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Propositions pour la formation des enseignants à la dimension européenne

Dans cette perspective, le temps de la formation initiale est un moment privilégié, puisque c’est pendant cette période et au travers de l’encadrement de l’Etat que vont être jetées les bases des premiers savoirs professionnels. Les programmes font référence à l’Europe, certes, mais sur quels documents le professeur pourra-t-il s’appuyer, compte tenu que le manuel est considéré par le jeune stagiaire comme l’outil indispensable à la préparation des cours ? Quelle formation a-t-il reçue ? Comment le nouvel enseignant pourra-t-il ‘faire passer un peu plus d’Europe dans ses cours’? Quelle aide va t-il recevoir des services rectoraux, de l’Etat mais aussi de l’Europe ? Toutes ces questions renvoient au contenu de la formation et il est donc important de savoir ce que les institutions qui s’en occupent font concrètement.
En fonction des académies et des centres de formation, il existe une offre différente en direction de la dimension européenne à laquelle les étudiants pourront ou non répondre. La polysémie est de règle pour une notion (la dimension européenne) qui évolue au cours des années. Les tentatives pour la définir restent floues, mais il ne faut pas oublier qu’il est délicat pour les fonctionnaires bruxellois, qui partagent une partie de l’idéologie européenne et qui sont contraints de respecter, principe de subsidiarité oblige, la souveraineté des Etats, de donner des directives précises.

Deux axes peuvent rapidement être envisagés : la formation à l’étranger par le biais des stages, et des modules intégrés dans la formation générale professionnelle optionnelle des professeurs de lycée et collège (PLC) et des professeurs des écoles (PE).

Les stages à l’étranger

Les actions de mobilité Erasmus en font partie mais ne représentent pas à elles seules l’ensemble des activités que les IUFM impulsent. Toutefois, elles nous paraissent révélatrices à un moment donné, d’une part de la dynamique des équipes de ces institutions et d’autre part de l’intérêt des académies pour la ‘dimension européenne’. En effet, la mobilité d’un professeur stagiaire est dépendante de l’existence de relations entre son institution et d’autres universités partenaires. L’établissement de ce type de relation exige des prises de contact préalables. Tout un travail en amont du déplacement doit être réalisé, ce qui implique une motivation forte afin de favoriser ce type de formation, qui comme nous avons pu le constater[[Masson P., (2004), Pour une formation des enseignants à l’Europe, (Préface de Raymond Bourdoncle). L’Harmattan, Collection Education comparée, Paris.]], se fait souvent contre la volonté des formateurs. Cette formation dispensée dans les IUFM a un ancrage régional et une partie de sa formation doit être en adéquation avec le projet académique. Il est donc difficile de séparer, si ce n’est artificiellement, ce qui est fait en formation initiale et la volonté académique de promouvoir tel ou tel axe. Le pourcentage annuel de stagiaires professeurs des écoles (PE2) issus du premier degré participant à un séjour Erasmus est sur le plan national relativement faible, 0,2 % contre 1,5 % pour les étudiants[[Une ambiguïté apparaît, les échanges Erasmus sont censés être réservés aux étudiants alors que l’IUFM envoie en stage des fonctionnaires stagiaires (PE2). Ils ne possèdent plus le statut mais en assument le rôle (rapport avec les formateurs afin d’obtenir la titularisation).]] des autres disciplines. Certaines académies ont commencé très tôt (1995) à prendre en compte dans leur cursus ce type de mobilité. Il faut remarquer que certains instituts peuvent faire le choix de ne pas profiter de ce type d’action (Erasmus) et vouloir tout de même favoriser la ‘dimension européenne’. C’est le cas de l’IUFM d’Alsace dont le bilan des Relations Internationales laisse percevoir un travail important (coopération transfrontalière, séjours à l’étranger de courte durée, formations optionnelles bilingues).
Une grande autonomie caractérise l’administration des IUFM sur le plan national. Les contrats institutionnels passés entre les établisssements font en effet l’objet d’une démarche individuelle de la part des instituts représentés par la cellule des Relations Internationales. Des collaborations se nouent, s’interrompent, reprennent sans qu’il existe une quelconque automaticité. Le développement est donc lié à un choix ou à une demande émanant de l’IUFM ou des partenaires étrangers. Ni l’académie, ni le ministère n’imposent telle ou telle coopération. Le volume global des échanges ne varie guère, hormis en 2000, mais on peut s’apercevoir que l’extension des coopérations se fait en direction des pays scandinaves puis récemment des pays d’Europe centrale et orientale. L’affectation des stagiaires de l’IUFM de l’académie de Lille que nous avons cartographiée laisse supposer que la partie septentrionale est privilégiée, au détriment des destinations lointaines.

