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Lettre à la réforme

Chère réforme,

Nous t’espérions tellement !

Depuis 20 ans, notre école vivait des moments difficiles, des mutations douloureuses, écartelée entre les conservatismes crispés sur le statuquo ou le retour en arrière, et le bouillonnement d’innovations à la fois valorisées et maintenues à la marge.

Trop souvent, nous la voyions se raidir dans l’inertie ou dans des paroles vaines qui cachaient mal les conservatismes. Heureusement, en même temps, nous avons vu surgir des sources de vie qui savaient la réveiller ; et des impulsions produites par les évolutions du monde (dont le numérique) ont fait surgir des espoirs bien ancrés dans la réalité des possibles. Nous sommes nombreux à avoir mis en place des enseignements différents, des modes d’évaluation au service des apprentissages, des pédagogies coopératives ou de projet, des radios et télévisions de classes, du tutorat, des actions de liaison école-collège, des formes diverses d’accompagnement… Hélas, ces mouvements se sont souvent heurtés, dans les années 1990-2010, à de multiples crispations et retours en arrière.

Chère réforme, l’école avait bien besoin de toi pour que ces changements – et surtout leur esprit – se diffusent, que les équipes s’en emparent, que le curseur des évolutions soit poussé en ce sens. Pour une révolution ? Non, mais pour des avancées décisives. Et te voilà !

Courageuse, tu envisages de donner à notre société une école qui accompagne tous ses enfants vers un avenir réussi, sans privilégier certains dans des filières d’élite, une école équitable, une école laïque, une école juste, une école de demain. Une école qui apprenne à réfléchir plutôt qu’à savoir, pour une société de la solidarité, des valeurs.

Tu es tellement ambitieuse que tu as fait frémir ceux qui appréciaient leur école parce que depuis tout temps elle accompagnait l’élite, surtout ceux qui croient à tort que faire progresser «les autres» nuirait à leurs enfants. Drôle d’image de la société que celle qui accepte de mettre de côté certains pour mieux faire réussir ceux qui ont déjà les meilleurs atouts au départ.

Timide réforme, tu avais besoin d’un large soutien pour atteindre tes ambitions, et tu n’as pas su convaincre ceux qui se sentaient remis en cause parce que leur ambition n’est pas la tienne. Au contraire, tu as cédé du terrain quand tes adversaires ont exigé de revenir à un enseignement «comme avant» avec les filières qui leur sont chères et qui assuraient un bon départ à leur enfant. Tu n’as pas su non plus donner à assez d’enseignants la formation, le courage et la confiance en eux qui leur sont nécessaires pour te faire triompher des nostalgiques du passé

Chère réforme, tout est à faire. Nous te voyons vraiment à l’œuvre en cette rentrée 2016, tu es encore toute jeune, il faut te laisser le temps de faire ton chemin. Et de notre côté, notre détermination à voir l’école changer ne s’arrêtera pas aux craintes que nous donne ta timidité. Forts des innovations prometteuses de ces dernières années, nous allons nous saisir de ce que tu nous proposes, et de tous les changements que tu autorises, pour les faire fructifier en réussites d’établissements, de classes et d’élèves.

Le CRAP-Cahiers pédagogiques