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J’ai écouté Zebda, son accent toulousain et ses rythmes joyeux, et puis avec les élections municipales de Toulouse j’ai entendu les Motivé-e-s.

Enseignant dans un collège d’une cité proche de la ville rose, j’ai entendu des paroles de refus de l’exclusion, de refus de la peur, celle que l’on a de l’autre et celle que l’on inspire aux autres. J’ai entendu une demande de démocratie, de démocratie directe, c’est-à-dire vécue au jour le jour, ensemble pour tous.

Si bien qu’au débat en cours sur le collège unique, pour tous et pour chacun, j’ai prêté une oreille différente.

Dans la chanson Essence ordinaire, les Zebda ont pour leitmotiv « Je crois que ça va pas être possible, pas être possible, pas être possible. » Il s’agit du filtrage à l’entrée des boîtes de ceux qui n’ont pas le profil d’être accueillis : « Veuillez entrer, monsieur. »

Français, anglais, maths, latin, allemand, grec, lycée Fermat, lycée des Arènes, BEP, Bac, passage en quatrième, ébénisterie… « Je crois que ça va pas être possible. » Ceci, je l’entends en conseil de classe et en salle des profs. Il y a parfois des surprises, mais me dit-on d’un air entendu, c’est l’exception qui confirme la règle ! Et alors ! Avec de l’essence ordinaire aussi on peut faire de beaux voyages et c’est Super.

Zebda a écrit Le bruit et l’odeur qui commence par « J’suis tombé par terre, c’est pas la faute à Voltaire – Le nez dans le ruisseau y’avait pas Dolto. » Elle aurait pu répéter en pure perte qu’il faut écouter pour entendre, écouter pour comprendre, pour comprendre l’autre et se comprendre soi-même.

Refus de l’autre et refus de soi-même, je suis mort de trouille et souhaitant une société policée j’entends régime policier.

L’Autre est différent, différent de moi, alors j’entasse les dispositifs, quitte à n’y faire qu’à ma tête, non pardon, selon mes valeurs. Mais quelles sont les valeurs déclarées de l’École, je ne sais pas bien encore, je vais relire le texte ministériel du 5 avril. C’est vrai «J’suis tombé par terre, c’est pas la faute à Voltaire».

En classe « ils n’écoutent rien », oui mais Zebda, ils l’écoutent.

Au premier tour des municipales, à Toulouse, 12 % d’électeurs ont entendu les Motivé-e-s, dans la ville où j’enseigne, 12 % d’électeurs ont entendu les sirènes sécuritaires au second tour.

Les concerts de Zebda déclenchent de l’enthousiasme, pas des émeutes. Dans « ma » classe de troisième d’insertion, je suscite de l’intérêt, de la résignation aussi, et du rejet. Mes resquilleurs ne se reconnaissent pas dans ce qu’ils entendent et font. Où est la jubilation qu’ils manifestent lorsqu’ils vont voir et écouter Zebda ! Motivés ils ne le sont pas, dans une école qui oublie de faire du sens pour eux.

François Simon [[L’homonymie est fortuite, si François Simon n’est pas un personnage de fiction, toute ressemblance avec un homme politique ne serait due qu’au hasard.]]