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Préludes à une pédagogie majeure. Écrits sur l’école

Sous le titre « Préludes à une pédagogie majeure », Philippe Meirieu a proposé à Daniel Hameline de rassembler un ensemble de ses préfaces et postfaces, écrites sur une période de 35 ans.

Depuis des ouvrages assez généraux et connus, comme La pédagogie une encyclopédie pour aujourd’hui, coordonné par Jean Houssaye, jusqu’à des études pointues comme De l’Éducation nouvelle à l’éducation spécialisée – un exemple suisse : le Home « Chez Nous » de Joseph Coquoz, les livres ainsi pré ou postfacés abordent un large éventail de grandes questions pédagogiques, comme l’évaluation ou l’éducation des « classes spéciales », évoquent les pédagogies non-directives, le travail autonome, l’innovation, et plusieurs figures de l’histoire de l’éducation, et plus particulièrement de l’Éducation nouvelle, de Stuber à Neill (« Alexandre Neill me préoccupe »), etc.

Le pari pouvait sembler hardi. La lecture est passionnante ! Car vous n’attendez pas de Daniel Hameline qu’il « colle » au sujet du livre qu’il préface, n’est-ce pas ? Il nous explique, dans l’avant-propos, le sens qu’il donne au titre choisi : « Ma pratique de l’orgue depuis plus de soixante-dix ans, me permet de savoir ce que doit laisser entendre le terme de « préludes ». Quand on prélude, c’est que non seulement les jeux ne sont pas faits, mais que l’interprète – qu’il improviser ou qu’il exécute une partition – ne sait jamais très bien s’il annonce correctement ce dont il est censé fournir une préparation adéquate. Et c’est bien ainsi qu’on lit chacune des préfaces présentées ici : plus encore que des préparations à la lecture des ouvrages, ces textes sont de brillantes variations sur des questions fondamentales liées à l’éducation, à l’histoire de l’éducation, et à la pédagogie.

Ainsi, le livre de Joseph Coquoz, déjà cité, lui inspire, à partir de la toponymie, un développement sur les lieux-cultes de l’Éducation nouvelle. Il décortique l’usage des termes « home « et « chez-nous », en passant par exemple par l’École des Roches où « on transposera l’organisation des écoles nouvelles britanniques. Foin de l’internat-caserne ou de l’internat-couvent, les élèves habiteront des “maisons ”, pour ne pas dire des homes et le dire tout en même temps. » A propos de l’ouvrage de Loïc Chalmel sur Stuber, il questionne la « fabrication des grandes figures », faisant un détour par les figures des rois de l’histoire de France pour revenir aux « seconds rôles », de Stuber à Oberlin, qui font « tourner » la pédagogie…

Dans le texte « Snyders, Sartre et le petit Dupont », au ton plus personnel, Hameline s’interroge sur la « philosophie du modèle » que développe Snyders, et s’irrite que Snyders propose à ses lecteurs un corpus de textes centrés sur « quelques jeunes adultes privilégiés » ; il suggère au contraire, l’intérêt qu’il y aurait à s’intéresser aux « petits Dupont ».

Il est difficile de rendre compte de la variété des questions abordées au détour des pages. Hameline développe, déroule, déploie, enchaine, avec toute la puissance de sa culture, fouille le sens des mots, joue, car « il faut jouer sur le langage sinon c’est le langage qui se joue de nous » (p 9), glisse quelques souvenirs personnels… C’est cette écriture, savante mais non pédante, dense mais si légère à lire, qui nous tire toujours un peu plus loin, nous surprend parfois, nous embarque pour des voyages passionnants.

Françoise Colsaet