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Les « États généraux de l’éducation dans les quartiers populaires », troisième édition, se tenaient à Stains (Seine-Saint-Denis) les vendredi 29 et samedi 30 novembre. Ce n’était pas un événement ordinaire. Jean-Pierre Fournier y était pour les Cahiers Pédagogiques.
le 3 décembre 2019On commencera cette revue par des informations remontant du terrain pour ensuite s’intéresser au système et à l’orientation. Quelques ressources pour terminer.
Stains : les parents se mobilisent pour sauver l’éducation dans les quartiers prioritaires
“Après Montpellier et Créteil, les troisièmes états généraux de l’Education dans les quartiers populaires se tiennent ce samedi à Stains.”
Les Pennes-Mirabeau : intégrer l’écologie dans l’éducation des enfants
“Les élèves de deux classes de troisième du collège Sainte-Elisabeth ont décidé en octobre dernier d’organiser un temps de nettoyage des abords du collège, notamment le terrain en face de l’établissement, où ils s’entraînent régulièrement à la course d’orientation en Education Physique et Sportive.”
En Seine-Saint-Denis, « les élèves meurent, les enseignants se suicident… »
“Après le décès de Kewi et Djadje, les professeurs du lycée d’Alembert à Aubervilliers adressent une lettre au rectorat pour dénoncer la violence et exiger plus de moyens.”
Éducation. Attention, langues régionales en péril
“Venus de Bretagne, du Pays basque, de Corse, d’Alsace, ils étaient plus de 500, samedi 30 novembre, à défendre les langues régionales devant le ministère de l’Éducation nationale.”
Institutrice et catcheuse : des parents saisissent le rectorat
“Les parents d’élèves de l’école élémentaire de Belle-Assise à Clermont (Oise) ont découvert en septembre dernier qu’une institutrice était aussi catcheuse professionnelle. Une situation qui déplaît fortement à certains d’entre eux.”
“Et c’est ce reportage qui a mis le feu aux poudres. Des parents d’élèves ont découvert la "double vie" de celle qui enseigne à leurs enfants. Et ont jugé que son activité de catcheuse n’est pas compatible avec le métier de professeure des écoles.”
Entreprise-enseignement : des partenariats gagnants en Loir-et-Cher
“Près de 60 entreprises et des établissements d’enseignement supérieur de Loir-et-Cher se sont retrouvés, à Blois, pour renforcer leurs liens.”
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“Pisa 2018 confirmera t-il ou
Pisa : L’école française face à ses inégalités Par Marc Vignaud
“VIDÉO. Une étude de l’Institut Molinari chiffre à 43 milliards les économies possibles si la France s’aligne sur les pays d’Europe les plus performants.” Une vidéo mais aussi un long texte.
Le décret mettant fin au paritarisme est publié
“Tout fier, O Dussopt s’était fait photographié en train de le signer. Effectivement ce texte marque l’histoire. Après plus d’un demi siècle de paritarisme dans la fonction publique, le décret publié au journal officiel du 1er décembre tourne la page. Avec ce texte les fonctionnaires, et particulièrement les enseignants, tombent totalement entre les mais de leur chef immédiat sans autre possibilité de défense qu’une plainte en justice administrative mais sans possibilité d’avoir les informations nécessaires à cette plainte.”
Éducation nationale cherche profs désespérément
“Le nombre d’inscrits aux concours du CAPES 2020 recule de près de 8 %, confirmant le manque d’attractivité du métier.”
La réforme du bac et à ses effets sur la construction des parcours à l’université
Conférence à voir et écouter de plus de 2h 20, organisée par la DGESIP (direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle) !
Un nouveau format pour les rencontres de l’orientation au lycée de Gondecourt
“Les 1350 élèves du lycée Marguerite-de-Flandre étaient réunis pour assister aux rencontres de l’orientation et des métiers. Cette nouvelle formule mêle enseignement supérieur et monde professionnel pour aider les lycéens à y voir plus clair sur leur avenir.”
Besançon/ Orientation : La réforme du lycée change la donne
“Les jeunes l’admettent eux-mêmes la réforme du lycée, avec l’obligation de choisir trois options en classe de première et d’en garder deux en terminale, les oblige à réfléchir différemment leur orientation.”
