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Les questions survivront aux réponses

La majorité des électeurs français s’est donc prononcée ce dimanche 6 mai en faveur du candidat de l’UMP. Pour la plupart de nos lecteurs, pour sans doute même la majorité des enseignants, l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République n’apparaît pas comme une bonne nouvelle, même si l’on ne peut en contester la légitimité.
Dans des débats électoraux au cours desquels les questions scolaires n’ont pas été ignorées, les prises de position du candidat de l’UMP ont été plutôt inquiétantes : fausses solutions (le recours massif au soutien individualisé, dont on sait l’inefficacité s’il n’est pas fortement lié à une évolution des structures et des pratiques ordinaires), invectives sur le prétendu héritage de mai 1968 ou les défaillances des parents, incantations sur le retour de l’autorité et du respect, menaces voilées contre le collège unique. Nous rappelons tout de même les déclarations, nettement plus positives, en faveur de la suppression de l’apprentissage à 14 ans et de la suspension du décret de Robien sur le service des enseignants, promesses qui seront, souhaitons-le, rapidement traduites en actes.
On ne peut qu’espérer un futur ministre de l’Éducation nationale moins enclin que le sortant aux propos péremptoires et aux sanctions contre les récalcitrants, moins sensible aux pressions des associations réactionnaires. Cependant, au-delà de sa personne, au-delà même de ses orientations politiques, on ne peut que craindre les réponses qui seront apportées aux problèmes actuels de l’école. Alors que les évolutions récentes sont marquées par l’essoufflement de la démocratisation (par exemple la stagnation de la proportion de bacheliers dans une génération, pour la 11e année consécutive en 2006), il faudrait bien du courage politique, bien des convictions démocratiques pour affirmer et mettre en œuvre le droit à l’éducation pour tous face aux tentations d’un retour à une sélection précoce, pour stimuler les innovations pédagogiques indispensables pour continuer à faire évoluer le système dans le sens de la réussite de tous, et même simplement pour ne pas se contenter d’un frileux statu quo.
Dans ce contexte, il serait vain de surestimer les difficultés, ou de sombrer dans le catastrophisme. L’école pourra continuer à compter sur le dévouement et l’engagement de bien des enseignants en faveur de la réussite de tous leurs élèves. Le travail du CRAP et des Cahiers pédagogiques en faveur de la diffusion des innovations, des recherches universitaires, de propositions pour réformer l’école et de formation des personnels pour y parvenir se poursuivra. Nous lançons d’ores et déjà un appel, « De l’ambition pour l’école ! », signé de nombreuses personnalités, pour pointer les principaux chantiers à venir.
Une des bonnes nouvelles de cette campagne aura été le retour des débats politiques dans bien des établissements scolaires, tant dans les salles des professeurs que parmi les élèves. Espérons que cette passion pour le débat d’idées, pour l’engagement civique et citoyen, se poursuivra d’ici les prochaines élections législatives, et même au-delà, et pourra contribuer à peser sur les orientations politiques du prochain gouvernement, à faire émerger de nouvelles perspectives pour l’école et la société de l’avenir.
Et, comme nous le disions le 3 février, lors de nos premières Assises de la pédagogie, il faut « RESISTER ET PROPOSER » quoi qu’il arrive !

Le bureau du CRAP, 6 mai 2007
Nous avons repris, pour évoquer les résultats de l’élection présidentielle du 6 mai, le titre utilisé en 1993, au moment d’autres importantes échéances électorales (voir n° 311).