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Quand apprend-on à se documenter ?

Dans mon collège, les séances d’accompagnement personnalisé en 6e sont alignées sur un même horaire, pour permettre une répartition des élèves par groupe de besoin et non par classe. Lors de la première séquence de septembre à fin octobre, les élèves ont alterné des séances de méthodologie de travail et des séances de découverte du collège. Au cours des deux séances au CDI (centre de documentation et d’information), ils ont découvert les lieux et manipulé le catalogue pour trouver des documents.

Consciente que cela ne suffisait pas, j’ai voulu élaborer des projets en partenariat avec des disciplines, pour une mise en pratique des découvertes et une appropriation des compétences info-documentaires. Mais dans un établissement où les enseignants sont peu habitués à travailler avec le professeur documentaliste, cela s’annonçait difficile. J’ai donc proposé d’animer un groupe d’accompagnement.

J’ai d’abord conçu une séquence en accord avec les collègues d’arts plastiques et éducation musicale, qui ont toutes les classes, en m’appuyant sur le programme d’histoire des arts en 6e, sur le référentiel publié par la Fadben (Fédération des associations des enseignants documentalistes de l’Éducation nationale) et sur le modèle d’apprentissage Imaip (information, motivation, action, interaction, production) de Marcel Lebrun. Lors de la première séance, je donne aux élèves une information sur les attendus et les compétences à acquérir au cours des séances. Ils doivent choisir un sujet, le questionner. Ensuite, j’introduis l’activité de recherche et de sélection des informations qui vont générer la motivation. Enfin, la production finale demandée, une affiche à présenter à l’oral par groupe de deux, suscite des échanges entre élèves. Ce travail est évalué grâce aux items du brevet informatique et internet et du livret personnel de compétences, et conservé dans l’espace personnel de l’élève sur le réseau informatique du collège, pour constituer la première partie du dossier « Histoire des arts » de l’élève pour le brevet.

Cette organisation écarte deux écueils majeurs : le manque de collaboration avec les collègues qui n’exploitaient pas les apprentissages, et la décontextualisation. Dans un précédent établissement où les professeurs de disciplines faisaient effectuer de nombreuses recherches avec le professeur documentaliste, j’avais constaté que, détachés d’un travail disciplinaire, les élèves ne savaient pas transposer et mobiliser les compétences acquises le moment venu. Fort heureusement, les élèves revenaient régulièrement. Conjointement, nous décidions en amont des objectifs disciplinaires à atteindre pour ce travail, et je profitais de l’occasion pour faire mobiliser des compétences documentaires vues, mais pas forcément acquises lors de l’initiation. Les modes de restitution et d’évaluation étaient définis ensemble. Toutes ces collaborations permettaient de renforcer les pratiques documentaires des élèves, mais aussi de travailler sur la restitution : affiche, exposé écrit, présentation orale avec ou sans diaporama. De cette expérience, j’ai acquis la conviction qu’il faut que le travail soit relié à un enseignement disciplinaire, qu’il soit évalué et réutilisé plusieurs fois pour que les élèves s’approprient les contenus de l’initiation.

Les difficultés du lycée

Grâce à ces collaborations, ces futurs lycéens seront peut-être plus autonomes et mieux organisés dans leurs travaux documentaires. Car, en poste dans un lycée entre 2007 et 2011, j’ai pu constater que les élèves n’étaient pas dotés des prérequis nécessaires à la mise en œuvre immédiate d’une recherche autonome. Pourtant, dans tous les collèges du secteur, des initiations et travaux de recherches avaient eu lieu. J’avais profité de la réforme du lycée de 2009 pour proposer, avec la collègue documentaliste, un enseignement expérimental d’initiation à la maitrise documentaire[[Voir notre article dans le dossier du n° 491 des Cahiers pédagogiques]]. Nous sommes parties du postulat que les élèves de 2de ont déjà acquis des compétences documentaires au cours des années de collège et savent trouver les informations qui leur sont nécessaires. Nous voulions mettre l’accent sur le tri et l’exploitation des informations, en vue de l’épreuve de 1re des TPE (travaux pratiques encadrés).

Les cinq séquences ont porté sur la démarche de recherche documentaire, l’exploitation de l’information, la lecture documentaire, la place de la démarche de recherche autonome dans la construction de son parcours d’orientation et le décryptage de l’information des médias. Les élèves ont été évalués chaque trimestre et leur moyenne, assortie des appréciations de leur enseignante, figurait sur le bulletin. En fin d’année, un questionnaire a été distribué aux élèves, afin de leur demander leur avis sur la façon dont cet enseignement a été mis en place. Il ressortait que la grande majorité des élèves estimaient avoir appris quelque chose. Ils disaient que cet enseignement leur avait été utile et ils le préconisaient pour les futurs élèves de 2de, mais plutôt comme un enseignement facultatif. Ils reconnaissaient néanmoins que s’il avait été facultatif cette année, ils ne l’auraient pas pris. On voit transparaitre là la théorie sur « la prise de conscience du besoin d’information : une compétence documentaire fantôme ? » http://andre.tricot.pagesperso-orange.fr/Tricot_BesoinInformation.pdf

Côté enseignantes documentalistes, nous avons dû insérer des séances consacrées à la manipulation des outils et à la connaissance des ressources disponibles pour combler les manques. Ensuite, une crispation sur la notation a engendré une absence de travail, faute de prise en compte de celle-ci dans la moyenne. Enfin, il a été bien difficile de faire comprendre aux lycéens que cet enseignement avait du sens, qu’il était directement applicable dans les cours d’ECJS (histoire-géographie et éducation civique) où ils devaient faire des recherches en vue d’un débat argumenté, en histoire-géographie ou, l’année suivante, pour l’épreuve des TPE. Une fois encore, je me heurtais au problème de transfert des compétences trop compliqué, même pour des élèves plus grands.

Françoise Rainaud
Professeure documentaliste au collège Lou-Vignarès de Vedène (Vaucluse)