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Pas d’image ici ?

Photographie de Catherine Rotulo

Faire avec les images ou plutôt faire sans les images ? Là est peut-être la question. Dans ma pratique d’enseignante, l’image m’a toujours accompagnée, en particulier en lycée professionnel. D’abord, comme professeur de Lettres – Histoire (Malgré ma formation en Philosophie) puis comme documentaliste dans ce même type d’établissement (Mon affectation précédente) au point de me demander si j’aurais pu faire sans les images avec les élèves, ne serait-ce que pour créer de la confiance, pour amorcer un désir de lecture et d’écriture.
Je me souviens en particulier d’un travail avec une classe de BEP de comptabilité, lancé à partir de textes et de photos extraites du livre de Michel Tournier Des clefs et des serrures.

Photographie de Catherine Rotulo

Photographie de Catherine Rotulo

Ainsi, pour un texte intitulé Les fiancés de la plage, nous avions pratiqué l’analyse de l’image associée et du texte puis opéré une confrontation avec une publicité qui (inopinément ?) avait surgi dans les magazines du moment sous le titre de Les fiancés de la douceur et qui vantait les mérites du savon Cadum® !

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Le publiciste s’était-il inspiré du texte et de l’image ou était-ce un pur hasard ? Nous ne l’avons jamais su mais cela a donné lieu à des exercices d’écriture à partir d’images choisies par eux ainsi qu’à la naissance de publicités (Le programme de français). Puis, il y eut un voyage à Venise et l’écriture d’une nouvelle à partir de leurs photos. Plus difficile quand il a fallu passer en deuxième année de BEP au travail sur l’argumentation (pour préparer l’épreuve d’examen), à l’articulation des idées, à cette gymnastique intellectuelle qui ne laisse plus place à l’image mais explore patiemment le concept comme on cherche à sortir du monde des ombres dans la caverne de Platon, pour enfin accéder au jour ! L’image s’impose tellement à eux comme évidente, alors que pour nous qui avons reçu une éducation « loin des images », c’est tout le contraire, nous pensons qu’il faut dépasser l’image et que la vérité est davantage dans une ascèse de ce qui se voit, au profit de ce qui se « conçoit aisément », si l’on en croit Descartes, bien sûr !
Avec le temps, nous nous sommes aidés mutuellement. J’ai cherché à décrypter ces mêmes images avec eux, en particulier les images d’actualité, surtout dans ma nouvelle posture de professeur – documentaliste, à l’occasion de la Semaine de la Presse, par exemple en analysant puis en réalisant des JT, des émissions de télévision. En retour, ils m’ont persuadée des bienfaits des images parfois, images curatives, apaisantes, sortes d’écran au vide dont nous avons malgré tout besoin pour envisager la vie avec légèreté et positivité, sortes de traces ou « d’épreuves de réel » dont les élèves dits en difficulté ont sans doute davantage besoin que les autres, sans faire de la psychologie de bas – étage, bien entendu. Mais cela se vérifie néanmoins dans la pratique pédagogique qu’un travail à partir d’images, « choisies », bien sûr, les aide à passer de leur monde intérieur à une expression qui a peut-être quelque chose à voir avec l’apprentissage scolaire…

Christine Joannidès-Peyre, Documentaliste (Lycée Paul-Valéry – Paris 12e).


La photographie Les fiancés de la plage est reproduite ici avec l’aimable autorisation de Catherine Rotulo qui nous signale la sortie prochaine aux Éditions De la Martinière d’un ouvrage consacré à Françoise Hardy qui témoignera de l’amour d’une mère pour son fils. Cette photographie sera reprise dans l’ouvrage.