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Mettre en valeur toutes les compétences

Qu’est-ce qui a amené la ville d’Issy à se lancer dans le livret expérimental des compétences ? Quels étaient les éléments favorables à la réussite d’un tel projet ?
Notre ville mène depuis de nombreuses années une politique forte en direction de la jeunesse et le livret expérimental proposé en 2010 par Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse, s’est naturellement intégré à une action multiforme, qui propose par exemple des animations aux établissements du secondaire. Citons une « classe passerelle » en 6e où la ville offre des possibilités d’ateliers culturels et artistiques pour permettre à des jeunes en difficulté de retrouver le chemin de la réussite, ou encore des actions de formation des délégués de classe ou de jeunes médiateurs scolaires. L’objectif est toujours d’impliquer les jeunes et de leur permettre d’acquérir de l’estime d’eux-mêmes, en valorisant leurs compétences. Trop souvent, ceux-ci ne savent pas répondre à la question « quels sont tes atouts personnels ? » Le livret est un outil qui aboutit à une validation d’attitudes, de capacités en termes de socialisation et d’autonomie, avec l’ambition que cela puisse avoir une répercussion sur le plan scolaire, grâce à un partenariat avec des établissements, facilité ici par le volontarisme des principaux de collège et le soutien appuyé du maire.

Comment, concrètement, valorise-t-on les compétences extrascolaires, et comment celles-ci sont-elles prises en compte par le collège ?
Les jeunes qui participent à des animations peuvent se faire valider des compétences mises en œuvre selon un protocole en plusieurs étapes par une structure (ateliers, espace jeunes, maisons de quartier, etc.). Un entretien a lieu au départ de l’action, en présence ou non de parents. Des actions de formation et de supervision des pratiques professionnelles ont été initiées en direction des animateurs en charge de l’action, afin d’accompagner leur observation des compétences mises en acte par le jeune et en permettre le décryptage. Puis, un bilan est effectué à mi-parcours avec l’intervenant et le responsable de la structure. L’animateur commence à reconnaitre et formaliser les compétences mises en œuvre dans les activités initiées ; cette étape lui permet d’objectiver ainsi les éléments observés par le jeune comme par l’intervenant. Une attestation est à la fin délivrée, mais attention, nulle complaisance. Il faut, d’une certaine façon, mériter cette attestation (assiduité, engagement du jeune, etc.). Mais l’entretien donne la parole au jeune, afin de l’inviter à une démarche autoréflexive dans la mesure de ses possibilités, ce qui participe au renforcement de l’estime de soi. L’attestation, validée par le Clavim (Cultures, loisirs, animations de la ville d’Issy-les-Moulineaux), peut ensuite être transmise (si le jeune le souhaite) au collège et s’insérer dans un webclasseur Onisep. Normalement, elle est utilisée en conseil de classe et dans le cadre de la validation du socle, en lien avec les professeurs principaux.

C’est ainsi par exemple que des jeunes en difficulté, absentéistes et en échec, peuvent valoriser leurs attitudes positives lors de séjours de prévention à la montagne où ils ont utilisé des cartes pour s’orienter, participé à la préparation de repas collectifs, etc. Ou, dans un genre très différent, qu’une jeune fille qui écrivait des romans a pu travailler avec la médiathèque dans le cadre d’un parcours spécifique. L’action touche tous les types d’élèves et a aussi un effet très positif dans la relation aux parents, qui peuvent ainsi prendre un peu de recul par rapport à la seule réussite scolaire stricto sensu.

La critique habituelle contre ce projet est : est-il vraiment positif de renoncer à la coupure qui doit s’établir entre le monde scolaire et le monde non scolaire ?
Actuellement, plus d’un collégien sur dix participe au dispositif, qui est largement plébiscité. Très peu trouvent mieux de séparer activités du collège et activités extrascolaires. Les jeunes sont heureux de voir reconnues certaines compétences. Le dispositif monte en puissance et est plébiscité par les parents. On envisage de l’étendre pour les jeunes devenus lycéens.

Cet entretien s’inscrit dans un dossier sur l’école commune à bâtir. Pour le moment, il semble que votre action ne concerne pas les écoles.
C’est vrai, d’autant que ces derniers temps, l’énergie de la ville a été très mobilisée par la réforme des rythmes scolaires. Ce serait effectivement à envisager dans le cadre du nouveau cycle école-collège, avec l’idée de constitution progressive d’un portefeuille de compétences par les jeunes tout au long de leur scolarité.

Si vous deviez donner trois arguments en faveur de ce livret, que diriez-vous ?
Il redonne de la confiance chez des jeunes qui en manquent bien souvent. Il crée des synergies efficaces entre des univers différents. Il s’inscrit dans un schéma de cohérence éducative où il s’agit d’articuler différents lieux et temps qui restent différents, bien entendu. Je suis convaincu qu’il faut mettre fin aux coupures éducatives, il faut pour cela surmonter les méfiances, secouer les routines de fonctionnement, grâce à un partenariat où chacun a à gagner.

Bruno Jarry
Directeur du Clavim (association Cultures, loisirs, animations de la ville d’Issy-les-Moulineaux)


Paroles

Réponses de jeunes sur l’utilité du livret
« C’est valorisant.  »
« Pour que mes professeurs sachent que je pratique cette activité. »
« Pour qu’ils me voient autrement. »
« Pour leur prouver que j’ai des capacités.  »
« Pour avoir un meilleur dossier scolaire.  »
« Pour la suite de mes études, pour faire connaitre mes compétences extrascolaires. »
« Cela montre des capacités non évaluées au collège. »
« Pour permettre au collège d’avoir une image plus précise de mon profil. »