La formation générale professionnelle optionnelle

Complément de la formation obligatoire, la partie optionnelle permet aux professeurs stagiaires de choisir un parcours de formation en optant pour des modules qui correspondent à leurs intérêts et/ou à leurs besoins. L’analyse des intitulés de cette partie optionnelle de la formation des professeurs stagiaires a été réalisée pour l’ensemble des centres de l’académie de Lille pour la période allant de 1995 à 1999. Deux périodes sont à considérer : la mise en place, de 1995 à 1997, puis la reconnaissance de 1997 à 1999.

La période de balbutiement (1995-1997)
Il n’existe pas de référence explicite à la ‘dimension européenne’ dans les brochures explicatives et descriptives de la formation générale professionnelle (FGP). Par contre, il existe déjà un ensemble d’actions ayant trait à l’Europe. Deux modules s’intéressent tout particulièrement aux systèmes européens : « L’école en France, la laïcité et les originalités du système en Europe », dont le contenu affiche une comparaison avec les systèmes éducatifs européens, et un module « Les systèmes éducatifs européens : étude comparée, enseignements, vie scolaire » centré sur la connaissance des grands programmes communautaires et l’étude des systèmes éducatifs de trois pays proches (Grande Bretagne, Belgique, Allemagne). Les intervenants sont, en ce qui concerne ce dernier module, des membres de l’Académie Européenne du Nord de l’Europe (AENE). Le contenu des trois autres modules est très différent. Il fait appel, pour deux d’entre eux, à un déplacement ou à une participation physique de l’étudiant : visite de musée pour le premier « Muséologies, Les musées de Londres », savoir se situer dans le monde moderne pour le second « Le professeur citoyen dans le monde du 21e s ». Le troisième, quant à lui, est une acceptation large de la notion d’Europe puisqu’il est centré sur les droits de l’homme.

La reconnaissance (1997-1999)
La notion de domaine vue à la période précédente est toujours présente mais se trouve être réorganisée. En filigrane, apparaît la volonté de la part du service des Relations Internationales d’organiser une introduction de la ‘dimension européenne’. Une référence à la thématique internationale existe. Cette préoccupation permet d’officialiser son entrée dans la formation qui est alors structurée en six approches. Une ébauche de ce que pourrait être une formation des enseignants à la ‘dimension européenne’et/ou ‘à l’international’apparaît. Le plan de formation des centres IUFM, au travers d’un récapitulatif qui comporte les domaines et les thèmes abordés lors de la formation générale professionnelle, fait état d’un domaine international qui se subdivise ainsi : Connaissance des structures de l’Ecole dans les pays européens ; Echanges scolaires avec l’étranger ; Echanges culturels et systèmes éducatifs européens ; Organisations non gouvernementales ; Droits de l’homme dans le monde, citoyenneté européenne ; Communiquer par les technologies. L’intitulé du domaine est ‘international’alors que la formulation des thèmes est européenne (connaissance des structures de l’Ecole dans les pays européens, échanges culturels et systèmes éducatifs européens, la citoyenneté européenne). Il est surprenant de trouver dans le contenu du thème international ‘communiquer par les technologies’, mais nous pouvons faire l’hypothèse que toute tentative de schématisation est réductrice. Nous supposons que dans l’esprit des concepteurs de ce tableau, il s’agissait de mobilité virtuelle. L’offre de formation devient diversifiée.
Le nombre de propositions de stages est multiplié par deux en 1997-1999 par rapport aux années précédentes, principalement avec la prise en compte des nouvelles technologies éducatives.

