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Pratiquer la philosophie dès l’école primaire Pourquoi ? Comment ?

Depuis une dizaine d’années, on s’est progressivement habitué à voir périodiquement paraitre des ouvrages décrivant des pratiques « à visée philosophique » dans l’école, proposant des supports et posant des jalons didactiques. Ici, l’auteur nous propose un ouvrage d’un genre nouveau. Une nouveauté liée à ses ambitions mêmes. Ambitieux, l’ouvrage l’est en effet. D’abord par la diversité des publics visés : des philosophes, des praticiens débutants ou confirmés. Ambitieux ensuite par le sujet : il s’agit pour l’auteur de défendre philosophiquement l’idée que ces pratiques peuvent, pour certaines, être précisément « philosophiques », et non plus de se contenter de toutes les regrouper par leur « visée », qui peut ne pas dire grand chose de leur nature particulière, pas forcément philosophique.
Ambitieux alors par le propos : Nicolas Go va, dans une première partie théorique, fonder philosophiquement son propos, en proposant des distinctions permettant de caractériser une nature possiblement « philosophique » d’une activité scolaire. Il va inscrire son propos, par des distinctions progressivement affinées, dans un réseau conceptuel où recherche du sens, connaissance et nécessité de permettre au désir d’exercer sa puissance doivent viser la recherche d’une vie meilleure à l’école, et posent la nécessité du recours à la philosophie. Une philosophie du commencement, à la recherche de la vérité. Il va par ailleurs émettre l’hypothèse d’un lien, dans l’école, entre philosophie et coopération des élèves dans la classe. Un propos qui, si l’on comprend bien ses conséquences implicites, viendrait alors refonder théoriquement cette pédagogie coopérative dont l’auteur est une référence reconnue.
Le propos théorique, s’il est accessible, n’est pourtant pas ici immédiatement donné. Il demandera au lecteur d’accepter de prendre le temps d’examiner la pertinence des propos tenus. Convaincu théoriquement à l’issue de la première partie, ne doutera-t-il pas pourtant qu’en réalité, la philosophie ne peut être présente dans une classe dès l’école primaire ? La deuxième partie de l’ouvrage va permettre d’identifier ce que cela peut signifier dans les faits. S’appuyant sur le compte-rendu et l’analyse très précise d’une séance philosophique dans une classe de CM1-CM2, l’auteur va donner un sens pratique à ses propos. Il ne s’agit pas en effet de laisser penser au lecteur que tout échange serait spontanément philosophique, l’enseignant se contentant d’observer avec bonheur ses élèves philosopher ensemble. Ses rôles sont décrits, analysés, notamment dans la relation coopérative qu’il va permettre aux élèves de développer, pour les aider à construire leur pensée. À nouveau, l’ambition du travail proposé est manifeste, mais c’est de l’ambition de l’enseignant pour ses élèves qu’il s’agit à présent, une ambition basée sur leur mise en activité intellectuelle.
Un ouvrage ambitieux, possible et nécessaire. Possible par la familiarisation progressive du public aux perspectives d’activités philosophiques avec des enfants, lui permettant d’en envisager avec précision leur compréhension philosophique. Nécessaire par les errements et contresens auxquels elles peuvent conduire, que Nicolas Go permet à présent d’identifier.

Jean-Charles Pettier