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Les pratiques dans l’enseignement secondaire au 20e siècle

Les débats autour de la pédagogie ne datent pas d’aujourd’hui. Il est toujours salutaire de lire un de ces ouvrages sur l’histoire de l’éducation, qui nous aident à prendre du recul et à relativiser certains constats prétendument nouveaux. Évelyne Hery a choisi de travailler sur l’évolution des pratiques pédagogiques depuis les débats qui ont mené aux révolutionnaires instructions de 1902 dans l’enseignement secondaire, jusqu’à la période actuelle. Sur quels documents s’appuyer ? Les textes officiels, les rapports d’inspection ? Les échos médiatiques ? Ou les témoignages d’acteurs, comme ceux qu’on trouve dans les Cahiers pédagogiques, abondamment cités ? Un peu tout cela, pour reconstituer une histoire finalement peu connue dans ses réalités concrètes, au-delà des positions de principe.
Quelques idées-forces en ressortent. La difficulté à faire évoluer les pratiques, tout d’abord, et ce n’est pas une surprise. Les réformateurs divers sont souvent déçus par le peu de résultats de leurs efforts. Et c’est bien finalement
l’évolution sociologique du public qui fait un peu bouger les choses, plus que les injonctions ou la force de conviction des pédagogues. On voit aussi la constance d’un discours qui pourfend la pédagogie, s’accroche à une liberté pédagogique
qui s’oppose à tout professionnalisme, met au premier plan le « bon cours magistral » (même si le cours dialogué a mis un peu d’huile dans les rouages) et bien entendu fait continuellement le constat d’une décadence. Tel ce discours de 1926 dans des termes qu’on croirait d’aujourd’hui : « L’enseignement secondaire ne sera bientôt plus qu’une rallonge du primaire » nous dit l’Amicale du lycée de Toulon. Beaucoup de citations savoureuses ponctuent cette étude. Par
exemple, la note du ministère refusant les nouveaux programmes d’Histoire, en 1968, conçus par l’iconoclaste Inspecteur général Louis François (une grande figure de l’éducation nouvelle) : « Rien n’est plus dangereux que les méthodes actives. S’en méfier comme la peste » (p.149).
Au final, une certaine amertume devant le peu d’avancées réelles dans les changements, comme ce verdict désabusé de Louis Legrand, p.233 : « La pédagogie demeure, contre vents et marées, obstinément classique, et la pédagogie nouvelle demeure toujours nouvelle, c’est-à-dire n’a pas opéré la percée qu’espéraient ses fondateurs ». Mais l’espoir aussi que le message des grands réformateurs, comme Gustave Monod et les Compagnons de l’Université nouvelle, continue à faire son chemin, dans un « avenir ouvert ».

Jean-Michel Zakhartchouk