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Ouvrir l’École au plurilinguisme ?

Faire un dossier sur les langues de France était ambitieux et risqué. Ne serait-ce que parce qu’on ne pourra les citer toutes et qu’on fera forcément des mécontents. Et aussi parce que nos choix n’en sont pas : ils ne sont que le résultat de celles et ceux qui ont bien voulu répondre ou non à l’appel à contribution diffusé en janvier dans les Cahiers. Car sur ce sujet, militantisme et bonne volonté pédagogique se confondent parfois, comme passion et engagement – ce qui n’était pas pour simplifier notre travail.

De plus, ce dossier n’a pas fait l’unanimité dans le comité de rédaction, et ce dernier, afin de respecter les avis divergents, a décidé de lui ajouter un texte demandé à Philippe Lecarme.

Notre ambition dans ce numéro est d’informer les enseignants sur ces langues, autres qu’étrangères, parlées par des communautés de France : langues immigrées, langues dites régionales, langues de communautés moins connues comme celle des Sourds ou des « Gitans ». Mais surtout, nous voulions poser la question : face à ce plurilinguisme qui n’est plus un mystère pour personne, quel est, quel pourrait être le rôle de l’École ?

Ce dossier n’est pas un plaidoyer mais un état des lieux. Il traite de « langues de France », et sa partie la plus importante est sans doute la dernière, celle qui cherche des passerelles, des passages, des ponts, des issues, loin des fermetures et des formalismes de tous bords, celle qui se risque aux métissages.

Nous avons voulu ouvrir ce numéro, après trois textes de cadrage dynamiques, par quelques témoignages ouverts, libres, récits ou morceaux de vies de personnes confrontées, sans l’avoir toujours choisi, à la rencontre de plusieurs langues. Une partie informative suivra, inévitablement non exhaustive, pour donner un aperçu de la diversité linguistique et éducative – de l’État français et de quelques autres plus ou moins lointains – dans laquelle baignent les élèves qui nous sont confiés. Comment l’École peut-elle tirer profit de cette richesse ? Au-delà de la politique linguistique qui est du domaine des États, y a-t-il une ou des didactiques linguistiques qui pourraient s’appuyer sur cette diversité pour donner à nos élèves le plus d’atouts possibles, en cette aube de troisième millénaire qui s’annonce multilingue et multiculturel ? Et comment créer des liens et établir des ponts entre ces langues et cultures, de façon à ce que nos élèves s’ouvrent aux réalités culturelles de notre époque et maîtrisent au mieux les compétences langagières qui leur seront nécessaires dans leur vie personnelle, scolaire et sociale ? Miren Garmendia le rappelle, Goethe disait : « Qui ne connaît pas les langues étrangères à la sienne ne connaîtra jamais parfaitement sa propre langue », ce à quoi Ludwig Wiggenstein ajoutera : « Les limites de nos compétences langagières constituent les limites de notre monde. »

C’est à ces questions et à quelques autres que la dernière partie vous invite, grâce à des expériences et réflexions qui dépassent les langues proprement dites, pour aller vers – et c’est un autre enjeu – un autre être au monde, vers un enseignement fait d’envie et de curiosité pour ces cultures à partager, pour construire le monde de demain.

Marielle Rispail, enseignante-chercheuse, IUFM de Nice, laboratoire LIDILEM de Grenoble.