Réforme du bac : pour leurs spécialités, ils ont choisi l’enseignement à distance
“Tout au long de l’année, l’Etudiant vous emmène dans différents lycées de France pour comprendre comment le nouveau bac est mis en place. Pour ce 3e épisode, rendez-vous dans un grand lycée privé de la région de Metz. Ici, les rares spécialités qui ne sont pas proposées en présentiel peuvent être suivies à distance. Une solution qui offre des libertés aux élèves, mais demande aussi de l’autonomie.”
Bac : Rien n’est prêt
“L’annonce d’un nouveau retard de la publication de la banque de sujets prévue pour les épreuves de contrôle continu qui démarrent en janvier apparaît comme inacceptable pour les syndicats. Elle fait l’unanimité contre elle car elle marque l’impréparation de la réforme du lycée. Les syndicats demandent l’annulation de l’épreuve de janvier.”
Ecole de la confiance vs lycée des inquiétudes
“Dans la série, « C’était pas prévu » j’ai déjà abordé, dans le précédent article, les interrogations autour du conseil de classe[1]. Dans celui-ci c’est un tweet du 29 novembre 2019 qui a attiré mon attention. Il a déclenché en à peine deux jours plus de 300 échanges, un long thread[2] ! Voici ce que « Monsieur Le Prof » écrivait et demandait : « Les crises de larmes et d’angoisse se multiplient dans mon établissement, notamment à cause de la pression des résultats, le fait qu’on demande aux élèves de faire des choix d’orientation plus tôt, etc. C’est que dans mon bahut ou bien on retrouve ça ailleurs ? » Et les réactions montrent qu’il ne s’agit pas d’un cas particulier !”
L’orientation des jeunes se digitalise avec ParcoursMétiers.tv
Les évaluations nationales et l’utilisation des résultats des élèves dans les pays nordiques (II). Suède. Entre pression du marché et absence de développement scolaire
“Dans la foulée de l’enquête PISA, le rôle de la réussite dans la compétition internationale a pris de l’importance en Suède dans la discussion sur l’assurance qualité, et dans les données suédoises, y compris dans le développement des évaluations nationales. Les élèves suédois ont obtenu d’assez bons résultats lors de la première étude PISA, mais les résultats n’ont cessé de diminuer lors des évaluations ultérieures jusqu’à ces dernières années.”
Bernard Desclaux
N° 556 - Sujets à émotions
Dossier coordonné par Florence Castincaud et Jean-Charles Léon
octobre 2019 Même si les émotions et le vécu font partie du processus d’apprentissage, le sujet doit les dépasser pour devenir sujet apprenant ou enseignant. Quels moyens didactiques et pédagogiques permettent de surmonter ces peurs d’apprendre ou d’enseigner ? Comment se former pour prendre conscience des affects dans la classe ?
N° 555 - Droits des enfants, droits des élèves
Dossier coordonné par Catherine Chabrun et Maeliss Rousseau
septembre-octobre 2019
La Convention internationale des droits de l’enfant aura 30 ans en novembre 2019. Quelles pratiques pédagogiques et quels partenariats développer pour que les enfants, y compris ceux en situation difficile à l’extérieur de l’école, soient acteurs de leurs droits, tout en respectant leurs obligations en tant qu’élèves ?
Encore un livre sur Gaston Bachelard dira-t-on, alors qu’ils ne manquent pas (comme en témoigne d’ailleurs l’abondante bibliographie qui termine cet ouvrage). Car c’est un livre de facture savante, écrit par un IA-IPR de l’académie de Nancy, titulaire d’un DEA de philosophie. Mais c’est un livre tout à fait original sur un homme au parcours ô combien singulier (et qui peut donc être riche d’enseignements surprenants) : Gaston Bachelard.
Bachelard a connu une certaine célébrité dans le monde universitaire et même dans le monde pédagogique en raison notamment de la notion de « rupture épistémologique » qui portait sur l’origine de certaines difficultés de la connaissance : une problématique intéressante pour les chercheurs et pour les enseignants. Il a été connu aussi (et peut-être davantage encore) pour ses considérations dans ce qui paraît a priori un autre domaine (bien à tort d’ailleurs) celui de l’imaginaire.
Jean-Michel Wavelet ne manque pas de revisiter tout cela à sa façon (il avait d’ailleurs consacré son mémoire de maîtrise de philosophie à la notion de « rupture » chez Bachelard) en deux forts chapitres : le chapitre 3 portant sur « le chemin de la science et des mathématiques ; la force du connaître » et le chapitre 5 portant sur « le chemin de l’imaginaire ; inventer et créer » (avec en intercalé, et ce n’est pas un hasard, le chapitre 4 portant sur « le chemin de la pédagogie ; apprendre en construisant »).
