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(Re)penser l’acte d’apprendre. La gestion mentale : une réponse aux défis éducatifs

En introduction de cet ouvrage dense Yves Lecocq fait le point sur son parcours de pédagogue, les théories qui ont fondé sa pratique, les influences qui l’ont colorée, et le terme n’est pas choisi au hasard car le livre est illustré de 42 schémas très colorés justement qui reprennent, synthétisent et permettent de visualiser les propos développés.  Il revisite les approches philosophiques, psychologiques et scientifiques de l’acte d’apprendre d’où émergent cinq lignes de fracture qui opposent, pour lui, les conceptions traditionnelle et moderne de l’enseignement.

Dans une première partie il aborde six débats sur lesquels s’affrontent volontiers « réac-publicains » et « pédagogistes » : la place de la mémorisation, l’approche par compétences, l’enseignement explicite, la différenciation pédagogique, la pédagogie inversée, les dispositifs de remédiation… Pour chacune de ces questions il montre comment la gestion mentale peut fournir des réponses dialectiques qui permettent de s’élever au-dessus des stériles clivages idéologiques, et ainsi se présenter comme une méta-pédagogie. Il se positionne aussi sur deux questions vives pour les enseignants : le défi numérique et le défi neuroscientifique.

Dans une deuxième partie l’auteur met en cohérence ces approches pour définir le statut de la pédagogie et la posture de l’enseignant dans le cadre d’une action pédagogique sous-tendue par le concept de la double interaction : l’axe vertical relie le vécu subjectif des situations d’apprentissage à la modélisation explicative qu’on peut en proposer alors que l’axe horizontal explore la synergie entre les ressources propres  à l’apprenant et l’impact de son environnement. Il distingue les pédagogies « en 3e personne » fondées sur l’observation de l’apprenant, et les pédagogies « en 1re personne » fondées sur l’introspection cognitive. Il insiste sur la nécessité d’articuler la transmission des incontournables, des passages obligés dans les processus d’apprentissage, et la construction par l’apprenant de ses processus spécifiques en fonction de sa personnalité cognitive.

Le Président de l’Institut International de Gestion Mentale reprend les grands concepts de la gestion mentale, à commencer par l’évocation, avec une « fidélité inventive » selon le mot de Guy Avanzini qui écarte radicalement toute approche caricaturale du type « visuel/auditif » sur laquelle s’appuient les principaux détracteurs d’Antoine de la Garanderie. Il explicite le paradigme du philosophe à partir de cette double interaction : la personnalité cognitive confrontée à une tâche, le vécu subjectif et sa modélisation. Il insiste sur le projet de sens qui structure les cinq actes de connaissance : attention, compréhension, mémorisation, réflexion et imagination créative. Il montre qu’au-delà de ses fondements phénoménologiques cette théorie de  l’action pédagogique donne des moyens de repérer les sources des difficultés et d’aider l’apprenant à y remédier par une prise de conscience des composantes négligées de l’acte d’apprendre. Yves Lecocq tente enfin une analyse constructive des critiques adressées à la gestion mentale pour pointer les dérives à éviter.

Ce livre offre une grille d’analyse qui permet effectivement de repenser l’acte d’apprendre, de se situer dans les grands débats actuels et de revisiter les apports de la gestion mentale qui nous apparaît ici d’une remarquable modernité quand certains la présentent comme une vieille dame moribonde.

Nicole Bouin