Une proposition de formation

On peut constater, à travers les quelques exemples ébauchés, l’extrême diversité de l’existant. Les propositions qui vont suivre vont dans le sens d’une reconnaissance d’une compétence à l’international qui est un des moyens d’admettre que la mobilité peut devenir un véritable temps de formation. Il faut bien avouer qu’actuellement il n’y a pas de référentiel, pas de bilan ni de rapport de stage et qu’il existe un flou sur les activités réelles des stagiaires lors des mobilités effectuées. Rien n’est fait pour inciter les formateurs les plus réticents à accepter ce mode de formation. De manière globale, le stage n’a pas d’ancrage dans la formation et peut alors être considéré par certains comme une dernière extravagance post-adolescente. Pour avoir une légitimité, cette mobilité doit nécessairement s’appuyer sur une formation. C’est dire que la mobilité doit s’intégrer dans un cursus, dans l’aboutissement d’un cours pour que ce stage à l’étranger ne constitue plus une fin en soi.
L’ensemble des étudiants de première et deuxième année des IUFM est concerné. En fonction du lieu de formation, des collaborations doivent être recherchées. Les partenariats, les échanges développés par les communes lors des jumelages peuvent donner d’excellentes occasions de rencontrer l’Autre et peuvent être exploités comme terrain de stage. Les régions frontalières, les eurorégions ne peuvent négliger ce facteur de proximité et doivent dépasser les querelles liées au niveau de formation ; référence est faite à la Belgique francophone où la formation d’instituteurs est réalisée après le baccalauréat, sans avoir besoin au préalable d’obtenir une licence universitaire. Cette différence de cursus empêche les stagiaires d’effectuer un stage en France. C’est tout du moins l’argument avancé par le directeur de l’Institut supérieur pédagogique de la Haute Ecole de la communauté française du Hainaut (Tournai).
On peut aussi se pencher sur les formations de pré-professionnalisation dispensées dans les universités en y incluant des modules d’éducation comparée. La mobilité n’est pas non plus le seul moyen d’envisager une formation à l’international, c’est l’aboutissement d’un long travail, mais il faut garder à l’esprit que la mobilité sous sa forme actuelle, est inégalitaire et ne concerne que peu d’étudiants. Le centre de formation idéal proposerait à ses stagiaires un module obligatoire en première année et un module optionnel en deuxième année qui pourraient s’organiser de la façon suivante.

Une connaissance minimale de l’UE

Des connaissances institutionnelles vont, certes, être présentées, mais elles devront permettre une prise de conscience par les stagiaires des enjeux de la construction européenne et du rôle que l’école a à y jouer. Les centres de ressources peuvent être à ce titre sollicités afin d’offrir une large palette de l’existant (fiches, revues, matériels pédagogiques et didactiques européens…). La constitution d’un fonds documentaire est nécessaire. Il doit être un relais à l’image de ‘sources d’Europe’et de son site Internet[[ [www.info-europe.fr] ]].

Cours d’histoire européenne

L’élaboration d’une histoire européenne est en marche[[Van der Leeuw-Roord, Joker (a.o.), The State of History Education in Europe (état des lieux de l’enseignement de l’histoire en Europe), Körber Stiftung, Hambourg, 1998.]]. Des tentatives sont élaborées ici et là sous l’impulsion d’associations d’enseignants, du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne. Il faut à chaque fois retenir l’idée que la manière d’aborder les thèmes n’occulte pas l’histoire nationale, mais la resitue dans un contexte plus large. L’enjeu est d’avoir une connaissance de l’histoire de toutes les Europe, autrement dit d’envisager une histoire européenne de l’Europe[[Carbonell (dir.), Une histoire européenne de l’Europe, Toulouse, Privat, 1999.]], ce qui permettrait de présenter l’histoire locale, régionale ou nationale en la situant dans un contexte européen voire international. Au travers de l’enseignement de l’histoire, les Etats ont toujours désiré créer un citoyen et donc forger une identité nationale. Vouloir construire une conscience européenne à l’école est un objectif avouable qui participe à la socialisation politique des élèves.