La première grande originalité du livre de Jean-Michel Wavelet, c’est qu’il ne sépare pas en fait le penseur de l’imaginaire de l’épistémologue des sciences contrairement à ce qu’il se passe dans la plupart des ouvrages consacrés à Bachelard.
La deuxième originalité de ce livre, comme le souligne à juste titre l’auteur dans sa conclusion, c’est qu’il montre que « éclairée par la pratique des sciences modernes, la pédagogie construite par Bachelard est centrale dans son oeuvre. Elle sert de trait d’union entre les sciences et l’épistémologie, comme en témoigne l’usage pédagogique puis épistémologique du concept d’obstacle ; elle sert aussi à repenser l’esthétique à travers une réflexion sur l’enseignement très raisonné de la rhétorique et de la littérature » ; C’est dire combien ce livre peut concerner les enseignants et les pédagogues au premier chef car c’est un aspect de l’oeuvre de Bachelard généralement négligé ou sous-estimé.
La troisième originalité de l’ouvrage de Jean-Michel Wavelet, c’est qu’il s’est intéressé de très près (et même avec passion) à la « construction » d’un homme remarquable que rien ne destinait à avoir le parcours qu’il a eu. Un exemple et une analyse qui peuvent être précieuses pour tout éducateur, surtout pour ceux qui se veulent « progressistes » et soucieux des trajectoires (pour ne pas dire du « destin », un terme qui serait en l’espèce fort mal venu) des enfants d’origines populaires.
Fils d’un cordonnier de Bar-sur-Aube, Gaston Bachelard a quitté l’école après l’obtention du baccalauréat pour travailler comme surnuméraire des postes à Remiremont. En dépit de la longueur de ses journées de travail, il se forme par lui-même et obtient une licence de mathématiques et de physique. A la veille de la guerre, il échoue de peu au concours d’ingénieur des télégraphes et des téléphones. Après 39 mois de tranchées, il débute à trente-cinq ans dans l’enseignement comme professeur auxiliaire de physique- chimie au collège de Bar-sur-Aube, tout en élevant seul sa fille après le décès de sa jeune femme et de ses parents. Et c’est donc à 38 ans qu’à la tête d’une famille monoparentale Gaston Bachelard commence une carrière de penseur hors-norme.
Pour Jean-Michel Wavelet, l’oeuvre produite par Bachelard s’inscrit dans un parcours accidenté qui contribue en retour à son originalité. Ce parcours accidenté a été considéré par beaucoup de biographes ou de commentateurs de Gaston Bachelard comme accidentel. Et c’est pourquoi ils passent rapidement là-dessus, bien à tort comme le montre l’auteur, en particulier dans le chapitre 2 : « le chemin de la technique ; la fabrique de la pensée ». Bachelard n’a cessé la pratique télégraphique qu’au bout de seize années et Jean-Michel Wavelet met en évidence que quelque chose de fort s’est joué dans ce monde alors prestigieux et aux contraintes techniques exigeantes : « avant le désir de philosophie, il y eut la tentation technologique en vertu de laquelle on ne s’instruit que de ce que l’on construit. Loin d’être accidentelle, cette expérience s’inscrit dans la continuité d’une histoire et se révèle déterminante dans la construction d’une pensée aussi originale que dynamique »
Mais il ne faudrait pas non plus oublier le rôle de « l’imaginaire » pour ce penseur hors norme qui s’est particulièrement illustré dans ce domaine. Trois chapitres y sont consacrés. Le premier : « tracer sa route en rêvant sa vie ; ouvrir l’avenir » ; le chapitre V (on l’ a déjà évoqué) et le dernier chapitre, comme un fait exprès : « le chemin des rêves, vivre les rêves ».
On allait oublier de mentionner un chapitre, le chapitre 6, et il a pourtant un titre et surtout un sous-titre tout à fait significatifs et au total centraux : « le chemin de la philosophie, la construction de soi ».
Tout est annoncé et dit. Il suffit maintenant de lire.
Claude Lelièvre
le 2 décembre 2019L’Éducation nouvelle semble par son singulier désigner un mouvement uniforme et doté d’un corps de doctrine pédagogique. Il n’en est rien et le principal mérite de cet ouvrage est de montrer comment quelques-uns de ses acteurs ont su créer des réseaux avec des cercles plus ou moins proches et inscrire leur cheminement dans des temporalités longues, toujours contraintes par les contextes d’un XXe siècle chaotique.
