Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Régression budgétaire : Carton rouge !

Président de la FCPE, vous avez lancé une opération « carton rouge » pour protester contre le budget de l’Éducation nationale en y associant diverses forces, notamment syndicales. Pouvez-vous nous dire le sens de votre démarche et pourquoi vous affirmez qu’il s’agit d’un budget de régression historique ?

– L’opération « carton rouge » n’a pas été lancée à la seule initiative de la FCPE. Elle est le résultat d’une réflexion collective, que souhaitait impulser la FCPE, et qui s’inscrit dans un double contexte qui aura des conséquences directes, à court et long terme sur l’avenir de notre système éducatif : la préparation du budget 2005 et l’élaboration de la future loi d’orientation sur l’éducation.
Il s’agissait donc de rechercher collectivement un moyen original de mobiliser l’ensemble des citoyens sur la défense de l’école publique et de ses valeurs, en montrant en effet qu’il s’agit d’une régression budgétaire historique, en ce sens que, pour la première fois, le budget de l’Éducation nationale est en baisse constante depuis trois ans consécutifs.
C’est le message que lycéennes et lycéens, parents, personnels de l’Éducation nationale veulent que la Nation adresse au gouvernement, en associant naturellement à cette action les mouvements pédagogiques et d’éducation populaire qui le souhaitent.

Que répondez-vous au reproche qui pourrait vous être fait (et qui est fait par certains) d’en rester à une logique quantitative et d’isoler la question des moyens de leur affectation, en particulier en vue d’une École plus égalitaire ?

– La FCPE a toujours subordonné l’attribution de moyens à la définition préalable d’une politique d’éducation. Elle n’a jamais joint sa voix au concert de ceux qui en réclament toujours plus, quitte à savoir ce qu’on en fera… après.
Les parents d’élèves, au contact quotidien des établissements scolaires, sont d’ailleurs bien placés pour témoigner que l’augmentation des moyens reste stérile si elle ne s’accompagne pas d’une profonde transformation des méthodes et des pratiques.
Mais ils savent aussi qu’il y a une limite à une prétendue saine gestion des deniers publics : lorsqu’un déficit d’encadrement conduit à une dégradation de la vie collective dans les établissements scolaires, lorsque la continuité pédagogique est rompue par le manque de personnels remplaçants, lorsque la suppression de filières réduit le choix des élèves engagés dans la voie professionnelle, alors c’est bien la qualité du service public d’éducation, c’est-à-dire sa capacité à assurer la réussite de tous les élèves, qui est en jeu.

Comment articulez-vous cette démarche avec la réflexion plus globale sur l’évolution de notre École, à un moment où vous prenez des positions – notamment sur le rapport Thélot, et en prévision de la nouvelle loi d’orientation – qui vous amènent d’ailleurs à ne pas être forcément en accord avec certains signataires de l’appel « carton rouge » ?

– La FCPE a exprimé un avis positif sur le rapport de la mission Thélot. Nombre de ses préconisations, qui recoupent des principes affirmés dans le projet éducatif de la FCPE, sont porteuses de profonds changements : par exemple une scolarité obligatoire sans rupture, organisée en cycles et fondée sur un socle commun d’exigences, une redéfinition de la mission des enseignants autour d’un meilleur accompagnement des élèves, une politique volontariste d’éducation aux choix, une reconnaissance effective des parents d’élèves comme membres permanents de la communauté éducative.
Autant de mesures qui relèvent au moins autant d’une évolution majeure des mentalités que d’une attribution de moyens correspondants.
C’est en tout cas ce que nous disons sans ambages à nos interlocuteurs.
Se retrouver ensemble, à chaque fois que cela est possible, sur des objectifs qui font accord même s’ils sont limités, c’est aussi une façon d’avancer pas à pas, vers des transformations partagées, profondes et durables pour qu’un jour il n’y ait plus aucun jeune qui se sente humilié, relégué, exclu par l’École.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk