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Les réseaux sociaux numériques, des outils pour l’engagement

Aujourd’hui plus d’un français sur deux utilise les réseaux sociaux. Les enjeux liés à ces outils sont évidemment à prendre en compte, on sait les opportunités qu’ils peuvent offrir tant dans la « fachosphère » que dans les mobilisations solidaires comme celles qui ont fait suite aux attentats. Aux États-Unis on sait qu’ils ont largement contribué à la victoire d’Obama dans la mobilisation et l’organisation mais aussi dans la défaite d’Hillary Clinton par la diffusion de rumeurs et autres fausses informations. Le développement des réseaux sociaux numériques constitue un véritable phénomène social qu’on ne peut non seulement ignorer mais impérieusement prendre en compte pour en faire un nouvel outil d’engagement citoyen.

Agnès Popelin, administratrice de l’association France-Nature-Environnement, qui représente le groupe environnement et nature, et Gérard Ashieri, que l’on connaît aussi pour ses engagements syndicaux à la FSU, en tant que membre du groupe des personnalités qualifiées, ont été les coordonnateurs et rapporteurs de ce travail. Ils siègent tous les deux à la section de l’éducation, de la culture et de la communication présidée par Xavier Nau, lui aussi présent lors de la présentation de l’avis à la presse.

Xavier Nau, Agnès Popelin et Gérard Aschieri

Xavier Nau, Agnès Popelin et Gérard Aschieri

Les préoccupations du CESE pour les nouvelles technologies ne sont pas nouvelles mais c’est la première fois que la question des réseaux sociaux numériques (RSN), arrivés depuis 10 ans à peine en France, est abordée. La démarche est intéressante puisque prospective et volontariste – pédagogique aussi devrait-on dire – et c’est bien cette volonté qui se traduit par la question constitutive du titre et fil rouge de cette étude : «Comment renforcer l’engagement citoyen ?»

Préconisations du CESE : une lecture détaillée de ses propositions

Faire de l’accès à Internet un droit effectif pour tous :

  • développer le maillage de points d’accès public à Internet sur l’ensemble du territoire ;
  • développer dans tous les services publics de proximité, les fonctions de médiation numérique, notamment en formant les agents qui devraient pouvoir apporter une aide de premiers secours aux utilisateurs ;
  • développer les formations aux usages du numérique en s’appuyant notamment sur le tiers lieux (espaces publics numériques, centre de ressources pour le développement numérique des territoires, lieux associatifs, etc) ;
  • mettre en place des plateformes publiques permettant le partage et l’amélioration des outils (moocs, tutoriels, etc) tout en ouvrant la possibilité de leur conception collective. Créer aussi une plateforme Internet de partage et d’échange sur les initiatives citoyennes avec un prix destiné à valoriser et récompenser les initiatives citoyennes sur les réseaux sociaux ;
  • favoriser le développement du très haut débit sur le territoire pour mieux lutter contre les inégalités d’accès et développer les lieux de formation et de médiation et financer l’équipement par une politique fiscale nationale et européenne équitable et soucieuse de l prévention et de l’évitement fiscal des positions dominantes.

Reconnaitre et valoriser l’engagement dans les réseaux sociaux :

  • créer un fonds d’aide aux initiatives citoyennes avec un volet destiné aux initiatives utilisant les réseaux sociaux ou ayant le réseaux sociaux pour objet ;
  • dans le cadre des appels à projet en direction des associations, le CESE recommande de prévoir un volet financier dédié à l’action sur les réseaux sociaux et la formation des acteurs à l’utilisation des outils socio-numériques en s’appuyant par exemple sur le Fonds de développement à la vie associative (FDVA) ;
  • développer les démarches participatives et collaboratives en favorisant le développement d’une culture numérique des élus et des fonctionnaires ;
  • s’appuyer sur l’ensemble des réseaux sociaux afin de prendre en compte la diversité de leurs publics en veillant notamment à une présence active sur les plateformes socio-numériques ayant une forte audience auprès de la la jeunesse.

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Le rôle incontournable de l’éducation pour former des usagers responsables :

  • renforcer l’éducation aux médias et à l’image, plus particulièrement animée ensuite. L’EMI pour le CESE passe d’abord par «la mise en œuvre pratique et résolue de cet enseignement transversal prévu dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture mais qui ne doit pas se limiter à la scolarité obligatoire» ;
  • développer l’apprentissage du décryptage des images et des techniques utilisées pour filmer et monter les images et les sons ;
  • développer les pratiques pédagogiques intégrant le numérique et en particulier celles intégrant l’usage des réseaux sociaux (twictées, projet utilisant les réseaux sociaux…) tout en prenant les précautions nécessaires pour protéger les élèves.

Comme le précise le texte, «il s’agit, à travers ces méthodes, de permettre aux élèves d’avoir à la fois un regard critique sur ces outils et une pratique responsable en la matière».

Formation

Pour le CESE, il y a nécessité à intégrer de façon systématique une « pédagogie du numérique » à la formation initiale et continue des enseignants et des personnels d’éducation. Le CESE souligne ainsi le rôle des ESPE. Plus que la seule formation des enseignants, le CESE «recommande également que les entreprises veillent à la sensibilisation et à la formation de leurs salariés à l’usage et aux impacts des réseaux sociaux dans l’entreprise tant dans leurs usages privés que professionnels à travers les plans de formation».

Favoriser un engagement et des usages responsables des réseaux sociaux

D’autres recommandations plus techniques sont formulées concernant par exemple la signalétique des pages internet pour repérer «les messages dont la diffusion a pu être biaisées par une viralité artificielle. Ce repère visuel signalerait également les publications diffusant des informations peu fiables.» Il s’agit aussi d’aider à distinguer par une signalisation «les publications des associations et organisations de la société civile à finalité non marchande et conforme aux valeurs de la République».

Le CESE insiste aussi sur le fait que «les plateformes garantissent aux intéressés toutes les informations permettant de mesurer l’impact réel de leur action» mais aussi que les conditions générales d’utilisation soient mises en conformité avec la législation française et qu’un comparateur public des plateformes internet s’applique aux réseaux sociaux. Le CESE souhaite ainsi qu’il intègre, dans les éléments de comparaison, la façon dont les réseaux sociaux prennent en compte et informent les utilisateurs et garantissent la protection de celles et ceux qui s’y engagent.

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Environnement

Un certain nombre de préconisations concerne une approche respectueuse de l’environnement. Par exemple, il invite les plateformes à publier sur leur réseau social l’étiquette [la consommation] énergétique des différents types de message (texte, image, vidéo postées ou twittées…). Il préconise également l’apposition sur les pages d’accueil des réseaux sociaux d’un signe distinctif pour les plateformes qui se soumettent aux contraintes des EECS (Européean Energy Certificate System) permettant de tracer l’origine de l’électricité utilisée. Il recommande aussi : «lors de la généralisation des plans climat-air-énergie territorial (PCAET) à la quasi totalité du territoire national en 2017, d’intégrer les data centers comme ressources nouvelles des réseaux de chaleur et de veiller à leurs interactions avec les autres bâtiments d’urbanisme. La prise en compte de la récupération de la chaleur [dégagée par ces centres] devrait être un des critères dans le choix des futurs sites d’implantation.»

Droits et protection de la personne

Le CESE met aussi en avant le droit d’accès, de rectification et d’opposition au traitement de leurs données. Il invite à repenser les usages des données personnelles pour assurer une protection collective, considérant les données comme des biens communs inaliénables.

S’engager avec les réseaux sociaux

A l’heure où les internautes deviennent des socionautes, les RSN peuvent (doivent ?) être des outils vers une forme d’engagement en réseau qui favorise de nouvelles possibilités d’être utile et de se sentir utile. Parce qu’on sait maintenant que le digital native n’existe pas, comme pour les autres compétences, l’école aura un rôle déterminant à jouer dans la maîtrise des outils de communication numérique, les possibilités créatives et le développement de l’esprit critique.

Les enjeux de formation initiale et continue d’éducation aux médias avec les RSN sont d’autant plus importants que la fracture n’est plus celle de l’accès et du matériel mais celle des d’usages. Le risque d’une fracture culturelle croissante est réel mais il ne s’agit plus de chercher à mettre ces outils à l’écart, à s’en préserver mais bien d’apprendre à s’en servir au mieux dans une démarche réticulaire, coopérative et collaborative.

Pierric Bergeron

Pour en savoir plus :

– Antonio Casilli, Les liaisons numériques, Le Seuil, 2010.
http://www.casilli.fr/

– Dominique Cardon, La démocratie internet, Le Seuil, 2010.

– Dominique Cardon, A quoi rêvent les algorithmes, Le Seuil, 2015.
https://identitesnumeriques.wordpress.com/dominique-cardon-le-design-de-la-visibilite/

– Blog du modérateur : http://www.blogdumoderateur.com/chiffres-reseaux-sociaux/ les chiffres pour la France, enquête CREDOC : http://www.blogdumoderateur.com/barometre-numerique-france-2016-credoc/