L’Éducation nouvelle se résume trop souvent à une hagiographie dont les héroïnes et les héros terrasseraient les moulins à vent d’une instruction caporalisée et belliciste. Que l’on se rapporte au succès de tous les produits qui se réclament de Montessori ! Choisissant le contre-pied scientifique de ce stéréotype, cet ouvrage résulte d’un symposium organisé à l’occasion des Rencontres internationales du réseau Éducation et Formation (REF) en 2017 à Paris selon une autre logique : quels sont les itinéraires (pour ma part, je parlerais plutôt de cheminements tant ils comptent d’imprévus et d’imprévisible) et les connexions (ou réseaux, voire le « réseautage », comme disent nos amis québécois) entre ces acteurs ?
L’introduction rédigée par les trois responsables de l’ouvrage explicite les choix faits en fonction des objectifs choisis qui visent, si je puis m’exprimer ainsi, une abolition du culte de la personnalité de « grands pédagogues ». Il ne s’agit certes pas d’aboutir à une dilution de leur œuvre mais plutôt de comprendre comment se sont faits et parfois défaits puis refaits des mouvements qu’une commodité linguistique réduit souvent à un seul nom de famille comme celui de Freinet en oubliant le rôle majeur d’Élise Lagier-Bruno dont « l’itinéraire intellectuel » (p. 63) est établi par Xavier Riondet dans un chapitre passionnant. Ses rencontres hebdomadaires avec Carmen Montès recrutée à Vence en 1975 ont permis le maintien d’une certaine orthodoxie dont on sait combien les différentes branches du « mouvement Freinet » se réclament. C’est ainsi que se construit une « évolution épistémologique en histoire de la pédagogie » (p. 15) en relation avec une association « Héloïse, itinéraire des pédagogues européens » (ibid.) et un site (http://pedagogues-heloise.eu/).
Composé de dix chapitres, dont trois consacrés à la saga Freinet, l’ouvrage est bien sûr inégal et la présence du dernier texte consacré à un inspecteur général québécois et à sa mission en Europe semble d’autant plus déplacée de l’aveu même de son auteur (« la thématique de l’Éducation nouvelle [n’est] pas évoquée dans son rapport », p. 242) qu’il existe au Québec des écoles alternatives depuis le XXe siècle. Il eût été plus pertinent d’étudier leurs liens, leurs connexions, même tardives, avec le mouvement de l’Éducation nouvelle. Mais, fort heureusement, tous les autres chapitres se penchent sur l’objet posé dans le titre. Il est d’ailleurs intéressant de noter que chaque itinéraire se détermine selon des caractéristiques contextuelles : la famille pour les Freinet, les Geheeb, la construction de réseaux formels ou informels comme pour Madeleine Guéritte, Ovide Decroly et le Bureau international d’éducation avec des luttes intestines entre Jean Piaget et Adolphe Ferrière ou encore une forme d’habileté contrainte pour Marakenko contraint, selon Jean Rakovitch, de s’aligner sur les positions du Comité central du parti communiste de l’URSS en dénonçant la « pédologie ». Plus complexe, l’itinéraire de Maria Montessori s’inscrit dans l’histoire de l’Italie, à un moment où il s’agit de « faire les Italiens » (p. 117) mais aussi dans les contraintes de son éducation où la médecine étant interdite aux femmes. Il lui a fallu contourner cet obstacle, d’où une double approche médicale et sociale et un engagement pour une « révolution de l’individu » (p.121). L’étude des bulletins de l’Association Montessori France permet de suivre le développement dans ce pays à partir des années 1950 d’un mouvement qui reste assez éloigné de l’Éducation nouvelle, à deux exceptions près qui sont présentées comme « notables » (p. 133) : liens avec l’Organisation mondiale pour l’éducation préscolaire à l’occasion d’un travail sur la paix et avec le psychanalyste André Berge, fondateur de l’École des parents et des éducateurs.
