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Questions à Claude Azema

Madame Claude Azema, vous avez déclaré lors de votre conférence de presse qu’il était plus important de changer les comportements que de faire des réformes de structure. 

En effet. Nous baignons par exemple dans une culture de la notation. Or, les notes désespèrent. On ne peut pas en permanence présenter aux élèves un but qui s’éloigne comme un mirage, indéfiniment. Il s’agit, pour leur redonner le goût d’apprendre et le sens de l’effort, de leur assigner des objectifs qu’ils peuvent atteindre, que l’on peut vérifier et qui soient évalués de façon formative, pas seulement avec des notes.

Il y a pourtant là un problème de structure puisque les examens et le cloisonnement des disciplines induisent ce comportement normatif. 

En effet, il faut fluidifier les parcours, établir des passerelles, fonctionner plus par unités de valeur que dans une logique du « tout ou rien ». Il va être nécessaire d’inventer les conditions d’une acquisition progressive des savoirs parce que le système d’« acquisition tout au long de la vie » qui va être mis en place dans le cadre européen va rétro-agir sur la formation initiale. On ne peut pas avoir un bloc de formation initiale complètement monolithique et espérer que le reste puisse s’articuler. Si on avait un système ultra-sélectif mais ultra-efficace, qui serait le meilleur d’Europe, je dirais qu’après tout il a sa justification. Là il ne l’a pas.

Pour ce qui concerne la définition du tronc commun des connaissances et des compétences, vous préconisez une forme de modulation régionale…  

Au niveau des programmes nationaux, il est évident qu’il y a des choses incontournables, pensées en fonction de l’âge et des objectifs à atteindre. À côté de cela il faut laisser aux élèves un peu de respiration pour leur offrir la possibilité de profiter par exemple du patrimoine de leur région. Il ne s’agit pas de rajouter des cours mais de libérer un espace de liberté et d’initiative. D’ailleurs, les itinéraires de découverte vont dans ce sens-là. Si on fait des filières, même pensées d’une bonne manière, on sait que, par la lourdeur du système, elles vont dégénérer en filières étanches. C’est ainsi que ça se passe depuis cinquante ans !

 Que pensez-vous des mesures prises par l’actuel gouvernement pour combattre l’absentéisme et l’incivilité à l’école ? 

Nous nous sommes déjà prononcés en 1995 et en 1997 à l’occasion de l’évaluation des politiques publiques en matière de grande pauvreté et à propos du projet de loi sur la cohésion sociale. Nous avons dit clairement que supprimer les allocations familiales aux familles qui sont en grande difficulté c’est les enfoncer un peu plus dans la misère.

Nous disons dans notre avis que les mesures répressives doivent intervenir en ultime recours. Il ne s’agit pas d’en faire un mode d’éducation ni un système d’enseignement. En revanche, il est évidemment nécessaire de prévenir cette violence qui progresse. Nous disons aussi qu’il existe nombre d’établissements qui, après avoir été la proie de la violence, ont retrouvé une atmosphère plus paisible. Ce sont des établissements, notamment dans les ZEP, où l’équipe éducative travaille comme une vraie équipe. Enfin, nous ne sommes pas du tout d’accord sur les suppressions de postes de surveillants, nous avons précisé que la présence renforcée d’adultes, notamment de surveillants, était de nature à favoriser l’écoute des élèves. Certes, des retraités ou des mères de familles devraient pouvoir jouer un rôle dans le système éducatif, mais certainement pas pour remplacer les surveillants comme cela vient d’être préconisé.