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Professeur d’éducation socioculturelle : agitateur de savoir faire et de savoir-être

Lorsqu’en 1965, J. M Soupault, alors Directeur Général de l’enseignement et des affaires professionnelles et sociales, publie un document officiel sur l’entrée du corps des professeurs d’ESC dans les établissements d’enseignement public agricole, il offre aux lycées agricoles une spécificité d’enseignement qui depuis a fait bien du chemin.
À destination des jeunes ruraux, poursuivant des études agricoles, cette nouvelle matière, l’éducation socioculturelle a alors pour mission :
– de prolonger l’action des professeurs au-delà de l’enseignement
– d’introduire des valeurs éducatives visant à l’épanouissement, au développement de l’esprit de curiosité et de recherche
– d’orienter l’utilisation du temps libre, assez important chez ces jeunes ruraux, internes pour la majorité
– de préparer les élèves à « la vie », c’est-à-dire élargir leurs horizons au contact du milieu naturel et humain

L’État dote les établissements publics agricoles de moyens matériels, centre socioculturel et amphithéâtre, lieux de conférences, d’échanges et de confrontation avec les acteurs du monde rural. Il permet ainsi aux élèves de devenir des acteurs dans un système éducatif largement ouvert sur le monde extérieur. La création d’association sportive et culturelle où tous les élèves sont fortement impliqués renforce cette idée de responsabilités collective et individuelle. Un formidable processus est enclenché.

Aujourd’hui l’Éducation Socioculturelle fête ses 40 ans, que de chemin parcouru !

Les établissements agricoles publics comptent quelque 450 professeurs d’ESC, une matière que l’on retrouve dans les référentiels de formation de toutes les filières, de la quatrième au BAC +3. L’ESC est une matière ouverte sur le monde extérieur qui touche différents domaines et permet des apprentissages multiples et variés.

Le domaine de la communication : l’éducation à la communication s’appuie sur l’acquisition de méthodes de développement personnel et collectif. Les capacités de relation et d’initiative chez les apprenants sont mises en avant par l’approche des processus de communication, par l’élaboration et la réalisation de projets sur le territoire rural. Ainsi l’enseignement proposé développe les savoirs, savoir-faire et savoir-être de l élève, en collaboration étroite avec les acteurs de l’environnement local. Il s’agit de permettre l’expression orale (gestes-voix-corps) par des activités de théâtre et de restitution d’études auprès des publics, d’élaborer des supports de communication (affiches-panneaux-pages Web-maquettes-jeux interactifs-logo-vidéo-diaporama…) mais aussi de s’initier aux médias. Cette entrée de la matière s’appuie sur un véritable partenariat avec les acteurs locaux (collectivités locales-associations-professionnels) dans le cadre de projets menés sur le territoire où les élèves apprennent à travailler et à communiquer en groupe.

Le domaine culturel et artistique : il a pour objectif de développer l’imaginaire, l’approche sensible, le jugement et la créativité par une éducation artistique ouverte aux différentes formes d’expression et de communication. Il s’agit pour l professeur d’ESC de permettre à ses élèves et étudiants d’étudier des œuvres, de s’initier à des techniques artistiques (peinture-dessin-modelage-sculpture-théâtre…), d’utiliser des outils (photographie argentique-numérique-logiciels informatiques). L’appui d’un artiste ou d’un professionnel demeure la forme privilégiée de cet apprentissage, moments forts où les échanges sur les techniques et les savoir-faire construisent les individus de part et d’autre. En Basse-Normandie, et dans d’autres régions, le partenariat avec la DRAC permet d’accompagner de façon favorable ces projets par l’existence d’une convention DRAC/DRAF et par la présence d’artistes en résidence dans les établissements agricoles.

Le domaine de l’environnement social et culturel : comprendre le monde qui nous entoure, s’épanouir dans un environnement, agir, interagir, partager avec autrui, c’est enrichir sa relation à l’autre, l’environnement en appréhendant les aspects sociaux, culturels et patrimoniaux. Ce domaine s’appuie sur les connaissances et les méthodes des sciences humaines et sociales.

L’éducation à l’environnement social et culturel privilégie, en relation avec une approche concrète des territoires, l’analyse des composantes sociales et culturelles du développement rural ; elle met également en évidence les enjeux de citoyenneté relatifs à la culture et à la communication médiatisée. Elle ouvre sur la participation des élèves à des actions d’animation et de développement.
De nombreuses activités pédagogiques permettent de développer ce domaine d’apprentissage s’appuyant là encore sur un partenariat local selon les projets engagés. Les élèves mettent en œuvre des projets de développement local, réalisent des lectures de paysage, des inventaires paysager et patrimonial, s’initient aux techniques d’investigation. Les lycées s’engagent avec leurs partenaires (collectivités locales-organismes agricoles-para. agricoles-associations-porteurs de projets…) sous forme de conventions couvrant le cadre du projet et donnant lieu à des restitutions.

Les établissements publics agricoles : des projets – des actions sur le territoire

Il faut rappeler que l’une des missions de l’enseignement agricole est notamment la mission d’animation et de développement des territoires ruraux, la mission d’insertion et la mission de coopération internationale.
Au travers des référentiels de formation où sont inscrits des projets à mettre en œuvre sur le territoire, le professeur d’ESC, mais aussi ses autres collègues (français-histoire-géographie et matières techniques et scientifiques) contribuent largement à mettre en œuvre ces missions dans le cadre de projets menés en pluridisciplinarité où chacun amène sa pierre à l’édifice afin de permettre une construction homogène des apprentissages. L’exemple de l’EATC en classe de seconde est probant, une plage hebdomadaire de 4 heures est réservée à la conduite d’un projet sur le territoire en pluridisciplinarité. Il en va de même en BTS, tel dans la filière Services en Espace Rural où les étudiants conduisent en pluridisciplinarité au cours des deux années de nombreux projets liés au territoire rural demandant l’intervention de plusieurs matières.