Finalement, que retenir de cet ouvrage ? En premier lieu, une tentative de refondation épistémologique de la recherche sur ce qui s’est appelé « Éducation nouvelle », et qui, parfois, continue de s’appeler ainsi un siècle plus tard. Quelques traits communs apparaissent dans les contenus, les objectifs et les pratiques mais il s’agit bien d’une nébuleuse où chaque groupe a pu se constituer mais aussi se démarquer des autres. Ainsi, les efforts du Bureau international de l’éducation pour instaurer la paix en s’appuyant sur la neutralité contrastent avec l’engagement de la « position philosophique et libertaire » (p. 61) de Célestin Freinet. Par ailleurs, il n’est que très peu question de pédagogie dans cet ouvrage. Est-ce un choix des auteurs et du symposium ? Il est vrai que le parti-pris de se fonder sur les itinéraires et les connexions ne peut que se traduire par une vision macroscopique couvrant plusieurs dizaines d’années, dépassant même le cadre de l’approche biographique. Enfin, l’occasion qui a réuni les historiens et spécialistes des mouvements pédagogiques se renouvellera sans doute et les lecteurs ainsi que les lectrices des Cahiers pédagogiques ne peuvent qu’espérer que cette approche des liens entre tenants de l’Éducation nouvelle soit, à l’occasion d’un prochain symposium, consacrée à l’analyse comparée des traces de l’activité dans les classe des écoles ou dans les lieux d’éducation mis en place puis maintenus par les continuateurs de ces mouvements. Le travail des spécialistes ne se contenterait plus alors d’indiquer des cheminements ou d’explorer des réseaux enchevêtrés et porterait sur des pratiques réelles illustrant, par exemple, le passage d’une référence naturiste qui peut intriguer (« la culture du corps nu », p. 150) à une éducation à l’environnement ou encore la promotion de la paix omniprésente entre les deux guerres mondiales qui serait remplacée par des exigences d’éducation à la citoyenneté plus complexe et plus complète.
Richard Etienne
le 2 décembre 2019Les rencontres desquelles est né cet ouvrage cherchent à mettre en évidence les divergences et les continuités existantes dans les différents contextes, suisses, français, belges, italiens. C’est une photographie actuelle de cette double logique en formation, en tension, parfois contradictoire, parfois se complétant l’une l’autre : Questionner et valoriser le métier d’enseignant. Questionner les pratiques, remettre en question, déstabiliser, émettre un doute pour faire naître l’interrogation d’une pratique fixée, sans pour autant fragiliser les formés. Valoriser ce qui existe, renforcer les réussites, les essais, sans figer ces mêmes pratiques soumises à l’évolution constante de la société. Questionner ou valoriser, questionner et valoriser…
Ainsi, à travers les trois premiers chapitres, la première partie de cet ouvrage pose la question centrale de la contrainte entre reconnaître l’expertise et la développer. Quels sont les contextes propices au questionnement qui aident à définir les pratiques ? Notamment dans le premier chapitre où les auteurs Antoine Derobertmasure, Marie Bocquillon et Marc Demeuse font un état des lieux des tensions entre les deux approches instructionistes et (socio)constructivistes. Leur propos les menant à conclure qu’il serait bien plus bénéfique de valoriser le savoir enseigner des enseignants et le questionnement par la recherche. Nous naviguerons par la suite entre la France et l’Italie par un comparatif sous l’angle des politiques de formation puis par une vision Belge de cette problématique.
La deuxième partie du livre, rentre dans le détail en se demandant pourquoi et comment questionner et/ou valoriser les pratiques. Dans le chapitre 5, les auteures Sylvie Fortier et Geneviève Therriault nous emmènent dans les certitudes théoriques puis les doutes pratiques d’une jeune stagiaire qui fait le cheminement vers un métier plus réaliste. Elles mettent en évidence qu’un questionnement des conceptions initiales et une explicitation des croyances peut sans doute aider les formés à appréhender plus facilement la tension entre l’idéal et la réalité du métier. Car c’est bien dans cette réalité du métier que prend vie la formation. Mis en évidence également par Olivier Maulini et Carole Veuthey dans Indignés, vous ?, où l’on se rend compte que l’observation par les stagiaires doit passer souvent par l’indignation pour trouver le questionnement.
Les textes de la troisième partie cherchent à sécuriser le débat afin de mieux questionner les formateurs et les formés. Ainsi, Stéphane Colognesi et Catherine Van Nieuwenhoven nous expliquent comment les formateurs de terrain – maîtres de stage, associé ou praticien formateur selon les pays – sentent qu’ils sont livrés à eux-mêmes, font « comme ils peuvent » pour accompagner leur stagiaire en même temps qu’ils exercent une forte influence sur les formés. La création d’un groupe de recherche volontaire a renforcé ainsi le sentiment de compétence dans l’accompagnement des stagiaires, en se rassurant sur les pratiques existantes, mais a aussi remis en question certaines pratiques pour les faire évoluer.
