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Priorité absolue

Nicolas Sarkozy a annoncé le 29 septembre qu’une « priorité absolue » sera donnée aux jeunes en rupture avec le système éducatif et qu’un suivi systématique des « décrocheurs » sera organisé. Voilà un engagement fort en des termes forts. Le poids des mots fait venir sur le devant de la scène médiatique une réalité, le décrochage scolaire, et un sauveur, Nicolas Sarkozy.
Cette forme d’annonce nie une autre réalité, celle du travail patient et réfléchi des équipes qui s’attèlent depuis des années au « raccrochage » des élèves en rupture avec le système scolaire.
En juin 2006, les Cahiers pédagogiques ont publié un dossier (Nº 444 – Décrocheurs… comment raccrocher ?) dont on pouvait lire dans l’éditorial : « Ce dossier, outil de prise en compte du réel (le décrochage scolaire existe) et de son nécessaire dépassement (le raccrochage est possible) cherchera à maintenir ouvert le champ des questions utiles, toujours préférables aux affirmations péremptoires qui ferment les perspectives. »
Après le discours d’Avignon de Nicolas Sarkozy, les perspectives s’ouvrent-elles ? Quel avenir pour les établissements innovants que l’institution n’a jamais placés dans ses « priorités absolues » ? Que seront donc les « écoles de la deuxième chance » annoncées comme une grande nouveauté ?
Les Cahiers font actuellement place à une chronique sur le microlycée du Val-de-Marne, tenue par Éric de Saint-Denis, délégué général de la FESPI (Fédération des établissements scolaires publics innovants). Les textes publiés au fil des mois témoignent du travail effectué, de son efficacité pour « raccrocher » effectivement des élèves qui, pour le coup, se trouvent bel et bien placés « au centre des apprentissages ». Cela n’a rien à voir avec la « très grave erreur de placer l’élève à l’égal du maitre », expression caricaturale et trompeuse utilisée par le président de la République.
Parmi les initiatives concrètes, évoquons encore celle de l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) qui a organisé le 23 septembre dernier la deuxième Journée du refus de l’échec scolaire sur la question de l’entrée au collège. Ce thème fait l’objet du dernier dossier des Cahiers (Nº 475 – L’entrée en 6e) que nous avons eu l’occasion de présenter lors de cette Journée. Il s’en dégage que « la dimension collective du travail entre adultes, la recherche de cohérence dans les actions, la qualité des relations établies avec les parents paraissent essentielles ».
Le Socle commun peut également être un outil sur lequel s’appuyer. Il est notable que la parole présidentielle n’en fasse pas référence. Finalement, Nicolas Sarkozy adopte toujours une approche où la responsabilité est strictement individuelle, où chacun doit rentrer dans le rang : le délinquant à neutraliser de toutes les manières, le chômeur qui doit rendre des comptes, le pirate sur Internet à tracer, le décrocheur dont le suivi s’apparentera désormais à un pistage. Le dernier ne va-t-il pas d’ailleurs prendre le chemin qui le conduira au premier ? On assiste donc à une inflation législative, à l’empilement des mesures et à la multiplication de dispositifs sans véritable réflexion globale sur le système et ce qu’il génère. Concernant l’école, il demeure néanmoins que, de la maternelle à l’enseignement supérieur, notre système scolaire se caractérise par des ruptures qui sont autant d’occasions de décrocher. La construction d’une véritable école commune sur l’ensemble de la scolarité obligatoire ne serait-elle donc pas aujourd’hui une « priorité absolue » ?

François Malliet