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Questions au(x) programme(s)

Les programmes scolaires définissent des contenus d’enseignement communs à chaque école, collège et lycée du territoire national, et sont à ce titre des références indispensables pour les professeurs comme pour les parents. Ils sont cependant l’objet de critiques récurrentes, plus ou moins justifiées, de débats publics plus ou moins vifs : toujours trop lourds ou jamais assez complets ? Infaisables ou trop peu ambitieux ? Démodés ou trop souvent modifiés ? Les enseignants, soucieux de bien « faire le programme », mesurent l’écart entre les intentions généreuses et les incohérences des textes officiels. Un des projets de ce dossier est de montrer comment, malgré tout, les enseignants les cuisinent de façon créative, en évitant de les couper en tranches, mais en n’oubliant ni le temps de cuisson, ni surtout les convives. Il s’agit de voir également comment, dans la pratique, ils sont mis en relation avec ces autres lignes de guidage au menu de l’enseignement que sont les examens de l’année en cours, les projets envisagés avec la classe, les compétences à travailler.

En 1991, le dossier des Cahiers pédagogiques n° 298 consacré aux contenus d’enseignement s’était centré sur la question de l’évolution des champs disciplinaires, des savoirs à enseigner. Depuis, l’instauration du socle commun et l’introduction de la notion de compétences à tous les niveaux de la scolarité ont bousculé la logique des programmes et des examens. Les prescriptions officielles s’empilent, au risque de la confusion et de l’incohérence, et les enseignants peuvent avoir l’impression que l’institution s’en remet à leurs initiatives pour ajuster tout cela : ainsi, en fin de collège, l’essentiel est-il de terminer le programme, de préparer aux épreuves du brevet pour les disciplines concernées, ou de préparer la validation des sept compétences du socle commun ? Comment présente-t-on tout cela aux élèves, à leurs parents ?

Sans doute faudrait-il d’abord faire évoluer les modalités de conception des programmes : l’initiative de la définition du contenu du socle commun est parlementaire, avec la loi de 2005, alors que les programmes disciplinaires restaient l’apanage de l’inspection générale. Il s’agit d’une vraie question pour notre démocratie : par qui et comment les programmes doivent-ils être préparés ? Quelle place pour les universitaires spécialistes des disciplines, pour les politiques, pour l’administration, pour les enseignants plus ou moins consultés ? Qui doit, qui peut définir les contenus d’enseignement, les apprentissages indispensables au citoyen du XXIe siècle ? Il est essentiel que le Conseil supérieur des programmes prévu par la nouvelle loi d’orientation ne se contente pas d’une mise à jour de l’existant, mais définisse des objectifs fondamentaux clairs pour les apprentissages, en cohérence avec les autres dimensions de la refondation de l’école.

Les contributions de ce numéro montrent l’importance des programmes dans la conception que les professeurs se font de leur métier, de leur travail avec les élèves, dans leurs pratiques d’enseignement. À ce titre, ils constituent pour l’institution un levier majeur des évolutions nécessaires du système scolaire, et doivent être pensés et mis en œuvre comme tels.

Françoise Colsaët
Professeure de mathématiques en lycée à Cavaillon (Vaucluse), membre du comité de rédaction des Cahiers pédagogiques.

Jean-Pierre Fournier
Professeur d’histoire-géographie, actuellement coordonnateur de réseaux d’éducation prioritaire à Paris, membre du comité de rédaction de la revue N’autre école.