Apprendre à avoir un regard critique

Par le biais de la recherche, de l’analyse de tendance comparée, on doit permettre au professeur stagiaire d’analyser, de repérer le discours sous-jacent aux documents qu’il va proposer aux élèves. Il s’agit là d’une formation méthodologique lourde. Sans intégrer une dimension recherche qui demande quelques préalables, il est tout de même possible de sensibiliser les étudiants aux repérages des stéréotypes.
Par exemple, dans un cours donné à des étudiants belges néerlandophones se destinant à être professeurs de français, le formateur met en évidence que les stéréotypes nous entourent et que les médias s’appuient sur eux pour faire passer leurs messages ; puis il donne un cours théorique sur les stéréotypes et plus précisément sur les stéréotypes nationaux. S’ensuit un travail dirigé qui amène les étudiants à l’aide d’une grille simple à repérer les stéréotypes qui touchent les habitudes alimentaires, culturelles… Le matériau retenu est le manuel scolaire que les étudiants seront à mêmes d’utiliser en classe.

Éducation comparée

Les méthodes employées en éducation comparée sont indissociables d’une telle formation qui va permettre d’élargir l’horizon culturel et pédagogique des futurs enseignants. Trop souvent encore, la construction des projets européens se heurte à la méconnaissance des systèmes éducatifs, leurs convergences et divergences, sur les problèmes communs à tous et les façons d’y remédier. La comparaison avec un autre système que le sien va permettre d’appréhender les avantages et inconvénients de son propre système. On va pouvoir ainsi se rendre compte des différences de centres d’intérêts ainsi que des différences d’organisations temporelles (emploi du temps de la journée par exemple). Par l’observation mais aussi par l’analyse des situations éducatives dans des contextes différents, l’éducation comparée permet d’arriver à repérer, au travers de l’organisation des études, des idéaux pédagogiques différents. Une prise de conscience que les choix pédagogiques sous-tendent des valeurs peut se mettre en place.

Correspondance ou échange

Actuellement, l’ensemble des étudiants ne peut pas partir en stage. La correspondance avec un professeur stagiaire d’un autre pays est envisageable, une fois les axes de cette correspondance définis. La mobilité virtuelle prend alors tout son sens. La discussion sur des thèmes communs avec des représentants d’autres pays permet d’aller au-delà de l’aspect convivial des échanges. L’accueil des étrangers est aussi un moyen de les comprendre et de les connaître. Le professeur stagiaire en formation peut être chargé de préparer un échange dans l’école où il effectue son stage en collaboration avec les DARIC et les formateurs. L’étudiant en formation peut éventuellement avoir en charge un correspondant étranger lors de la venue de celui-ci dans son établissement, modèle qui est d’ailleurs utilisé par l’IUFM de Toulouse.
Cette formation in situ s’enracine dans une expérience concrète. Elle permet de préparer l’échange et de s’approprier les différentes facettes de son organisation. Quelle que soit la forme prise, la correspondance ou l’échange donne lieu à un rapport de stage.

Préparation à l’échange (au départ et au retour)

Il s’agit d’une formation d’enseignants, ne l’oublions pas, qui doivent pouvoir, lorsqu’ils exerceront dans un établissement scolaire, et s’ils le souhaitent, organiser des échanges. Il est donc nécessaire de les sensibiliser à cette partie bien souvent négligée qui est la préparation de l’échange, et la préparation linguistique ne suffit pas. En effet, la reconnaissance des codes culturels et la prise en compte des distances de communication entre les individus sont également nécessaires.
Un travail de recherche autour du pays d’accueil est indispensable et permet un premier niveau d’appropriation des codes culturels. Il peut être complété par une étude autour des stéréotypes propres à ce pays afin d’en mieux approcher la culture. C’est tout du moins dans ce sens qu’un travail est entrepris avec de futurs enseignants de français en Belgique néerlandophone[[Détaillé dans le paragraphe précédent : 5- Apprendre à avoir un regard critique]]. La préparation au retour et à la réinsertion dans le monde où l’on avait ses habitudes doit aussi être envisagée. En ce qui concerne la formation et le retour dans l’Institut, une valorisation de ce qui a été réalisé pendant la mobilité doit être envisagée, généralement sous forme d’un exposé qui permet la communication et l’échange de point de vue.

Les quelques propositions envisagées ne sont certes qu’une ébauche d’une formation à l’international. Le problème de fond est sa reconnaissance, principalement au niveau du ‘terrain’, c’est-à-dire auprès de ceux qui ont en charge les futurs enseignants. Il importe que cette formation ne soit pas considérée comme le dernier gadget à la mode.

