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Pas de grand soir pour la rentrée
Que reste-t-il de la loi Fillon ?

Le ministre de l’Éducation a annoncé le 5 juillet à la presse les mesures qui entrent en vigueur dès la rentrée, et celles dont la mise en œuvre est reportée.
-Mise en place du Haut Conseil à l’éducation qui remplace à la fois le CNP et le HCEE[[Conseil national des programmes, et Haut Conseil à l’évaluation de l’école présidé par Christian Forestier.]], avec deux tâches : définir le socle commun ; fixer le cahier des charges pour la future formation des enseignants. On espère que, comme le HCEE[[Voir sur notre le compte-rendu en ligne d’un « point presse » du HCEE en janvier 2005. [ Lire l’article ] ]], il fera appel à des chercheurs… mais rien n’est dit pour le moment.

-Décret EPLE (établissement public local d’enseignement) : sous la pression de certains syndicats, le « conseil pédagogique » qui devait voir le jour dans chaque établissement voit sa création repoussée à l’automne, il est de toute façon vidé d’une partie de son rôle…
Les EPLE pourront proposer des expérimentations pédagogiques sur cinq ans avec contrats d’objectifs et indicateurs (et quels moyens ?)
– Le PPRE (plan personnel de réussite éducative) doit attendre pour entrer en vigueur que le socle soit défini, donc… en 2006. Ce nouveau dispositif, cher à François Fillon, est réduit à une simple « expérimentation » pour la rentrée prochaine. Sa généralisation et son financement sont reportés à la rentrée 2006.
En attendant, les textes insistent, en matière d’aide :
-sur la nécessité d’associer les parents à toute proposition d’aide à un élève ;
-sur la nécessité de ne pas créer de filières ;
-sur la latitude laissée aux équipes de proposer toutes formes d’aides, voire d’aménagements temporaires, qui semblent utiles.

Des orientations qui pourraient être intéressantes si elles ne s’appuyaient pas sur une logique jamais remise en cause[[Un manque que voudrait combler en partie le dossier central de ce Cahier.]] du « soutien individualisé », sans questionner la prise en compte de l’hétérogénéité dans les classes, ni (plus difficile encore) l’analyse classique de la difficulté que font les enseignants comme manque ou handicap.

Le décret EPLE comme les textes sur le soutien pourraient cependant être saisis par les équipes d’établissements pour proposer des projets, des « solutions » locales originales, à moyens constants il est vrai. Si les textes ministériels sont pauvres, ils n’empêchent pas pour autant les acteurs d’avoir des idées et de les mettre en œuvre.
-Langues vivantes : les décrets d’application reprennent l’obligation de l’enseignement d’une langue vivante à partir du CE1 pour 2007. Par ailleurs le référentiel européen (cadre européen commun de référence pour les langues ou CECRL), qui définit six niveaux de compétences de l’école à l’université, va entrer en vigueur progressivement d’ici à la rentrée 2007. Il devrait modifier considérablement l’enseignement des langues (voir notre Cahier n°237 à paraître en octobre), notamment en instaurant un enseignement par groupes de niveaux plus que par classes.

Le dédoublement des classes de langues, cheval de bataille de M. Fillon, sera mis en place « progressivement à partir de la rentrée » et sera appelé à se généraliser, a précisé le ministère.

-Pas de modifications des examens pour le moment sauf des aménagements pour les élèves handicapés ; et, pour le brevet, l’attribution de mentions qui conditionneront (pas totalement, mais en grande partie) l’attribution de bourses au mérite. La note de vie scolaire est inscrite dans la loi mais ne sera pas encore en vigueur pour le brevet 2006. Voilà qui nous laisse le temps de montrer en quoi cette idée est pernicieuse !
Les bac pro mentions B ou TB seraient automatiquement admis en BTS. Encouragement intéressant mais qui pénalise de fait les élèves issus de STI et STG 4 à qui on ne donne pas semblable coup de pouce… De plus, passer de bac pro en BTS nécessiterait au minimum des mesures d’accompagnement.
– Le texte sur le remplacement par leurs pairs des enseignants absents moins de 15 jours, dans la limite de 60 heures par an, a fait l’objet de frictions avec les syndicats. « Jusqu’à janvier 2006, ces remplacements seront uniquement basés sur le volontariat », a précisé le ministre, ajoutant qu’au-delà, si le « dispositif incitatif ne fonctionne pas », il reviendra aux chefs d’établissement de désigner les enseignants chargés d’assurer un remplacement. Une mise en place bien problématique et tardivement cadrée par les textes pour des chefs d’établissement dont on ne facilite pas la tâche.
– Création de 1500 assistants pédagogiques dans 345 lycées pour 1500 postes d’assistants pédagogiques pour accompagner les lycéens en difficulté.
L’ensemble des décrets d’application de la loi a été soumis à l’avis consultatif des organisations représentatives du monde éducatif, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) le 7 juillet et au comité technique paritaire mixte (CTPM), pour les questions statutaires, le 13 juillet.

Le CSE a émis un avis défavorable sur une grande partie des textes, sauf ceux concernant la facilité d’accès des candidats handicapés aux examens, l’introduction d’une langue étrangère dès le CE1 en 2007, l’accès de droit aux BTS des bacheliers professionnels ayant une mention et le décret sur la mise en place des lycées des métiers.

Tous les projets de décrets soumis au CSE se trouvent sur le site du ministère :
http://www.education.gouv.fr/actu/element.php?itemID=2005751021

Florence Castincaud