La dernière partie de cet ouvrage termine cette réflexion par le point de vue des formés sur la formation. On navigue entre l’analyse de la formation continue et le point de vue des enseignants dans leur posture de formés (Marguerite Altet, Pascal Guibert et Vincent Troger), avant d’avoir le point de vue des étudiants en France (Pierre Périer) « Pour s’engager faut-il bien percevoir, douter et être rassuré ? ». Les étudiants qui, d’un coté pensent que la formation ne les prépare pas complètement, ne se détournent pourtant pas de celle-ci.
Melissa Rahel
le 2 décembre 2019Le départ de la réflexion est matérialisé par ce dessin de Courbet, placé en exergue du livre, qui représente un portrait de Juliette Courbet enfant dormant sur un livre ouvert, et dont l’ambiguïté de l’interprétation est discutée dès les premières pages : est-ce un trop plein de satisfaction qui a mené à ce bienheureux sommeil ou au contraire un ennui irrépressible ? Ainsi La séduction de la Fiction, titre de l’essai de Jean-François Vernay, ne pose pas une évidence, et pourrait s’envisager avec un point d’interrogation. Le livre se donne pour objectif de répondre à trois questions : qu’est-ce qui séduit le lecteur ? Qu’est-ce qui, au contraire, peut rebuter certains non-lecteurs ? Et enfin, dans une orientation plus pédagogique, comment donner à ceux qui ne l’ont pas l’appétence pour la lecture ? Voilà le triple et ambitieux projet de cet essai. C’est ainsi que vont être convoqués tous les domaines de la recherche, théories littéraires, narratologie, stylistique, psychologie, psychanalyse et autres neurosciences.
Les écueils existent, car aborder une notion aussi polysémique que la lecture qui relève à la fois d’un processus, d’un procédé, d’une activité voire d’un phénomène n’est pas aisé, et nécessite bien cette ouverture d’esprit qui permet de traiter la question de façon multimodale.
Tout d’abord quelle lecture ? La liste au début du chapitre III a de quoi nous amuser. On y découvre des « lecture-critique », « lecture inspirée », « lecture sémantique », « lecture au premier ou au second degré », « lecture en progression »… et même une « lecture ordinaire » qui dans le flot peine à se faire une place. Cependant si la quantité prête à rire, elle émane de noms incontestables de la réflexion littéraire comme Umberto Eco ou Vincent Jouve, ce qui donne un aperçu de la subtilité que le traitement du problème requiert. De son côté, l’auteur va s’intéresser essentiellement à deux pôles : ceux de la « lecture en amateur/lecture en professionnel », et de la « lecture hédonique/lecture anti-hédonique ».
Mais la lecture c’est aussi la question de l’objet-livre, à plus forte raison s’il s’agit d’interroger les ressorts d’une entreprise de séduction. Or cet objet est bien d’une grande complexité : ses couleurs, son odeur, sa texture, mais aussi la communication publicitaire dont il se fait parfois le porteur, citations d’articles élogieux ou photographie de l’auteur en quatrième de couverture. C’est donc par lui-même, ou bien parce qu’il nous relie à l’auteur, ou enfin pour les vies et les aventures qu’il recèle – et souvent pour tout cela à la fois et bien plus – qu’il nous attache et qu’il nous séduit.
Ainsi la relation alchimique qui se noue entre le lecteur et le roman est d’autant plus subtile que lecteur et roman ne font pas partie de la même réalité : si le premier appartient au réel, le second, en revanche, relève en partie du monde fictif qu’il s’est créé (personnages, narrateur et diégèse), et en partie du réel (auteur, livre-objet). On voit déjà là une ambiguïté des liens entretenus entre réalité et fiction. Or pour compliquer la situation, le roman met aussi en scène des éléments qui reflètent-représentent-évoquent le réel. D’ailleurs on ne peut que s’extasier sur le nombre de romans qui traitent de … la lecture de romans et dans lesquels l’auteur va puiser une partie de ses exemples, notamment Misery de Stephen King, La Voleuse de Livres, de Zusak ou encore La Vie critique d’Arnaud Viviant. Plongée abyssale dans la spécularité qui peut donner le vertige, mais qui nous éclaire au moins sur la nature des différents problèmes qui se posent. C’est tout l’objet notamment de la démonstration du chapitre II section 3, « la fin du paradoxe de la fiction », qui réduit une fois pour toute cette question de la réalité de l’émotion ressentie au contact d’un personnage de papier.
