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Propos sur les Sciences de l’Éducation – Réflexions épistémologiques

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Le nouveau livre de Michel Develay est petit par sa taille (la collection bleue d’ESF), mais riche et ambitieux dans son « propos ». Il rappelle l’origine et l’enjeu des sciences de l’éducation, par contraste avec « la » science de l’éducation créée, dans un tout autre contexte, par la IIIe République naissante. Il passe ensuite en revue les principales disciplines constitutives, qui justifient l’actuel pluriel : philosophie de l’éducation, histoire de l’éducation, sociologie de l’éducation, psychologie de l’éducation, biologie de l’éducation, économie de l’éducation, ethnologie de l’éducation, éducation comparée, didactiques disciplinaires. Il développe plusieurs façons de concevoir ce pluriel (à la fois dans les relations que ces domaines entretiennent avec leurs disciplines sources, et dans les liens internes), en les plaçant sous le signe de la pluridisciplinarité, de l’interdisciplinarité et de la transdisciplinarité, laquelle a sa préférence.

L’auteur examine ensuite trois questions clés, qui structurent les chapitres suivants : celle de la scientificité, celle des valeurs de l’éducation et celle de l’utilité sociale des produits. Pour traiter de la dimension scientifique, il nous brosse un tableau des épistémologies contemporaines, et argumente l’idée que cette question de scientificité ne concerne pas seulement l’éducation, mais bel et bien l’ensemble des sciences. Dès lors qu’elle renonce au positivisme, une science (quelle qu’elle soit) ne peut plus se définir par une sorte d’objectivité extérieure au sujet qui permettrait d’accéder à la vérité des choses en soi, mais comme une activité humaine appuyée sur des cadres théoriques, construisant des « faits » qui n’ont rien de donnés ; activité toujours révisable grâce au débat permanent au sein d’une communauté invisible et d’un « parlement des choses ». La dimension axiologique (celle des valeurs à l’école) est envisagée à travers la question de la laïcité, qu’il cherche à refonder pour le temps présent, comme une éthique de l’argumentation et du dialogue, condition de l’émancipation des personnes. Enfin, la dimension de l’efficacité amène l’auteur à reprendre et à réinterroger la question des rapports entre didactique et pédagogie.

La posture « scientiste », que renforce chez certains le souci défensif face aux attaques répétées, conduit certains à se concentrer sur la seule preuve de ce qu’ils avancent, aux risques d’un effet Jivaro : réduire, réduire, toujours réduire, en excluant le sujet. Develay plaide plutôt pour une posture qu’il nomme « humaniste », où la question de la preuve côtoie celles de la recherche du sens et de la détermination du possible : « On ne recherche pas pour administrer la preuve, mais pour faire advenir l’humanité en l’homme » ; « la preuve n’apparaît pas alors comme le fondement de la recherche en éducation, mais comme la condition de la recherche ». Sans doute bien des points prêtent à discussion et mériteraient débat, mais il y a incontestablement là des réflexions stimulantes, aussi bien pour les chercheurs intéressés par les fondements de leur action, que pour les praticiens et les formateurs qui s’interrogent sur les productions de la recherche.

Jean-Pierre Astolfi


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