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Quelles réponses à la délinquance des jeunes ?

Plusieurs éclairages ont été donnés à travers des interventions d’une grande richesse, de juristes, de responsables de la prévention de la délinquance ou d’éducateurs, et bien sûr de Jean-Pierre Rosenzveig, un des organisateurs de la journée. Les nouvelles lois, et en particulier celle de l’été 2002 instituant notamment les centres d’éducation fermés ou remettant en cause certains aspects de l’ordonnance de 1945, ont été analysées de manière précise, sans discours enflammés et avec un souci d’objectivité et un sens des nuances. Les dérives ultrarépressives, qui auraient été en rupture complète avec la manière traditionnelle d’aborder la délinquance des mineurs ont été évitées au moins pour le moment, d’après J.-P. Rosenzveig, qui cependant se montre très sceptique par rapport au concept de « sanction éducative » et au rôle qui semble vouloir être donné aux centres fermés (ou ouverts-fermés…). Cependant, la tendance semble être de juger le mineur d’après les faits (risque de sanction automatique : tel fait, telle sanction), sans prendre en compte le contexte et la personnalité du jeune. Et Claire Brisset, défenseure des droits de l’enfant, s’inquiète, elle, d’un discours ambiant qui tend à nous faire considérer l’adolescence comme une sorte de « maladie sociale » et non comme une richesse.

Expliciter les règles du jeu

Les débats ont aussi tourné autour des concepts de « prévention », « répression », et « éducation ». Pour J.-P. Rosenzveig, il s’agit de prévenir le premier passage à l’acte, d’éviter surtout l’installation dans la délinquance. Ce ne peut être le rôle de l’enfermement qui ne peut jouer que sur la récidive (avec une efficacité douteuse). Et il s’agit moins de « rappeler » la Loi que, dans la mesure où il n’y a pas eu, pour beaucoup, de « premier appel », d’expliciter les règles du jeu, et d’abord les droits (dont découlent des devoirs, lesquels n’existent en démocratie que parce qu’il y a des droits à faire respecter).

On aura noté aussi l’intervention tonique du chercheur Laurent Mucchielli. Celui-ci est une des personnes les plus qualifiées actuellement sur le sujet. Il serait intéressant d’organiser des tables rondes et débats avec d’autres chercheurs qui ont parfois sur la question des vues un peu différentes (comme Sébastien Roché par exemple) et il faut se garder de tout argument d’autorité. En la matière, il faut vraiment partir des faits, d’enquêtes rigoureuses, et non d’idées préconçues, tout en sachant que les faits justement sont difficiles à établir clairement. Cependant, on commence à savoir que le nombre de crimes est stable en France (« on » n’étant pas l’opinion publique malheureusement), qu’il ne faut pas tout confondre et mettre sur le même plan le crime odieux et l’injure d’un jeune dans la rue ! En matière d’école, il ne faut pas oublier que les premières victimes des violences, ce sont les élèves, et avant tout de jeunes garçons. Les « tournantes » sont peut-être moins un phénomène nouveau qu’on ne le dit et il faut retrouver tout ce qui était dit dans les années soixante sur les blousons noirs, adeptes du viol collectif.

Non aux discours apocalyptiques

Cette connaissance de la réalité n’est bien sûr pas une façon de minimiser une réalité souvent dramatique et inacceptable, mais les discours apocalyptiques ne nous aident pas à réfléchir et à proposer des modes d’action efficaces.

L. Mucchielli remet aussi en cause le thème à la mode de la « crise de l’autorité » alors qu’il s’agit plutôt d’une « crise de légitimité ». Les institutions, cible de bien des agressions, doivent reconquérir une légitimité, notamment en retrouvant du sens et de la cohérence.

Enfin, il y a grand risque à isoler la délinquance de tout contexte social et politique. Il faudrait tout de même rappeler que s’il y a des jeunes dans les cages d’escalier qui gênent le voisinage en étant bruyants et incivils, c’est aussi parce qu’ils sont au chômage ; la reprise de l’emploi ne les a guère concernés. Ce type de discours est sans doute aujourd’hui difficile à faire passer, dès lors qu’il est disqualifié démagogiquement (« on veut excuser la délinquance », « on en a marre du discours intello-sociologico-parisien qui complique une réalité pourtant simple »).

Nous aurons l’occasion de revenir dans les Cahiers pédagogiques sur ces questions qui interpellent aussi l’école et qui sont d’une importance cruciale pour l’avenir de notre pays.

En attendant, on peut inviter nos lecteurs à aller voir sur le site www.rosenczveig.com qui recèle environ 300 textes et documents et un commentaire au débotté de l’actualité. On peut y trouver également les rapports annuels de DEI-France sur l’état des droits des enfants en France.

À noter :

Un outil proposé par J.-P. Rosenzveig, un jeu destiné à des enfants Place de la Loi Junion, réalisé avec le concours de l’OCCE et diffusé par Gallimard, collection Giboulées (en vente en librairie et magasins de jeux, 39,50 €).

Un intéressant ouvrage aux éditions Librio, Les Droits de l’enfant, par Françoise Martinetti (analyse documentée du texte simplifié des droits de l’enfant, élaboré par l’UNICEF).