Les neurosciences nous permettent, nous dit l’auteur, de poser une réalité physiologique de l’émotion ressentie à la lecture d’un roman, de l’empathie et même de l’identification au personnage. Aristote avait déjà l’intuition d’un effet corporel de la tragédie à travers la notion de catharsis, les sciences actuelles permettent d’aller plus loin dans cette modélisation et de considérer, avec J-M. Schaeffer, abondamment cité dans l’essai, qu’« une théorie des émotions esthétiques ne saurait se distinguer d’une théorie générale des émotions » (p.113). Autrement dit, qu’elle soit liée à un événement réel ou de papier, l’émotion est toujours identique : selon les cas, afflux d’adrénaline, d’ocytocine ou autre dopamine dans le sang. Nous apprenons aussi grâce à la découverte de Giacomo Rizzolati des « neurones miroirs », que les zones d’activités de notre propre cerveau s’activent lorsqu’elles sont confrontées à cette activité, même si c’est en spectateur. Le phénomène d’empathie n’est donc pas une chimère, le lecteur attentif vit littéralement ce que vit le personnage auquel il s’est attaché.
C’est ainsi dans cet entre-deux pas tout à fait réel mais agissant sur le corps que se situe, d’après l’auteur, le charme puissant de la lecture. C’est là que la fiction développerait ses fonctions séductrices et ce serait par le plaisir cérébral polymodal que la magie opèrerait : effet anxiolytique, création de décrochage attentionnel, assouvissement de pulsions voyeuristes, stimulations cognitive et émotionnelle, expérience de l’altérité sans se perdre soi-même, autant d’expériences créatrices de plaisir.
Un essai, si fourni, pourrait être pompeux et pesant. Il n’en est rien.
La Séduction de la Fiction évoque ce ton si particulier des Salons du XVIIe siècle, où il était aussi nécessaire d’être savant que d’être léger. L’humour n’y manque pas et l’auteur ne se refuse pas quelques élégantes gauloiseries, qui pour être situées en dessous de la ceinture, n’en sont pas pour autant gratuites. En effet, elles disent le plaisir érotique de la lecture : possession, pénétration, fusion. Ainsi peut-on lire à la page 69 (!) « notons que l’organe cérébral se veut néanmoins le plus grand allié des lecteurs puisque pendant l’acte (!) de lecture il devient une fabrique organique à plaisir, notamment par le biais de la dopamine et des endorphines, autant de petits plaisirs solitaires dont l’homme ne se lassera jamais. »
Les derniers chapitres sont consacrés à des propositions pédagogiques, conclusion de tout le discours précédent. Bien au fait des dernières réformes et de leurs philosophies implicites, l’auteur salue le retour timide mais sensible de la prise en compte de l’émotion dans le rapport à la lecture et son enseignement à tous les niveaux. L’essentiel de ses propositions, qui citent notamment Jean-Marie Schaeffer, Annie Ernaux ou Yves Citton, tourne autour de la focalisation sur l’acte de création : inviter les élèves à écrire pour mieux appréhender toutes les questions qui se posent et éventuellement mieux en apprécier les réponses données par l’œuvre, limiter les « morceaux choisis » au profit d’oeuvres complètes qui seules ont légitimité à s’appeler littérature, ne pas hésiter à proposer des écrits dits d’appropriation – terme adéquat actuel mais non utilisé par l’auteur — qui permettent le création autour d’une œuvre…
Mais au-delà de ces pistes, (il ne faut pas s’attendre à lire un manuel de pédagogie), la plus belle leçon est en acte : l’auteur réussit à nous amuser, nous divertir, nous séduire. Il y a dans ces pages un appétit et une joie de vivre et de lire irrépressibles et communicatifs, qui nous donnent un peu d’enthousiasme dans ces temps de marasme littéraire.
Elsa Clément
le 2 décembre 2019Le « Réseau français des villes éducatrices » (RFVE) est un réseau d’élus qui ont la volonté de développer des projets éducatifs locaux au service de l’ensemble des populations. Les 21 et 22 novembre dernier se tenaient leurs Rencontres nationales. Damien Berthilier, président du Réseau, fait le point.
le 30 novembre 2019
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