Il serait incomplet de parler de l’enseignement socioculturel sans aborder la seconde fonction de cette matière, l’animation.
Un tiers-temps c’est-à-dire 8 heures hebdomadaires est réservé à l’emploi du temps du professeur afin que celui-ci anime la vie sociale et culturelle de l’établissement. Chaque lycée est doté d’un Projet d’Animation et de Développement Culturel en lien avec le projet d’établissement qui décline les objectifs et actions à mettre en œuvre dans la structure. Les acteurs culturels locaux sont des appuis indispensables à la mise en œuvre du projet. De plus les associations socioculturelles (ALESA) dont sont responsables les apprenants sont accompagnées dans leurs démarches par les enseignants d’ESC.

Ce tiers-temps permet un suivi rigoureux des projets de territoire menés en temps scolaire et en temps périscolaire, il est un lien indispensable avec les acteurs locaux, partenaires ou commanditaires du projet.

L’ESC accompagne l’élève, l’étudiant dans sa construction en tant qu’individu et citoyen, futur acteur du monde rural, en le confrontant au milieu professionnel, culturel et associatif par la conduite de projet. Une filière de l’enseignement agricole repose sur cette pédagogie de projet, le BTS « Services en Espace Rural », exemple de réussite de ces principes pédagogiques.

Projets – environnement local – B.T.S Services en Espace Rural

Le secteur des services en espace rural a pris une nouvelle dimension, dans une perspective de maintien et de développement des activités en milieu rural et de création ou pérennisation d’emplois. Le B.T.S.A Services en Espace Rural du Lycée Agricole de Sées offre aux étudiants la professionnalisation de ce secteur en collaboration étroite avec un réseau de partenaires afin de mener une pédagogie active sur le territoire. Trois champs d’activités en milieu rural sont proposés dans le cursus de l’étudiant :
– les activités aux services de l’exploitation agricole et des entrepreneurs ruraux, dans l’optique de leur accompagnement dans la recherche, la conception et le montage d’actions innovantes.
– Les activités au service des collectivités et associations dans le cadre de projets locaux s’appuyant sur les richesses patrimoniales du territoire.
– Les activités au service des personnes dans le cadre d’associations ou de structures d’accueil, permettant la mise en œuvre de projets sur le territoire.

Le technicien supérieur agricole « Services en Espace Rural » doit tout particulièrement développer des compétences lui permettant de s’entourer d’un réseau de partenaires et de le fidéliser mais aussi de travailler en équipe autour des montages de projets.

La formation s’articule, au cours des deux années, autour de plusieurs projets balayant les trois champs d’activités et permettant aux étudiants de s’impliquer directement auprès des acteurs du territoire qu’ils soient partenaires, tuteurs ou commanditaires du projet.

En première année, l’équipe pédagogique travaillant en pluridisciplinarité (Éducation socioculturelle, Sciences Économiques et Sociales, Histoire Géographie, Documentation et Informatique) choisit un territoire, en l’occurrence depuis plusieurs années une communauté de communes, sur lequel elle appuie ses enseignements. Le conseil communautaire est le commanditaire d’une étude sur les représentations et attentes des citoyens concernés par les services de son territoire. Cette étude mène ensuite à l’élaboration d’un diagnostic prospectif de territoire. Les étudiants rencontrent l’ensemble des acteurs du territoire, mettent en place une enquête sociologique auprès de la population de la communauté de communes. Des entretiens semi-directifs permettent d’élaborer des hypothèses quant à l’avenir de ce territoire, en fonction des problématiques rencontrées. Ces allers-retours sur le territoire, ces rencontres avec les élus, la population, les acteurs des services, le monde agricole les nourrissent d’une culture sociale, géographique et identitaire qui leur permet d’appréhender l’ensemble des caractéristiques de l’espace rural.
L’appui du partenariat est indispensable à la formation de ces futurs « accompagnateurs, concepteurs de projets et animateurs de structures ».

En deuxième année, le partenariat s’amplifie autour de quatre projets menés en classe entière et en groupe, qui s’articulent sur des thèmes en lien étroit avec l’environnement local.

– des projets professionnels sur les trois champs d’activités en groupe de 7 à 8 étudiants, avec un partenaire, commanditaire qui leur confie un projet de A à Z.
– Des projets d’initiative et de communication, dont le choix du thème revient à l’étudiant, par groupe de 4 maximum avec un tuteur extérieur au lycée qui les guide dans leurs actions..
– Un projet de communication et négociation, appliqué aux services en espace rural, mené en classe entière les obligeant à tisser un réseau de partenaires s’engageant sur le projet.
– Un projet de coopération internationale regroupant l’ensemble des étudiants sur une démarche de développement local au Bénin pour 2007.

Tout au long des deux années, les étudiants s’appuient sur leur partenariat, se frottent aux réalités professionnelles, tirent les enseignements des relations interpersonnelles qui se mettent en place, acquièrent de l’autonomie et des responsabilités. Ces relations privilégiées entre l’environnement local, l’équipe pédagogique et les étudiants permettent d’atteindre les objectifs de la formation et les compétences spécifiques au BTSA « Services en Espace Rural ».
En fin d’année scolaire, une réunion – bilan est proposée à tous les partenaires des projets, aux maîtres de stage ayant accueilli pendant 12 semaines les étudiants dans leur structure afin de garder le lien avec ce réseau sans lequel la formation n’aurait pas de sens.

Béatrice Barbe – Guilmont, Professeur d’éducation socioculturelle, Coordonnatrice de la filière du BTS « Services en espace rural » du lycée agricole de Sées (Orne).