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Les programmes de 2008 du primaire en Français

Commençons par ce qui fâche : la responsabilité attribuée aux maîtres. Ils ne comprendraient pas bien les programmes, ne sauraient pas construire une progression, ne prendraient pas correctement en charge les élèves fragiles avant que l’échec ne s’installe, croiraient respecter les prescriptions officielles alors qu’ils ne le font pas, manqueraient des « cadres théoriques minimaux » pour repérer l’écart entre leurs pratiques et ce qu’on attend d’eux1 comme pour évaluer la pertinence des fichiers et outils trouvés sur le net, dont ils font une grosse consommation sans se soucier suffisamment de cohérence, etc.

Ces rapports sont davantage lus par la hiérarchie intermédiaire que par les praticiens de terrain et heureusement car il y a de quoi être démotivé ! Les équipes de circonscription, elles, liront avec plaisir que des pratiques intéressantes ont été observées là où elles ont assuré de la formation et accompagné les équipes. Or la formation continue des maîtres du premier degré est trop souvent réduite à la portion congrue (les stages de deux ou trois semaines ont disparu pratiquement partout). Ce rapport pèsera-t-il assez pour qu’elle redevienne une priorité ? On peut l’espérer car, peu importe les responsabilités, l’école primaire a de vrais progrès à faire et le constat des IGEN reprend des remarques antérieures même aux programmes de 2008 et n’étonnera pas formateurs ou didacticiens.

Des pratiques efficaces aussi

Ainsi, l’oral est un domaine sinistré : toujours utilisé, mais considéré comme un « véhicule transparent de l’activité scolaire », jamais travaillé pour lui-même. L’étude de la langue prend beaucoup de temps et satisfait peu les enseignants qui voient les acquis des élèves instables et peu transférables, le travail sur le lexique en est le parent pauvre, la pédagogie es peu diversifiée. En lecture, la compréhension est trop rarement enseignée ; les élèves n’écrivent pas assez. La polyvalence n’est pas assez mise à profit pour que l’on fasse « du français dans toutes les matières », l’enseignement du français étant lui-même cloisonné ; l’école fonctionne dans une logique de l’activité plus que d’apprentissage. La noirceur du tableau est sans doute accentuée par l’effet d’accumulation en quelques pages de ces observations. Pourtant, les auteurs disent aussi qu’ils ont observé des pratiques efficaces, notamment dans des écoles de l’enseignement prioritaire. Y serait-on plus qu’ailleurs obligé de faire preuve d’inventivité pédagogique, de se remettre en question, de s’attaquer à la prévention de l’échec ?

Les discours tenus ces dernières années expliquent pourtant des pratiques sur lesquelles les IG sont pour le moins réservés : ils pointent par exemple la volonté de construire trop tôt des automatismes, ils notent qu’on pratique moins la littérature qu’avant 2008 (eh oui, les programmes lui donnent moins de place…), reprennent les critiques des maîtres pour une activité comme « le mot du jour » qui sous l’impulsion d’un conseiller du ministre d’alors, fut promue il y quatre ou cinq ans. On ne peut pas reprocher aux maîtres d’essayer de suivre des conseils perçus comme des prescriptions officielles… Notons aussi que ces programmes, considérés comme une régression par la majorité des enseignants, n’étaient pas explicités par des documents d’accompagnement.

elisabeth_bussienne_visage.jpgOn a donc un texte maladroit, pour le moins, dans sa forme qui risque de stigmatiser les acteurs du terrain, qui met l’accent sur le négatif plus que sur les aspects positifs (c’est peut-être la loi du genre), mais qui a le mérite de mettre le doigt là où cela fait mal et de tracer un programme tant pour les chercheurs en didactique que pour la formation des maîtres… et ne peut que faire souhaiter une « refondation » de cette formation, initiale et continue.

Elisabeth Bussienne
Formatrice à l’ESPE de Nantes