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Non au harcèlement

Au collège Fromentin de La Rochelle, nous animons depuis quelques années un cinéclub qui s’adresse à l’ensemble des élèves de 3e désireux d’approfondir leur culture cinématographique. Nous avons retenu pour l’année scolaire 2015-2016 une thématique centrée sur « l’école au cinéma » autour de la problématique suivante : Comment le cinéma s’inscrit-il dans cet univers qui est celui de nos élèves et le nôtre ?

Quatre films ont été retenus dans la programmation : Respire, de Mélanie Laurent, Entre les murs, de Laurent Cantet, LaVague, de Dennis Gansel, Éléphant, de Gus Van Sant. En parallèle de cette programmation, nous avons choisi de travailler plus spécifiquement sur la question du harcèlement scolaire. L’objectif pédagogique que l’on s’est fixé est de sensibiliser nos élèves, à travers la pratique du cinéma, à la lutte contre le harcèlement. Il s’inscrit dans le plan de prévention de notre établissement qui repose à la fois sur des questions de justice scolaire et de qualité de vie à l’école. La démarche s’appuie sur une dynamique qui cherche à mobiliser l’ensemble de la communauté éducative du collège : personnel administratif, vie scolaire, enseignants, infirmières et médecin scolaire, assistante sociale ainsi que les parents d’élèves. Au-delà de cette stratégie d’équipe et de coéducation, nous avons souhaité nous entourer de partenaires extérieurs pour nous accompagner. La MAE et la MGEN se sont donc associées à notre projet et ont participé avec l’aide du foyer socioéducatif au financement de l’intervention d’un vidéaste. Pour motiver nos élèves, nous avons fait la démarche d’inscrire le collège au concours « Non au harcèlement » et à la première édition du festival de prévention et de citoyenneté jeunesse de La Rochelle.

Synopsis

« Les rentrées se succèdent et se ressemblent. Une silhouette rouge isolée se détache sur la cour de la chapelle. Quelques jours plus tard, un surveillant dans cette même cour constate qu’une fenêtre du deuxième étage est ouverte. La même silhouette rouge refait alors surface dans un couloir étrange. Nous plongeons malgré nous au cœur des souvenirs traumatiques de ce jeune victime de harcèlement. Jusqu’à quelle extrémité se trouve-t-il acculé ? Quel lien établir entre la fenêtre du deuxième étage entrouverte ? Comment la communauté scolaire peut-elle intervenir ? »

Avant d’aboutir à l’élaboration de ce synopsis, nous avons procédé par étapes, suivant un calendrier bien défini. Dès le mois de novembre, nous avons présenté le projet au CESC (comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté) de notre établissement. Pour leur part, nos élèves, en présence des infirmières scolaires et de l’assistante sociale, ont assisté à la projection du film Respire qui servait de document d’accroche pour les sensibiliser aux questions du harcèlement scolaire. Le mois suivant, un représentant de la MAE a proposé une conférence sur le sujet adressé à l’ensemble du personnel du collège, ainsi qu’aux infirmières de l’ensemble du bassin dont dépend notre établissement. À l’adresse des parents d’élèves, le lycée Dautet, de son côté, dans le cadre du réseau Éclore, a fait appel à une clinicienne pour poursuivre et élargir la réflexion. L’idée était de permettre à l’ensemble des adultes de recevoir une information et de travailler dans le même sens au niveau de la prévention.

Écriture collaborative

Les vingt-et-un élèves impliqués débutent leur travail d’écriture du scénario. Ils prennent alors conscience de la difficulté de pouvoir construire une histoire qui se tienne dans le cadre d’un format court, puisque les contraintes du concours stipulent que le film ne doit pas dépasser deux minutes. Les échanges sont nombreux. Quel angle d’attaque adopter ? Quelle tonalité donner au film ? Lulu souhaite que le film « ne soit pas plan plan, étiqueté “Éducation nationale” ». Finalement, se dessine une trame autour d’une narration sous forme d’énigme, puis d’errance dans l’inconscient du personnage principal, avant un dénouement qui donne à réfléchir sur le rôle et la responsabilité de la communauté scolaire face au harcèlement.

Tournage

À partir du mois de janvier, le scénario terminé, ils se lancent dans le tournage avec une répartition des postes de travail et un casting pour désigner celui qui tiendra le rôle principal. Nous ne sommes pas au bout de nos peines, car nous avons un plan final qui nécessite une logistique compliquée. Avec l’accord de notre chef d’établissement et l’aide efficace de notre conseiller principal d’éducation, nous avons pu demander à l’ensemble des élèves du collège accompagnés par leur professeur de se regrouper dans la cour de la chapelle pour matérialiser le « non » marquant notre refus du harcèlement et notre solidarité pour le combattre. Notre équipe, perchée au deuxième étage, enregistre la prise de vue et de son. Nous avons enfin notre image de fin, soulagés car la météo était plus que menaçante[[Le film a été primé au niveau national dans la catégorie 13-15 ans du prix « Non au harcèlement ».]].

Une réalisation à vocation pédagogique

Le jeudi 19 mai débute la première édition de Festiprev. Nos élèves sont impatients de voir leur film sur grand écran et de découvrir les autres projets réalisés par d’autres jeunes de leur âge autour des thématiques de prévention et de citoyenneté. Les temps d’échange prévus permettront de poursuivre la réflexion et, pourquoi pas, de revenir avec de nouvelles idées, de nouveaux projets pour l’an prochain. Une certitude néanmoins, cette expérience nous a une nouvelle fois confirmé l’intérêt de la pédagogie de projet qui permet de fédérer les équipes. Dès l’an prochain, nos deux infirmières scolaires et notre assistante sociale auront à leur disposition un outil de sensibilisation par rapport aux questions du harcèlement pour nos élèves de 6e. Retrouver sur la vidéo les images de leur collège devrait leur faire comprendre que dans nos murs, ce type de situation peut exister au même titre que n’importe quel autre établissement scolaire, puisque selon une enquête réalisée en 2015 par l’Observatoire international de la violence à l’école, 10 % des collégiens sont victimes de harcèlement. Mais surtout, ce film sera l’occasion pour eux de comprendre la nécessité d’une action commune face à ce fléau.

Jean-Michel Supervie
Professeur d’histoire au collège Fromentin de La Rochelle

Notre vidéo : http://www.ac-poitiers.fr/cid104895/non-au-harcelement-remise-du-prix-coup-de-coeur-academique.html