagogiques et éducatives, à contractualiser à l’interne avec les élèves et l’administration, et à l’externe avec les partenaires du système éducatif ».
Ces données conduisent à une recomposition de l’identité professionnelle de l’enseignant.
L’ouvrage comporte en outre le texte de l’intervention de Jean-Yves Rochex qui puise aux analyses d’Henri Wallon, rappelant que « nous ne sommes pas à l’école pour apprendre à vivre ensemble, mais pour apprendre à se quitter ». L’image fait choc et traduit une posture sans doute nécessaire pour ne pas faire de la socialisation une mièvrerie dégoulinante de bonnes intentions, mais existe-t-il des deuils sans rencontres préalables, des ruptures sans amours d’abord ? Pour se quitter il faut s’être rencontré, et par les temps qui courent la difficulté scolaire est peut-être davantage dans la liaison que dans la déliaison. Prolongeant cette exigence d’une socialisation dépassant le seul objectif de coopération, il serait utile de penser le couple socialisation et politique. La socialisation à l’école conduit à vivre ensemble pour apprendre à se quitter... et à se retrouver dans la cité.
L’ouvrage comporte par ailleurs le compte rendu d’une table ronde à la suite de l’intervention de Jean-Yves Rochex. Celle-ci était riche des travaux de quatre ateliers avec une entrée pédagogique, une entrée didactique, une entrée sociologique et une entrée psychologique du thème du colloque dont les apports sont indiqués.
Le débat autour du thème apprentissage et socialisation se poursuivra. Le prochain titre de colloque sera peut-être « apprendre pour socialiser » à moins que ce ne soit « socialiser pour apprendre ». Au début du siècle, à la question « pourquoi l’école ? », Émile Durkheim ne répondait-il pas : « pour former la personne, le citoyen et le travailleur ».
Michel Develay
le 12 mai 2000Quels sont les fondements d’une discipline scolaire ? Quelle est son histoire, quels sont ses ruptures, ses changements d’orientation ? Quels sont les invariants qui la constituent et lui donnent sens ? C’est à ce questionnement que Joël Lebeaume qui est spécialiste de la didactique de la technologie tente de répondre pour ce qui concerne cet enseignement. Au-delà du champ disciplinaire spécifique l’auteur montre comment se constitue une discipline scolaire surtout lorsqu’elle est structurée et organisée avec, en arrière-plan une discipline académique, mais qui n’en reste pas moins un enseignement de l’école obligatoire.
Parce qu’elle est généraliste et qu’elle s’appuie sur les travaux d’autres chercheurs, la thèse de Joël Lebeaume est éclairante pour les didacticiens, experts et enseignants de toutes les disciplines. Ainsi le couple conceptuel enseignement-apprentissage, au-delà des contenus implique la prise en compte de la méthode, de la pédagogie, de l’élève et de ce qui construira du sens pour ce dernier. Un autre concept qui est approfondi par l’auteur est celui de curriculum disciplinaire qui se substitue à celui de programme ; enfin la notion de matrice tente d’intégrer la cohérence d’une discipline scolaire.
Un premier chapitre est consacré aux enseignements qui ont précédé la technologie : travail manuel à l’école élémentaire, activités manuelles à l’école maternelle... Mais la partie historique la plus intéressante est la période d’étude qui s’inscrit dans la configuration de l’école obligatoire à partir de 1959, au cours de laquelle le collège accueille progressivement tous les élèves. La technologie est par essence un discours sur la technique à travers le prisme des pratiques sociales de référence. Par exemple, alors qu’aujourd’hui, les ordinateurs, le multimédia, l’Internet font irruption dans notre quotidien, au lieu de prendre à bras le corps l’enseignement technique des nouveaux outils l’éducation technologique va mettre les élèves dans la fiction d’une entreprise higth-tech de l’information. Dans le même ordre d’idée cette éducation place les élèves dans des scénarios d’entreprise qui ne sont pas nécessairement ceux de l’utilisateur et du citoyen consommateur.
Née avec la modernité qui transforme les objets, la technique, l’économie, le travail, la vie quotidienne, les rôles sociaux, la technologie change régulièrement de contenus afin de trouver une forme scolaire stable. Ainsi, Joël Lebeaume note-t-il que, depuis trente-cinq ans, des textes de cadrage tentent, presque tous les cinq ans, d’en fixer les orientations. Les derniers textes datent de 1996... Il est donc urgent que politiques et décideurs étudient cet ouvrage et s’en inspirent car s’il devait y avoir de nouvelles orientations que ce soit après une sérieuse évaluation et la connaissance de l‘évolution passée et présente du champ disciplinaire, de telle sorte, qu’enfin l’éducation technologique fasse sens pour tous les acteurs et partenaires du système éducatif.
Pierre Gannac
Dominique Senore inspecteur de l’éducation nationale en charge d’une circonscription dans le premier degré s’interroge sur sa pratique et le sens de ses missions. Il se centre tout particulièrement sur l’acte d’inspecter.
Une approche historique, étayée par des entretiens et un travail d’enquête l’amène à mettre en évidence deux paradigmes qui ont fondé les pratiques de l’inspection. Le paradigme charismatique fonde l’action de l’inspecteur sur un modèle d’actions le conduisant à juger de la qualité des enseignants d’après des critères humains portant essentiellement sur leurs qualités personnelles. Avec le paradigme techniciste, l’inspection fonde sa légitimité sur l’utilisation d’outils techniques, outils d’observation et de contrôle.
La nécessité et le désir d’instaurer un autre rapport entre les inspectés et l’inspecteur, se concrétisant par « le passage d’un rapport de face à face à un rapport de côte à côte », fait émerger un troisième paradigme : le paradigme déontologique. L’inspection se définit alors en terme de développement des ressources humaines.
Après avoir développé cette nouvelle conception de l’inspection, l’auteur propose une ébauche d’un code de déontologie dont l’élaboration devra être collective, concertée et progressive.
Dominique Marchand
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