Pour que l’Europe ne concerne pas qu’une minorité

La typologie des professeurs des écoles candidats à un stage à l’étranger laisse apparaître des inégalités en terme de classe sociale d’appartenance. Cet état de fait a déjà été mis en évidence (Groux, Porcher, 2000, 2002) et se trouve confirmé par notre étude régionale (Masson, 2004). Le risque majeur est d’entraîner une construction européenne à plusieurs vitesses. Le même phénomène est constaté dans les établissements scolaires où les « voyages » concernent le plus souvent des élèves qui, au premier abord, ne posent pas de problème. On ne peut pas pour autant jeter la pierre aux enseignants qui consacrent du temps à organiser des déplacements à l’étranger, d’autant plus qu’ils n’ont pas de reconnaissance officielle et qu’ils prennent des risques dans la mesure où ils sont juridiquement responsables d’un groupe. Autrement dit, le risque est que l’Union européenne devienne un espace vécu et connu par une minorité. Seules les élites peuvent y accéder, et cet espace conserve dans ce cas une « structure orléaniste » (Magnette, 1999). Il est cependant encore utopique aujourd’hui d’envisager que chaque élève et chaque enseignant effectuent une visite ou un stage dans un pays autre que le sien. C’est pourtant ce que les déclarations d’intentions des différents ministres qui se sont succédé à la direction du ministère de l’Education nationale laissent supposer. Les dernières déclarations (Ferry, 2003) vont dans ce sens et stipulent que « l’objectif à atteindre en la matière est clair : il faut qu’à l’issue de sa scolarité chaque jeune ait été initié à deux langues étrangères et qu’il ait séjourné au moins une fois dans l’un de ces deux pays »[[Ferry L., Lettre ouverte à ceux qui aiment l’école, Odile Jacob, CNDP, Paris, 2003, p. 148.]]. Si le premier objectif est envisageable, le second quant à lui mérite réflexion, et dépasse la simple organisation de l’échange. Il demande de se pencher sur le financement de ces déplacements dans le cadre d’une école où les activités se doivent d’être gratuites, mais aussi sur la reconnaissance que les enseignants sont en droit d’attendre lors de l’organisation de tels déplacements.
Il est nécessaire, en ce qui concerne les finalités de la mobilité, de dépasser les stricts objectifs annoncés par l’Union européenne, de replacer le stage ou le voyage dans la fonction première qu’il exerce, à savoir la découverte de l’autre dans son environnement, et de ne pas négliger la peur qu’il provoque, peur de l’inconnu, peur de partir. Le stage est attractif pour la plupart des participants, mais pas pour la fonction de formation qu’il est censé développer. Il ne faut pas négliger le fait que les finalités accordées à cette compétence à l’international s’insèrent dans un contexte plus large qui consiste à apprendre à vivre ensemble avec nos différences, à prendre en compte l’autre avec sa vision du monde qui lui est propre. Nous retrouvons bien sûr tout cela dans les objectifs de la mobilité avec une dimension supplémentaire importante, celle de comprendre la langue de l’autre, ce qui permet de communiquer et d’échanger.
L’introduction de la dimension européenne au sein des formations de professeurs doit aller au-delà du simple stage. Elle doit être un temps de formation à part entière.
Les premières pistes ne reposent-elles pas sur le travail en équipe, et sur les travaux de groupe qui nécessitent une collaboration de chacun, mais surtout une compréhension mutuelle établie dans une complicité qui se forge au fur et à mesure du travail effectué ? On est là dans le cadre d’une éducation à l’altérité, où l’autre représente aussi le voisin qui nous est étranger. C’est d’une manière générale la rencontre de celui qui a une culture différente (religieuse, culturelle, ethnique, régionale…). On anticipe alors ce que pourra être la classe du futur enseignant, en prévision de la diversité culturelle et religieuse de la population qu’il est possible de rencontrer.

Philippe Masson, Laboratoire Education et Intervention, Université de Lille.


Bibliographie
– Groux D., Porcher L., Les échanges éducatifs, Paris, L’Harmattan, 2000.
– Groux D. (dir.) Pour une éducation à l’altérité, Paris, L’Harmattan, 2002.
– Magnette P., La citoyenneté européenne, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1999.
– Tutiaux-Guillon N., L’Europe, entre projet politique et objet scolaire, INRP, Paris, 2001.